La solidarité financière en matière de cotraitance

Publié le Modifié le 14/11/2022 Vu 7 761 fois 0
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La solidarité financière en matière de cotraitance, une notion essentielle à la définition des obligations du groupement en cas de défaillance de l’un de ses membres

La solidarité financière en matière de cotraitance, une notion essentielle à la définition des obligation

La solidarité financière en matière de cotraitance

Les Codes des marchés publics de 2004 et 2006 ont consacré une solidarité dite « purement financière » des cotraitants solidaires, leur permettant ainsi de candidater en groupements momentanés d’entreprises (ou groupement d’opérateurs économiques depuis la récente réforme) à un marché public, sans qu’il soit nécessaire que chaque cotraitant détienne l’ensemble des compétences requises à l’exécution de ce marché.

Une telle consécration n’était pas évidente, à en juger par l’historique de cette notion de solidarité.

En effet, avant l’entrée en vigueur du Code des marchés publics de 2004, la notion de solidarité technique prévalait et garantissait le pouvoir adjudicateur d’une éventuelle inexécution du marché public en cause, en reportant sur les cotraitants solidaires non défaillants la réalisation du marché.

C’est notamment ce qu’avait retenu la Cour administrative d’appel de Paris dans un arrêt du 10 octobre 2000, Préfet de Seine-Saint-Denis, n°99PA03442 précisant que l'entreprise solidaire s'engage à pallier la défaillance des autres membres du groupement et doit, pour remplir correctement cette obligation, disposer de toutes les qualifications nécessaires  (LLORENS F., Groupements d’entreprises solidaires et qualifications exigibles, Contrats et Marchés publics, n° 6-7, Juin 2001).

Une telle décision pouvait s’expliquer par le fait qu’un groupement ne disposant pas de la personnalité morale, l’appréciation des qualifications ne pouvait donc se faire que pour chacun des membres dudit groupement.

Cette jurisprudence créait cependant une obligation de substitution, en cas de défaillance d’un cotraitant, difficilement justifiable.

Non seulement elle se heurtait au régime général des obligations de l’ancien article 1142 du Code civil qui précise que : « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout par des dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur » (désormais article 1221 du code civil), mais elle pouvait aussi obliger une entreprise à accomplir des actes étrangers à l’exercice de sa profession (CE, 7 novembre 1986, Ville de Toulouse, n°55131), condamnant par là même l’existence des groupements dont la vocation première est d’associer des cotraitants aux compétences techniques différentes.

Cette solution allait enfin à contrecourant de la jurisprudence européenne qui exigeait une analyse globale des capacités d’un groupement  (CJCE, 14 avril 1994, Ballast Nedam Groep NV, aff. C-389/98).

Le Code des marchés publics de 2004, puis celui de 2006, ont mis un terme à cette acception. Ils ont précisé, tous deux, à l’article 52, que : « l’appréciation des capacités professionnelles et financières des membres d’un groupement est globale » et qu’il n’est pas nécessaire que « chaque entreprise ait la totalité des compétences techniques requises pour l’exécution du marché ».

L’article 51 du Code de 2006 susvisé a aussi consacré la solidarité « financière » en ces termes : « le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché ».

Les réformes de la commande publique qui ont suivi confirme les précédentes codifications et pérennise cette notion de solidarité financière.

Les articles 44 V du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics et 36 V du décret du même jour relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité prévoient en effet que « l’appréciation des offres des capacités d'un groupement d'opérateurs économiques est globale. Il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des capacités requises pour exécuter le marché public ».

Quant aux articles 45 (marchés publics classiques) et 38 (marchés publics de défense ou de sécurité) de ces décrets, ils précisent également que «  Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché public ».

Le récent code de la commande publique a poursuivi dans cette voie : l’article R. 2142-20 dispose en effet que « chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché », l’article R. 2142-25 confirmant que « l'appréciation des capacités (…) est globale. Il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des capacités requises pour exécuter le marché » (voir article R. 2342-12 pour les marchés de défense).

Ainsi, si les cotraitants solidaires ne sont pas tenus de détenir l’ensemble des compétences nécessaires à la réalisation du marché, ils sont néanmoins responsables de sa bonne exécution.

Ils s’engagent dès lors à notre sens, en cas de défaillance de l’un d’entre eux, à faire appel à un sous-traitant ou à se substituer au membre défaillant, sans pour autant qu’il n’y ait obligation en la matière.

Comme le considèrent certains auteurs (1), l’engagement pour le tout serait toutefois supplétif de la solidarité financière. Les maîtres d’ouvrage pourraient ainsi choisir entre solidarité exclusivement financière et solidarité avec engagement pour le tout (sauf si cette dernière est incompatible avec le statut d’une profession), comme dans l’exemple ci-dessous :

"Chacun des membres du groupement s'engage à exécuter l'ensemble des prestations objet du marché dont le groupement est titulaire et à ce titre il doit pallier une éventuelle défaillance de l'un des membres du groupement".
 


(1) voir par exemple ROUQUETTE (R), Distinction entre groupements conjoints et solidaires, Droit des marchés publics, feuillet mobile, Editions du Moniteur,  septembre 2014, p. 9/10

Article corédigé avec Lisa Arazi, mis à jour le 11 novembre 2022

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