Une femme a été citée devant le Tribunal correctionnel du chef d'injure publique en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion par parole, écrit, image ou au moyen de communication au public par voie électronique pour des propos proférés sur le balcon de son appartement le 22 juin 2018.
La citation délivrée à la prévenue visait à la fois l’article 33 alinéa 2 et l’article 33 alinéa 3 de la Loi du 29 juillet 1881.
Or ces deux alinéas visent deux infractions différentes :
- L’article 33 alinéa 2 de la Loi du 29 juillet 1881 réprime l’injure publique envers un particulier ;
- L’article 33 alinéa 3 de la Loi du 29 juillet 1881 réprime l’injure publique envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.;
Par jugement en date du 24 juin 2019, le Tribunal correctionnel a condamné la prévenue pour injure publique à raison de la race, de la religion ou de l'origine et de deux autres chefs, à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve (devenu sursis probatoire) et au paiement de dommages et intérêts.
La prévenue, le Ministère Public et une partie civile ont interjeté appel du jugement.
Le 31 mars 2020, la Cour d'appel de Lyon a confirmé la culpabilité de la prévenue en ramenant sa condamnation à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis.
La prévenu a régularisé un pourvoi en cassation aux termes duquel elle reprochait à la Cour d’appel de l’avoir reconnu coupable d'injure publique en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion, alors que la citation délivrée à raison d'agissements prévus par la loi du 29 juillet 1881 doit indiquer le texte de loi applicable et que dans le cas où la citation vise plusieurs textes instituant des infractions distinctes, le juge ne peut opérer un choix entre ceux-ci et doit relaxer le prévenu.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en rappelant qu'en application de l'article 385 du Code de procédure pénale les exceptions de nullité des actes de procédure doivent être présentées avant toute défense au fond.
Or, au moment de sa comparution devant le Tribunal correctionnel, la prévenue n'a soulevé aucune exception de nullité tendant à l'annulation de l'acte de poursuite au titre du délit d'injure publique aggravée, de sorte qu'elle est irrecevable à le faire en appel.
Selon la Cour de cassation, la Cour d’appel a fait une exacte application de l’article 385 du Code de procédure pénale et de l’article 53 de la Loi du 29 juillet 1881 en déclarant irrecevable l’exception de nullité soulevée par la prévenue pour la première fois en cause d’appel.
Appréciation : Une procédure engagée devant le Tribunal correctionnel sur le fondement d’une infraction de presse (diffamation, injure…) demeure soumise à la rigueur procédurale du Code de procédure pénale dont les dispositions sont applicables et doivent se combiner, dès lors qu’elles ne sont pas contraires, aux règles posées par la Loi du 29 juillet 1881.
Aussi, toute exception de nullité d’un acte de poursuite doit-elle être soulevée in limine litis avant toute défense au fond (absence de caractère injurieux des propos, excuse de provocation…).
Cette règle s’applique également pour les exceptions de nullité qui sont prévues par la Loi du 29 juillet 1881 elle-même et notamment par l’article 53 de la Loi du 29 juillet 1881 s’agissant des actions engagées sur citation directe.
A défaut d’être soulevée in limine litis l’exception de procédure doit être déclarée irrecevable et ne peut permettre au prévenu d’échapper à une condamnation si les autres moyens de défense développés ne prospèrent pas.
Dans la présente affaire, cette méconnaissance des règles procédurales a de lourdes conséquences pour la prévenue puisque celle-ci disposait d’un moyen sérieux qui lui aurait permis d’obtenir sa relaxe… mais elle se trouve condamnée à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis !
Il s’agit d’un rappel utile sur la nécessité d’être assisté par un professionnel compétent en droit de la presse qui sera en mesure d’identifier et de développer au moment pertinent les arguments de procédure et de fond susceptibles d’éviter toute condamnation pénale !
Maître Ludovic BINELLO
Avocat au Barreau de PARIS
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