La sous-traitance relève de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 dont les dispositions sont d’ordre public (1).
L’article 1er de cette loi (modifié par la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001) définit la sous-traitance comme « l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».
Et l’article 3 de préciser : « L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage »(2).
Une fois accepté et ses conditions de paiement agréées et si le montant du contrat de sous-traitance est supérieur ou égal à 600 Euros TTC, le sous-traitant a droit au paiement direct, par l’acheteur public, des prestations dont il assure l’exécution (articles 6 de la loi n°75-1334 et 115 du Code des marchés publics).
Dès lors, il est important, pour le titulaire d’un marché public, de savoir si son partenaire doit être déclaré comme un sous-traitant ou s’il n’est en réalité qu’un simple fournisseur.
Il résulte de l’article susvisé que le contrat de sous-traitance implique (i) que le contrat principal soit un marché public ayant le caractère d'un contrat d'entreprise, c’est-à-dire d’un contrat de louage d’ouvrage ou d’industrie tel que défini à l’article 1710 du Code civil (3) et (ii) que le sous-traitant se voie confier « une partie » de ce contrat.
Le contrat de sous-traitance doit donc lui-même présenter les caractéristiques d’un contrat d’entreprise et comporter une obligation de faire, traduisant une réelle participation du sous-traitant à l’exécution du marché public.
Comme l’indique la circulaire du 7 octobre 1976 relative à la réforme du régime de la sous-traitance dans les marchés publics : « Au sens de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, seuls les marchés s'analysant comme des contrats d'entreprise peuvent être partiellement sous-traités au moyen de contrats qui doivent eux-mêmes avoir le caractère de contrat d'entreprise ».
Un petit tour d’horizon des décisions rendues par les juridictions administratives permettra de clarifier la distinction fournisseur / sous-traitant.
1. Le fournisseur vend des équipements courants
Doit être considéré comme un fournisseur - et non comme un sous-traitant - l’entreprise qui a conclu avec le titulaire d’un marché public un contrat qui n’implique pas une obligation de faire, mais une simple obligation de vendre, de transférer la propriété.
Le fournisseur est, « au titre d’un contrat de vente, charg[é] seulement de la livraison, après fabrication éventuelle, de matériaux, produits ou composants de construction ne comportant pas de spécifications exceptionnelles fournies par l’acquéreur » (instruction n°77-35/B/1/MO du 9 mars 1977 concernant la réforme du régime de la sous-traitance dans les marchés publics).
Tel est le cas de l’entreprise qui fournit :
- des pavés ordinaires (CAA Lyon, 3 juillet 2003, Société d’exploitation des grès de Molières, req. n°97LY02986) ;
- de simples équipements sans travaux de pose (pour des menuiseries et des volets roulants, CAA Douai, 3 juin 2002, Société Isoplas, req. n°99DA00234 ; pour une charpente, CAA Bordeaux, 31 juillet 2003, SA Charles et Mouysset, req. n°99BX00765) ;
- du béton prêt à l’emploi (CE, 26 septembre 2007, Département du Gard, req. n°255993) ;
- des canalisations et des pièces de fabrication courante (CAA Nantes, 30 décembre 1999, Société Biwater, req. n°96NT02356).
Il en est de même d’un loueur qui met à la disposition du titulaire d’un marché public de travaux des nacelles élévatrices que ce dernier utilisera pour exécuter les travaux dont il a la charge (TA Rouen, 19 juin 2000, Société Hek, req. n°961110).
De tels contrats ne peuvent en effet être regardés comme confiant au fournisseur « l’exécution » en sous-traitance « d’une partie du marché public », les prestations fournies dans ce cadre relevant de simples fournitures.
Sont d’ailleurs sans incidence sur la qualification du contrat de fournitures :
- le fait que le fournisseur ait participé à certaines réunions de chantier (CAA Bordeaux, 31 juillet 2003, SA Charles et Mouysset, précité)
- le fait que le fournisseur prenne en charge le coût des essais, le remplacement ou la réparation des produits défectueux, ainsi que les frais de pose et de dépose correspondants (CAA Nantes, 30 décembre 1999, Société Biwater, précité) ;
, voire même ait fait l’objet d’une acceptation et d’un agrément de ses conditions de paiement par l’acheteur public (CE, 26 septembre 2007, Département du Gard, précité)
A noter toutefois, si le fournisseur du titulaire d’un marché public de travaux ne peut se voir reconnaître la qualité de sous-traitant et n’a donc pas droit au paiement direct prévu par l’article 115 du Code des marchés publics, il peut bénéficier d’un droit de paiement préférentiel ou « privilège de pluviôse » dans les conditions fixées à l’article 110 du même Code.
2. Le sous-traitant exécute une partie du marché public
Si « des composants disponibles sur catalogue, dans la mesure où ils ne nécessitent pas une adaptation spéciale à la prestation globale doivent être considérées comme des fournitures ordinaires ne pouvant donner lieu à sous-traitance » (circulaire du 7 octobre 1976 précitée), il y aura sous-traitance si les prestations commandées ont fait l’objet d’adaptations particulières en vue de répondre aux besoins de l’acheteur public et conformément à ses spécifications (CAA Nantes, 30 décembre 1999, Société Biwater et CAA Lyon, 3 juillet 2003, Société d’exploitation des grès de Molières, précités).
Il en est ainsi de l’entrepreneur dont la prestation - qui figure d’ailleurs dans le marché principal - consiste en la fourniture, la pose et le déplacement d’un échafaudage nécessitant un travail spécifique réalisé pour les besoins particuliers du maître de l’ouvrage (CAA Lyon, 11 mai 2006, Société Qualia, req. n°01LY00279).
Il en sera aussi de même dans l’hypothèse où le prestataire fournit, « outre son travail », des matières premières « si ces fournitures sont d’une valeur inférieure à celles des autres prestations (circulaire du 7 octobre 1976 précitée (4) et CE, 3 novembre 1989, SA Jean Michel, req. n°54778). Dans ce cas et comme pour les marchés « mixtes » (5), la qualification du contrat dépendra de la valeur des fournitures commandées.
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1. Article 15 de la loi : « Sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de la présente loi ».
2. L’article 112 du Code des marchés publics dispose quant à lui que « Le titulaire d'un marché public de travaux, d'un marché public de services ou d'un marché industriel peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché à condition d'avoir obtenu du pouvoir adjudicateur l'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement ».
3. L’article 1710 du Code civil définit le contrat d’entreprise, également appelé contrat de louage d’ouvrage ou d’industrie, comme : « un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ». L’article 2 du Code des marchés publics (édition 1964) précisait déjà : « Le titulaire d'un marché public ayant le caractère de contrat d'entreprise peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché à condition d'avoir obtenu de la collectivité ou de l'établissement public contractant l'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance ». Le droit à sous-traiter n’existe donc pas pour les titulaires de marchés publics de fournitures courantes.
4. Voir aussi l’instruction n°77-35-B1-MO du 9 mars 1977 précitée : « Il peut être convenu que la personne fournira seulement son travail ou son industrie ou qu’elle fournira aussi la matière. Dans le premier cas, le contrat constitue sans aucun doute un contrat de louage d’ouvrage pur et simple. Dans le second cas, il n’y a pas forcément louage d’ouvrage, mais vente à livrer si la valeur des fournitures employées est supérieure à celle des prestations prévues ».
5. Lorsqu’un marché est mixte parce qu’il a pour objet à la fois des services et des fournitures, il convient de prendre en compte la prestation dominante - Article 1er III du Code des marchés publics : « Lorsqu'un marché public a pour objet à la fois des services et des fournitures, il est un marché de services si la valeur de ceux-ci dépasse celle des fournitures achetées ».
Article rédigé le 11 septembre 2009