Le 25 juin 2019, un écrivain et critique théâtral a mis en ligne un article relatant des agressions sexuelles dont se serait rendu coupable un metteur en scène et faisant état d’une plainte déposée du chef de viol par une jeune femme pour des faits datant à 2011.
L’auteur de l’article évoquait notamment le fait que le metteur en scène avait été placé en garde à vue en 2018 mais que la plainte avait été classée sans suite le 11 mars 2019.
Considérant que cet article avait porté atteinte à sa présomption d'innocence, le metteur en scène a engagé une action judiciaire civile devant le Juge des référés afin d'obtenir la suppression de l'article en cause, la publication de communiqués et une indemnité à valoir sur la réparation de son préjudice.
Le juge des référés puis la Cour d’appel dans un arrêt en date du 7 octobre 2020 ont rejeté les demandes du metteur en scène, lequel a régularisé un pourvoi en cassation.
Dans un arrêt rendu le 16 février 2022, la 1re Chambre civile de la Cour de cassation a d’abord rappelé que le droit au respect de la présomption d'innocence est celui de ne pas être présenté publiquement comme coupable d’une infraction, tant qu'une procédure pénale est en cours.
La Cour retient qu’en l’absence d’une procédure pénale, les propos imputant à autrui une infraction sont susceptibles de caractériser une diffamation.
Or, dans la présente affaire, à la date de la publication de l'article litigieux le 25 juin 2019, le metteur en scène ne faisait l'objet d'aucune poursuite pénale puisque la plainte déposée à son encontre avait été classée sans suite le 11 mars 2019.
Dans ces conditions, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel a, à bon droit, écarté l’application des dispositions protégeant la présomption d’innocence et rejette le pourvoi.
Appréciation :
L’atteinte à la réputation et plus spécialement la mise en cause publique aux termes de laquelle une infraction pénale est imputée à un individu oblige à une réaction rapide.
En effet, il ne peut être toléré qu’une publication diffamatoire ou portant atteinte à la présomption d’innocence d’un individu soit maintenue et il est important d’agir rapidement afin d’obtenir la suppression de la publication et la réparation du préjudice subi.
Cette célérité nécessaire ne doit être confondue avec la précipitation : le choix du fondement de l’action judiciaire à engager demeure déterminant.
Dans cette affaire la Cour de cassation rappelle que toute erreur de fondement est susceptible de compromettre définitivement les droits de la personne mise en cause.
Le rappel est utile :
- Lorsqu’un individu est présenté comme coupable d’une infraction pénale alors qu’une procédure pénale est en cours, celui-ci peut agir devant le juge civil sur le fondement de l’atteinte à sa présomption d’innocence
- En revanche, lorsqu’il n’existe pas ou qu’il n’existe plus de procédure pénale, l’individu présenté comme coupable d’une infraction pénale ne peut agir que sur le fondement la diffamation.
Une erreur de fondement dans ce domaine est bien souvent dévastatrice puisque la prescription trimestrielle applicable ne permet pas d’introduire une nouvelle procédure après l’échec de la première.
En conclusion, insistons sur la nécessité de se faire accompagner par un professionnel susceptible de déterminer rapidement et efficacement le fondement de l’action à engager pour mettre fin à l’atteinte à la réputation !
Maître Ludovic BINELLO
Avocat au Barreau de PARIS
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Source : Cass. Civ. 1re, 16 février 2022, no 21-10.211