Cotraitance et marché public : précisions sur le compte unique

Publié le Modifié le 02/01/2023 Vu 54 535 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Dans quelles hypothèses des cotraitants doivent-il recourir à un compte unique ? Quelles sont les modalités de gestion du compte unique ? Comment s’opère la facturation ?

Dans quelles hypothèses des cotraitants doivent-il recourir à un compte unique ? Quelles sont les modalités

Cotraitance et marché public : précisions sur le compte unique

 

L’article R. 2142-19 du code de la commande publique autorise les entreprises à se constituer sous la forme d’un groupement d’opérateurs économiques (cotraitance) pour répondre aux marchés publics1.

 

Lorsqu’un marché est attribué à un tel groupement, les modalités de règlement des prestations du groupement sont en principe régies par les dispositions du cahier des clauses administratives générales applicable, à moins que des stipulations contractuelles particulières n’y dérogent.

 

 

Dans quelles hypothèses des cotraitants doivent-il recourir à un compte unique ?

 

Par définition, un compte unique est un compte bancaire communément partagé par les membres d’un même groupement d’opérateurs économiques, afin de recevoir le paiement des prestations exécutées par ledit groupement (à distinguer de l’éventuel compte de dépenses d’intérêt commun).

 

Toutefois, le type du compte bancaire dépend de la forme de groupement en cause.

Les nouveaux CCAG de 2021 ont principalement repris les règles des CCAG de 2009.

 

Ainsi, s’agissant des groupements solidaires, les dispositions des derniers CCAG prévoient assez clairement qu’« en cas de groupement solidaire, le paiement est effectué sur un compte unique, ouvert au nom des membres du groupement ou du mandataire, sauf si le marché prévoit une répartition des paiements entre les membres du groupement et indique les modalités de cette répartition » (article 13.1.2 du CCAG-MI et articles 12.1.2 des CCAG-PI, TIC, et FCS).

 

Il en résulte que si les prestations respectives de chacun des cotraitants solidaires sont individualisables, par exemple sous forme de pourcentage, le marché peut prévoir une répartition des paiements entre les membres du groupement et une individualisation des paiements sur des comptes séparés2.

 

A défaut, le versement des sommes dues se fera, en principe, sur un compte unique (ou compte commun) ouvert, soit au nom de son seul mandataire, soit au nom de chacun des cotraitants solidaires.

 

A cet égard, il convient de relever que les CCAG préconisent l’ouverture d’un compte « au nom des membres du groupement », et non « au nom du groupement » lui-même. Cette précision s’explique, d’une part, parce qu’un tel groupement ne dispose pas de la personnalité morale, d’autre part, par la volonté de prémunir les cotraitants contre le risque d’une potentielle requalification de leurs relations en « société de fait ».

 

À l’inverse, en présence d’un groupement conjoint, les CCAG disposent que « chaque membre du groupement perçoit directement les sommes se rapportant à l’exécution de ses propres prestations » (article 13.1.1 du CCAG-MI et articles 12.1.1 des CCAG-PI, TIC, et FCS).

 

Dès lors que le groupement est conjoint, les prestations sont individualisées et les paiements correspondants sont donc en principe effectués directement sur le compte bancaire de chacun des cotraitants (comptes séparés).

 

A noter, il existe néanmoins une spécificité pour les marchés publics de travaux. Selon le CCAG-Travaux, peu importe la nature du groupement d'opérateurs économiques (conjoint ou solidaire), chaque membre du groupement perçoit directement les sommes se rapportant à l'exécution de ses propres prestations. Cependant, les documents particuliers du marché peuvent prévoir, en cas de groupement solidaire, que le paiement est effectué sur un compte unique ouvert au nom des membres du groupement ou du mandataire (article 10.7 du CCAG-Travaux).

 

 

Quelles sont les modalités de gestion du compte unique ?

 

Lorsque les paiements sont effectués sur un compte unique, il revient généralement à la convention de groupement de préciser les modalités détaillées de gestion de ce compte : fonctionnement sous la seule signature du mandataire ou sous la signature de chacun des membres du groupement ?

 

Selon les cas, il s’agira donc d’un compte unique ad hoc créé spécifiquement pour l’exécution du projet en cause (assez rare dans la pratique) ou du compte bancaire courant du mandataire.

 

À cet égard, si la solution consistant à faire fonctionner le compte commun sous la signature de l’ensemble de ses membres présente le désavantage de la rigidité, elle est cependant plus sécurisante pour les cotraitants, dès lors qu’ils pourront ainsi mieux contrôler les règlements effectués en fonction des travaux réalisés.

 

Toutefois, dans cette hypothèse, et en cas de désaccord entre cotraitants sur la répartition des règlements, voire de défaillance de l’un d’eux, il peut être opportun de prévoir un moyen d’éviter l’immobilisation prolongée des sommes sur le compte commun, par exemple au moyen d’une clause accordant au mandataire une faculté de répartition d’office des règlements en cas de désaccord durable entre les cotraitants.

 

Comment s’opère la facturation ?

 

Quelle que soit la forme du groupement, le mandataire est seul habilité à présenter au pouvoir adjudicateur les demandes de paiement (article 13.1.3 du CCAG-MI, article 13.5.2 du CCAG-Travaux et articles 12.1.3 des CCAG-PI, TIC, et FCS).

 

Dans la pratique, les modalités de facturation peuvent toutefois varier en fonction du caractère individualisé ou non des paiements.

 

Ainsi, lorsque les paiements sont effectués directement sur les comptes et au nom de chacun des cotraitants, « la demande de paiement présentée par le mandataire est décomposée en autant de parties qu'il y a de membres du groupement à payer séparément. Chaque partie fait apparaître les renseignements nécessaires au paiement de l'opérateur économique concerné » (article 13.1.3 du CCAG-MI, article 13.5.1 du CCAG-Travaux, et articles 12.1.3 des CCAG-PI, TIC et FCS).

 

Dans ce cas, le mandataire doit indiquer le montant des prestations à payer à chacun des membres du groupement.

 

À l’inverse, lorsque le paiement est effectué sur un compte bancaire unique, le mandataire doit procéder directement à une facturation globale, au titre des prestations réalisées par le groupement dans son ensemble, chaque membre devant lui transmettre les documents nécessaires à l'établissement des factures le concernant, lui et ses éventuels sous-traitants.

 

Enfin, pour mémoire, les factures du groupement peuvent être établies soit en son nom, soit au nom des membres du groupement, en fonction de l’option évoquée précédemment entre un fonctionnement sous la seule signature du mandataire, ou sous celles de chacun des cotraitants.

 

 

Article rédigé par la collaboration de Kévin Meunier, mis à jour le 12/12/2022.

 

 

1. Article R. 2142-19 du code de la commande publique : « Les groupements d'opérateurs économiques peuvent participer aux procédures de passation de marchés ».

 

Article R. 2142-20 : « Le groupement est :

1° Conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché ;
2° Solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché
. »

 

Voir R. 2342-12 du code de la commande publique pour les marchés publics de défense et de sécurité

 

2. Sur les effets d'une telle répartition, voir « Cotraitants solidaires et marché public : solidarité ne rime pas toujours avec responsabilité » : (http://www.legavox.fr/blog/maitre-malvina-mairesse/cotraitants-solidaires-marche-public-solidarite-13354.htm).

 

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.