Dans un arrêt rendu le 22 juin 2021, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a approuvé l’anonymisation d’un article en ligne qui portait atteinte à la réputation d’une personne en lui créant « un casier judiciaire virtuel », alors qu’elle avait exécuté sa peine et avait été réhabilitée.
L’article en cause, publié en 2008, évoquait un accident de la circulation ayant causé la mort de deux personnes et blessé trois autres. L’article mentionnait le nom complet du conducteur qui fut condamné pour ces faits en 2000.
Le conducteur avait depuis exécuté sa peine et avait bénéficié d’une réhabilitation en 2006.
En 2012, le conducteur a demandé la suppression de cet article des archives électroniques du journal ou du moins son anonymisation.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme estime qu’il convient de mettre en balance le droit au respect de la vie privée du conducteur concerné et le droit à la liberté d’expression du journaliste.
La Cour relève qu’une simple recherche à partir des nom et prénom du conducteur concerné sur le moteur de recherche du journal ou sur Google faisait immédiatement apparaître l’article litigieux.
Par ailleurs, la Cour relève que le conducteur subissait un préjudice important, eu égard au temps qui s’était écoulé depuis la publication de l’article.
Selon la Cour, le maintien en ligne de l’article litigieux aurait été de nature à porter indéfiniment et gravement atteinte à la réputation du conducteur, lui créant un casier judiciaire virtuel, alors qu’il avait été définitivement condamné, exécuté sa peine et avait été réhabilité.
La Cour a également constaté que l’anonymisation de l’article sur le site internet du journal laissait intactes les archives et constituait la mesure la plus efficace, sans pour autant porter atteinte de manière disproportionnée à la liberté d’expression du journaliste.
La Cour européenne des Droits de l’Homme achève son raisonnement en considérant que le fait d’anonymiser l’article figurant sur le site internet en remplaçant les nom et prénom de l’intéressé par la lettre X est un juste équilibre entre la protection de la vie privée du conducteur et la protection de la liberté d’expression du journaliste.
Soulignons que, selon la Cour, cette solution n’implique pas une obligation pour les médias de vérifier leurs archives de manière systématique et permanente. Ceux-ci sont uniquement tenus de procéder à une vérification en cas de demande expresse.
Avis :
La diffusion de la presse sur internet a amélioré l’accès à l’information du public. Cette diffusion plus large et durable a son revers puisqu’un article qui ferait état d’une condamnation judiciaire d’un individu demeure longtemps facilement accessible.
Aussi, ce maintien de l’article en ligne est-il susceptible de lui nuire dans sa vie personnelle et dans sa vie professionnelle.
Dès lors, la personne visée par l’article est autorisée à demander la suppression ou du moins l’anonymisation de l’article mis en ligne lorsque certains critères sont remplis : temps passé depuis la condamnation, exécution de la condamnation, gravité de l’infraction, notoriété de la personne condamnée…
Dans ce cadre, un débat intervient afin de trouver, dans chaque situation la mesure qui préserve le mieux la vie privée de la personne condamnée et la liberté d’expression du journaliste.
La mise en avant des critères et motifs pertinents est un travail précis et technique qui implique, le plus souvent, d’être accompagné par un avocat spécialisé.
Source : CEDH, 3ème section, Aff. HURBAIN c. BELGIQUE, no 57292
Référencement : Liberté d’expression – Anonymisation d’un article – Droit à l’oubli – Intérêt général
Maître Ludovic BINELLO
Avocat au Barreau de PARIS
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