Comment faire exploser une démocratie au gaz de schistes

Publié le 17/04/2011 Vu 13 096 fois 15
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Voilà l’histoire résumée d’une leçon de stratégie politico-juridique ou, comment subtilement, on peut faire capoter un mouvement citoyen en toute transparence en prenant le Parlement comme outil et en servant les intérêts de sociétés américaines sans en avoir l’air .

Voilà l’histoire résumée d’une leçon de stratégie politico-juridique ou, comment subtilement, on peut

Comment faire exploser une démocratie au gaz de schistes

Danger d’explosion  d’une démocratie au gaz de schistes

ou

comment Monsieur Fillon et son gouvernement se joue du Parlement  avec son aval!

 

Voilà l’histoire résumée d’une leçon de stratégie politico-juridique ou comment, subtilement, on peut faire capoter un mouvement citoyen en toute transparence en prenant le Parlement comme outil et en servant les intérêts de sociétés américaines sans en avoir l’air .

Le mouvement contre l’exploration et l’exploitation des gaz de schistes sur le territoire national est un mouvement citoyen d’une force que personne n’avait prévu, pas même les Verts, soutien de la première heure de ce mouvement que des lanceurs d’alerte ont initié.

Ce mouvement a largement dépassé les élus qui ont mesuré l’ampleur de leur défaillance à l’aune de leur échec aux élections  cantonales. Tous sont surpris du rejet marqué d’une forme d’expression et de décisions politiquement correctes pour un technocrate de la politique politicienne, sans aucune lisibilité des valeurs que porte traditionnellement la France, même à ces heures les plus sombres.

Le mouvement citoyen rappelle qu’une forme de résistance existe en France et est toujours vivace. Elle s’exprime hors des sentiers battus, même si ça et là, on peut y apercevoir des politiques qui ont une meilleure conscience des enjeux qui se jouent à long terme et évitent le court-termisme ambiant.

L’actualité de la Fronde anti-gaz de schistes est l’occasion de rappeler comment des politiques rompus à contourner ces mouvements de résistances utilisent les moyens juridiques pour parvenir à corrompre les valeurs de notre démocratie, sans coup férir et avec l’aval, voire la complicité d’une opposition politicienne .Et dire que ce sont les mêmes qui se posent encore la question de savoir comment ils vont pouvoir démontrer qu’ils sont à la hauteur de ce qu’exigent les citoyens de ce pays !

L’actualité parlementaire des gaz de schistes, c’est, à quelques jours d'une "journée nationale de mobilisation" organisée dimanche par les opposants, le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui annonce l'examen le 10 mai, en procédure d'urgence, de la proposition de loi de Christian Jacob (UMP). Celle-ci vise à interdire l'exploration et l'exploitation de ces hydrocarbures non-conventionnels.  Deux autres propositions de loi analogues, une socialiste et une de Jean-Louis Borloo (Parti radical), ont été déposées à l'Assemblée.

M. Accoyer a précisé mardi avoir demandé "au gouvernement, au président de la commission, aux deux présidents des groupes concernés d'essayer de trouver une solution de discussion commune", ce qui a été fait en prenant pour ligne, grosso modo, la proposition de Monsieur Jacob.

 

La seconde étape qui devrait suivre sera une réforme du code minier. L'ordonnance en question n'a rien à voir avec les permis exclusifs de recherche déjà délivrés, qui l'on été sur un autre fondement. Contester l'ordonnance présente un intérêt, mais pour l'avenir, pas pour les permis déjà délivrés. Il faut intégrer au code minier des études d'impact et la participation du public, en vertu de la Charte de l'environnement (art. 1, 2, 7), mais cela ne se limite pas aux schistes, loin de là. Tout le code minier a besoin d'être réformé.

En vertu de la procédure d'urgence, décidée par le gouvernement, qui limite l'examen parlementaire à une seule lecture par l'Assemblée et le Sénat, une interdiction devrait être votée avant la fin juin. On peut déjà se poser la question de cette chronique d’une mort annoncée avant tout débat…

 

Aucune des deux propositions de lois connues[1] ne propose l'abrogation de l'ordonnance du Code minier, fruit du travail gouvernemental. Elles proposent l'abrogation des permis exclusifs de recherches délivrés il y a un an, ce qui est très différent et l’interdiction de l’exploration et l’exploitation des gaz de schistes sur le territoire national. Bien !

On peut quand même se poser la question de savoir pourquoi le gouvernement si prompt à faire son mea culpa sur les permis accordés ne le fait pas sur le code minier et ne propose pas un débat au Parlement comme il en a le pouvoir : serait-ce pour éviter de se faire invalider un travail tout à refaire ? Pour éviter un débat sur les ressources et les choix énergétiques de la France ? On ne sait mais il est à noter que l’opposition ne demande pas non plus ce débat sur la loi de validation de l’ordonnance relative au code minier.

Première leçon de droit constitutionnel et administratif  pour comprendre ce qui sera dit par la suite : le Législateur (Parlement) a donné délégation au pouvoir réglementaire (Gouvernement) de dépoussiérer le code minier, soit disant pour le remettre aux normes ; à charge pour le pouvoir exécutif de présenter le fruit de son travail au Parlement qui doit le valider à travers une loi de validation. C’est cette loi qui transforme l’ordonnance, acte réglementaire créé sans débat et sans contrôle de constitutionnalité, en loi à valeur législative.

Reprenons notre actualité : le Premier Ministre, Monsieur Fillon, de son côté affirme que certes, une exploitation dans les conditions d’octroi des permis ne sera pas possible mais que la recherche ne s’arrêtera pas ! On passera donc du permis d’exploration qui sera interdit au permis de recherche qui sera permis, au nom de l’innovation scientifique etc. de la France, n’en doutons pas. Cela tombe bien car, le code minier nouveau ou ancien ne mentionne que le permis de recherche ; de permis d’exploration, il n’en existe point ! Première subtilité qui permet de voter sur un élément de droit qui n’existe pas…

à lire aussi:

La proposition de M. Jacob, député UMP, prévoit donc l'abrogation des permis d'exploration pour le gaz et l'huile de schiste ainsi que l'interdiction de leur exploitation par fracturation hydraulique, une technique contestée par les citoyens soucieux de l’impact sur l’eau et l’air de nos régions.

Les opposants estiment notamment que cette technique, impliquant l'injection sous pression dans le sous-sol de grandes quantités d'eau et de produits chimiques pour fracturer les roches qui contiennent le gaz ou l'huile, peut entraîner la contamination des nappes phréatiques de façon irrémédiable et sans possibilité de l’éviter.

Les medias relaient les discours des opposants et les déclarations  intempestives faites, droit dans leurs bottes, par ceux là même qui ont signé les permis contestés ( M. Borloo), plaident pour une indépendance énergétique au nom de la souveraineté nationale (UMP & PS), ceux là même qui acceptent que les Grenelle I et II soient grignotés jour après jour de leur substantifique moelle, et qui feignent (pour certains) d'ignorer ce que sont les fondements juridiques administratifs et constitutionnels de notre merveilleux et beau pays, dont des millions de touristes viennent admirer les paysages, la fraîcheur et l’art culinaire.

Pourtant, tout cela - démocratie, paysage et indépendance énergétique - est proche d’exploser…et pas seulement pour du gaz de schistes mais en partie à cause du gaz de schistes !

Petit aparte sur l’auteur de cet article : pourquoi une telle détermination d’une simple avocate qui n’a pas déposé de recours contre l’ordonnance  réformant le code minier, n’est pas députée, n’a pas de client à défendre dans ce dossier des gaz de schistes, mais est simple citoyenne, qui n’est d’aucun parti mais revendique, au sein d’une ONG, le droit de vivre dans une société soutenable, pour elle mais surtout pour vos enfants ?

La raison en est simple : l’auteur est une avocate et docteur en droit public, simple citoyenne ayant appris les vertus de la démocratie, spectatrice attentive des révolutions par des peuples ayant soif de démocratie et de justice sociale et économique, spectatrice alarmée des catastrophes environnementales telles que le réchauffement climatique, la fragilité d’un pays comme le Japon face à la menace nucléaire avérée et non plus virtuelle, choquée face aux erreurs d’appréciation, volontairement minorée pour des raison financières, de l’ampleur des effets des catastrophes naturelles comme un tsunami, l’éruption d’un volcan ou la montée des eaux y compris ceux de la mer.…Comme tout un chacun, l’auteur perçoit à quel point notre démocratie est fragile à travers ce dossier emblématique qu’est celui des gaz de schistes. Car les mêmes erreurs se reproduisent à l’identique, et pour les mêmes types d’intérêts : l’argent pour une « élite »[2], le miroir aux alouettes de l’emploi pour les pauvres « ilotes »[3] que nous sommes, la fausse idée d’un bien être consumériste assimilé au bonheur  individuel qui serait sans fin pour tous, enfin presque.

Mais quel lien cela a-t-il avec notre sujet des gaz de schistes nous dira-t-on ? Le lien c’est l’accessibilité à l’énergie,  à l’eau, à la satisfaction des besoins fondamentaux qu’une démocratie est censée assurer à chacun de nous, c’est aussi l’accès au Droit, à notre droit et à ses principes qui permettent de sauvegarder ce qui est le bien commun : cette démocratie grâce à laquelle certains ilotes peuvent espérer faire partie de l’élite et pourquoi pas un jour faire que tous, nous ne soyons plus que des citoyens partageant les connaissances, nous enrichissant les uns les autres sans trouver d’autres sources de profit et de satisfaction que cet enrichissement mutuel dans un environnement sain, varié et équilibré.

Revenons à notre analyse juridique en lien avec ce danger qui couve: une proposition qui se propose d’abroger une ordonnance, celle qui réforme le code minier en l'occurrence, est  juridiquement « baroque ». En effet, il s’agit d’une ordonnance non ratifiée, non validée, donc n’ayant pas encore valeur législative. Il faudra donc expliquer comment des parlementaires peuvent abroger un acte règlementaire dans un texte de loi. Qu’ils refusent de ratifier une ordonnance, d’accord, mais l’abroger avant ratification, c’est d’une créativité juridique assez inédite et donc condamnable.

Si cette ordonnance pose tant de problèmes, la solution est d’organiser un débat autonome sur sa ratification. Les députés pourraient alors déposer des amendements pour modifier les points posant problème, avec un vrai débat et à la fin, un vote explicite, le refus de ratification valant rejet de cette ordonnance. Ce serait sans doute l'occasion d'avoir ce fameux débat sur la politique énergétique de la France que nous appelons de nos voeux.

Dans le cas présent, les députés ont exclusivement parlé du fond avec une vision court-termiste, sans jamais avoir la moindre interrogation sur la rigueur juridique de leur démarche et une vision du dossier globale. Il serait bon que ces questionnements ne surgissent pas uniquement lors des débats sur les propositions de loi de simplification du droit, mais soient systématiquement posés à chaque texte.

Quant à la compétence du législateur pour abroger un acte pris par le pouvoir exécutif, Montesquieu doit se retourner dans sa tombe, la séparation des pouvoirs étant à la base de notre construction constitutionnelle et démocratique. Ce n’est pas la première fois que cette séparation est violée mais c’est la première fois qu’elle peut avoir des conséquences sur un mouvement citoyen important.

Quelles conséquences : le calcul est subtil ; faire voter par le Parlement une loi dont les fondements constitutionnels sont eux-mêmes baroques, c’est fragiliser ceux qui portent la mobilisation contre les permis.

Que va-t-il se passer une fois la loi votée car n’en doutons pas, elle sera votée?

La chose est simple : les sociétés détentrices de permis vont saisir le conseil constitutionnel soit à l’occasion d’un recours contre l’annulation des permis (QPC : question prioritaire de constitutionnalité), soit grâce à des sénateurs et députés favorables à la production de gaz de schistes (il y en aura bien 60 à se manifester).

Et que fera le conseil constitutionnel ? Il n’aura d’autre choix que de constater que le législateur n’avait pas compétence pour abroger un acte réglementaire et invalidera cette pseudo loi. Le permis d’exploration est un acte administratif non réglementaire créateur de droit.

Deuxième leçon de droit administratif : pour les juristes, la réponse détaillée se trouve dans Frier Petit, Précis de droit administratif, 6ème édition, Précis, Dalloz, 2010, p. 328.

Lorsqu'une décision non réglementaire est un acte créateur de droits, l'administration ne peut pas abroger au delà d'un délai de 4 mois (donc ici ce serait trop tard), sauf :

- si des dispositions législatives ou réglementaires ont institué d'autres régimes d'abrogation (CE, 30 juin 2006, Soc. Neuf Telecom, AJDA, p. 1703). En l'espèce, il resterait à savoir si les propositions de loi en cause vont ou non instituer un régime d'abrogation. Dans l'état de leur rédaction actuelle, elles n'instituent pas un régime d'abrogation, elles abrogent directement, ce que la loi ne peut pas faire.

- si le juge estime qu'une décision créatrice de droits (les permis de recherche) ne peut être légalement maintenue qu'aussi longtemps que les conditions légales de son édiction sont remplies (CE, 14 mars 2008, M. Portalis, AJDA, p. 800). En l'espèce, on pourrait considérer que lors de leur édiction, les permis étaient déjà contraires à la Charte de l'environnement et à la directive 85/337. Quoi qu'il en soit, c'est l'administration qui abroge, pas la loi.

- si l'on peut considérer que, dès l'origine, l'acte ne remplissait pas les conditions légales de son adoption, cette illégalité originelle ayant été tardivement relevée (CE, 6 nov. 2002, Mme Soulier, AJDA, p. 1434.)

Bref, quoi qu'il en soit, le risque est bien que les exploitants fassent une QPC devant le conseil constitutionnel pour faire « annuler » l'abrogation prévue par les propositions de loi (si une d'elle est adoptée).

Fin du premier acte d’une tragédie en trois actes et premier camouflet pour le Parlement (il en a vu d’autres) mais surtout pour le mouvement citoyen naissant ;

Quels sont les effets d’une censure constitutionnelle : démobilisation d’une partie des citoyens qui pensent que le droit les protège, que le droit a parlé et dit ce que nous savons déjà : les permis ne peuvent être annulés que par ceux là même qui les ont accordés, le gouvernement !

Celui-ci entre temps aura disparu, élection présidentielle oblige… fin du deuxième acte !

Oui mais dirons certains, la proposition de loi prévoit l’interdiction de l’exploitation des gaz de schistes ; c’est bien cela que nous voulons n’est-ce pas ? Certes, la loi interdira l’exploitation et l’exploration des gaz de schistes mais elle n’interdira pas le permis de recherche au nom de la science et de l’innovation et comme l’a dit un député UMP : ce qu’une loi peut faire, une autre peut le défaire…question de temps… début du troisième acte !

Quelle solution alors ?

Les permis ont été accordés par le gouvernement sur la base d’informations tronquées voire mensongères : pas de produits toxiques, pas d’impact sur la biodiversité, pas de pollution non maitrisée etc sur la base des affirmations des sociétés détentrices de permis.

La réalité du dossier est tout autre : il y a des produits toxiques et cancérigènes avérés, il y a un risque pour la biodiversité du fait, par exemple, des micro-séismes à répétition via la fracturation des roches à 3000m ou 4000m sous terre, qui font fuir la faune et attaque la flore dans des  territoires pourtant protégés ( site Natura 2000 par exemple ou parcs naturels), et il y aura des pollutions non maitrisées car les sédiments emprisonnés depuis des millions d’années et pour certains radioactifs (Radon), seront libérés par l’eau injectée via la fracturation hydraulique ( eau mélangée à plus de 500 produits dont certains à la toxicité avérée)  et pourront dés lors revenir à la surface ou migrer vers la nappe phréatique en suivant les fractures ainsi faites de technique d’homme.

Une proposition de solution juridique :  le retrait des permis pour des raisons qui tiennent à des raisons de sécurité et sur la base de la violation de la convention d’Aarus: les permis n’auraient pas été délivrés si celui qui les avaient octroyés avaient eu connaissance des informations dont il a eu connaissance mais après coup et pas par les dites sociétés elles mêmes. Ces informations ont été volontairement dissimulées. Les permis ne sont pas illégaux ; ils sont le résultat d’une fraude aux fins de leur obtention.. Le retrait est alors possible sans délai pour des raisons tenant à la santé, la sécurité et la salubrité publiques. Et ce, sans indemnisation car « Nul ne peut arguer de sa propre turpitude pour arguer d’un droit à réparation de son préjudice ». Les sociétés détentrices des permis n’ont pas donné toutes les indications techniques et environnementales permettant d'éclairer de façon fiable et honnête le ministère qui a délivré les permis.

Le ministère pourrait déjà, sans attendre la loi, abroger les permis d'exploiter sur la base de la Charte de l'environnement et de la directive 85/337.

Cet article n’a d’autre but que d’éclairer le citoyen sur les dessous des cartes, le dessous des enjeux et le destin que l’on promet s’il ne le prend pas en main. Nous avons une responsabilité dans ce qui arrive et ce qui arrivera. Nous ne devons pas, sous prétexte que nous avons élu des personnes, dont beaucoup  essaient de faire de leur mieux, démissionner de cette responsabilité. Dés lors qu’une alerte est lancée, dés lors qu’une information est donnée, nous devons la transmettre à ces élus et leur demander de faire en sorte que nos destins ne dépendent pas de la technologie, des brevets de sociétés étrangères notamment. Certes, des sociétés françaises se sont signalées dans ce dossier comme Total. Mais elles ne possèdent rien d’autres qu’un droit sur le permis, pas le savoir faire sur l’exploration ou l’exploitation. Notre souveraineté énergétique dépendra du bon vouloir de ces sociétés qui vendront peut être le gaz à pas trop cher au début mais une fois la dépendance acquise auront beau jeu de se livrer à une spéculation toute orientée vers les intérêts bien compris de leurs actionnaires dont l’Etat, sans que soit considérée la facture de l’eau, de la pollution, de la perte d’un environnement pour la collectivité.

Demandons à nos députés et sénateurs qu’ils demandent aux gouvernement de retirer le permis accordés et qu’ils votent une loi qu’aucune loi et aucun acte réglementaire ne pourra être votée sans qu’un bilan coût avantages par rapport à la Charte de l’environnement (valeur constitutionnelle) ne soit débattu (nationalement ou localement ) puis rendu public Enfin, il faut qu’une étude d’impact contradictoire ne soit réalisée avant toute exploitation ou recherche ayant des effets sur l’Environnement.

Aux armes-guments Citoyen ! Résistons aux mirages du gaz fossile et activons nous pour que d’une part nous apprenions à consommer moins d’énergie et que nous diversifions nos modes d’énergie individuels et collectifs et d’autre part,  que nous trouvions la voie d’une société soutenable sans esprit partisan sauf celui de résistance à une forme d’oppression larvée où la vie n’a plus que le sens que d’autres que nous, lui donnent


[1] http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3301.asp

http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3283.asp

 

[2] À l'origine, le statut d'élite n'est pas accordé par la détention du pouvoir, mais par l'autorité morale, c'est d'ailleurs pourquoi le terme est employé au singulier. Aujourd'hui il est plus courant d'évoquer les élites. Aujourd’hui , l’ élite regroupe la population qui a une place en haut de la hiérarchie sociale.

[3] : ilote :  esclave, serf.

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1 Publié par Visiteur
27/04/2011 15:29

Ce texte présente une analyse sensiblement différente des mêmes questions :


Gaz de schiste : scénario pour un gazage programmé

Le jeudi 21 avril 2011, la mission d’inspection sur les gaz et huiles de schiste a remis aux ministres de l’Ecologie et de l’Economie son « rapport d’étape ».

Ce rapport, favorable à l’exploitation des GdS, a semé la stupeur parmi ceux des opposants qui s’étaient sentis rassurés par les apparentes reculades du gouvernement et par les projets de loi déposés à l’Assemblée nationale par les groupes PS et UMP, puis au Sénat, dans une touchante unanimité républicaine.

Ce rapport permet de se faire une idée claire de ce qu’est la stratégie de l’Etat et des industriels en vue de passer, en deux ou trois ans, à l’exploitation massive de cette énergie sur le territoire français. C’est un document d’une cinquantaine de pages, mais on peut se contenter de lire la Synthèse de trois pages qui le termine. Il n’y a pas à rougir : c’est sûrement ce qu’ont fait les ministres. Et ça dit tout.

Tout d’abord, afin qu’il n’y ait aucun doute sur la portée stratégique de ce texte, précisons qu’il a été rédigé par deux organismes, le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qui sont placés sous l’autorité du ministre de l’Industrie pour le premier et de l’Ecologie pour le second. Autant dire qu’ils ont travaillé dans la bonne direction.

Par leur voix, c’est l’Etat qui parle, et plus précisément l’Etat dans son rapport aux industriels, c’est-à-dire au capital. Le CGIET, c’est l’ancien Corps des Mines. Le CGEDD, c’est ce qu’on appelait autrefois les Ponts et Chaussées. Ces gens-là savent de quoi ils parlent, et ils ont un intérêt particulier à ce que l’exploitation des GdS se fasse. Plus que d’un rapport, il s’agit donc d’un programme, ou d’un plan de bataille.

La question à laquelle il répond est simple : comment permettre l’exploitation massive des GdS, avec un minimum de contestation, et ce le plus rapidement possible.

La question n’est naturellement pas pourquoi exploiter les GdS : ça, on le sait déjà. La question est : comment ouvrir un boulevard aux industriels ?

Si notre hypothèse est juste (mais on peut se tromper), la stratégie choisie est la suivante : céder sur tout dans un premier temps, ou en donner l’impression, afin de désarmer l’opposition, et de pouvoir travailler en paix. Pour cela, on propose des solutions bien connues. Les aspects techniques sont secondaires, ce dont il s’agit, c’est d’arriver là où on veut aller.

Voilà comment on va s’y prendre :

Cacher les industriels derrière les scientifiques, afin de pouvoir commencer les forages
Les industriels, que ce soient Total, GDF ou les « Américains », font peur. On sait de plus en plus que ces gens-là n’ont pas de moralité et ne visent que leur profit immédiat. Il faut escamoter les industriels.
Il n’est donc pas du tout exclu, dans un premier temps, que les permis d’exploration déjà accordés leur soient bel et bien retirés. Cela semble même inévitable. La question est : vont-ils demander dédommagement en contrepartie des sommes déjà engagées pour ces explorations, et qui ne sont pas minces ? Et si oui, combien ?

Ce point a son importance, pour comprendre ce qui se trame. Il y a fort à parier que les permis seront retirés, pour rassurer l’opposition aux GdS, c'est-à-dire encore une fois l’endormir et la démobiliser, mais que les dédommagements demandés par les industriels seront faibles ou inexistants.

En gros, s’ils ne sont pas trop gourmands, cela signifiera clairement qu’on s’est mis d’accord pour remballer provisoirement le matériel en échange de la garantie de pouvoir entreprendre les forages d’exploitation, plus tard, dans un délai relativement bref.

Le rapport nous indique la durée de ce délai : « deux ou trois ans ». C’est sûrement ce délai qui a été négocié avec les industriels par les ministères concernés.

C’est aussi le temps qu’il nous reste pour nous battre.

Donc, masquage des industriels (du moins pour des projets d’exploitation affichés) derrière les scientifiques. On connaît le coup, celui de la neutralité de la recherche scientifique, on nous l’a déjà fait pour les OGM (sauf qu’un forage gazier, c’est nettement plus compliqué à désherber qu’un champ de maïs), on le fait pour les nanotechnologies, c’est rodé.

Ils sont tout prêts à reconnaître les difficultés et les incertitudes : on ne sait pas quelles sont les « ressources » ; il reste des problèmes à résoudre, tant pour ce qui est de la rentabilité que de l’impact sur l’environnement ; il y a, en somme, « des progrès à réaliser et des approches innovantes à susciter ». Et c’est justement pour ça qu’il faut faire des recherches. La meilleure façon de faire ces recherches, ce sont naturellement des forages « expérimentaux ». Si on n’essaie pas, comment savoir ce qui peut se passer ? C’est un peu la version kamikaze du principe de précaution.

Quelle est la différence entre des forages « expérimentaux » et des forages d’exploitation ? On ne sait pas bien. Il semble en tout cas que la fracturation hydraulique, dans un cadre expérimental, ne soit plus du tout si dangereuse, puisqu’on pourra l’utiliser, mais seulement dans ce cas-là.

Parce que si c’est pour la science, c’est forcément propre, maîtrisé, responsable. On va l’entendre : « L’expérimentation, ce n’est pas l’exploitation. » Et ça ne sera pas faux : un petit coup de fracturation tous les six mois, avec des produits choisis, etc. Rien à voir bien sûr avec une exploitation industrielle. Et c’est là tout le problème.

Quoi qu’il en soit, l’intérêt de l’opération est de mettre en place sur le territoire, de façon sûrement assez discrète, des forages « expérimentaux » de ce type. En petit nombre, pas tous en même temps, de façon à diluer et disperser la contestation. Ce seront peut-être les industriels qui s’en chargeront, mais sous le « contrôle » d’organismes autorisés, tous plus scientifiques et innovants les uns que les autres.

Quels organismes, au fait ?

Le rapport les cite nommément : « un Comité scientifique national, composé d’experts du BRGM, de l'IFPEN, de l'INERIS et d’universitaires ».

Une fameuse équipe :

Le BRGM :
«Le Bureau de recherches géologiques et minières, placé sous la double tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement est l’établissement public de référence dans le domaine des sciences de la Terre pour gérer les ressources et les risques du sol et du sous-sol. Il remplit cinq missions : recherche scientifique, appui aux politiques publiques, coopération internationale et aide au développement, prévention et sécurité minière et formation supérieure, avec l’Ecole nationale d’applications des géosciences (ENAG). »

Pour indication, le BRGM vient de signer avec l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) « un nouvel accord de partenariat, lundi 20 décembre 2010, au BRGM à Paris. Cet accord prolonge la collaboration des deux établissements publics dans le domaine du stockage profond des déchets radioactifs, initiée il y a 12 ans. » (Communiqué de presse.)

L’IFPEN :
« IFP Énergies nouvelles (IFPEN) est l'ancien Institut français du pétrole (IFP). Créé le 13 juin 1944[] comme Institut du pétrole, des carburants et des lubrifiants, il a été renommé en 2010 par la loi Grenelle II qui a également changé son statut. Autrefois organisme professionnel chargé par la loi de la « gestion des intérêts professionnels ou interprofessionnels » (…), il devient un établissement public national à caractère industriel et commercial avec des mission de recherche et de formation. »

Dans le cadre de ces missions de recherche et de formation, l’IFP a signé divers accords avec Total, pour des projets de recherche conjoints avec les laboratoires de recherche et développement du pétrolier. L’IFP s’intéresse notamment au stockage du CO2 en sous-sol, dont on n’a pas fini d’entendre parler.
En outre, Total aime l’IFP. La société propose des parrainages « aux étudiants qui souhaitent intégrer l'IFP School et bénéficier pendant la durée de leur scolarité à l'Ecole d'un parrainage de Total. Ce parrainage peut se faire au travers d'une bourse ou par le biais d'un contrat d'apprentissage, moitié à l'IFP, moitié chez Total). » Le montant de ces bourses est de 1200-1450 euros par mois. On peut imaginer l’hostilité sourde que doivent développer les étudiants de l’IFP School envers l’industrie pétrolière.

L'INERIS :
« Créé en 1990, l’INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques) est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement. »

« GDF SUEZ et l’INERIS ont conclu le 11 mars 2011 un accord de collaboration sur leurs activités de recherche. Signé pour une durée de 5 ans, cet accord vise à renforcer les échanges scientifiques et techniques dans le domaine de la sécurité industrielle liée aux nouvelles énergies : filières hydrogène ; biogaz et méthanisation ; captage, transport et stockage du CO2. » (Communiqué de presse.)

On voit à quel genre d’experts on a affaire. De ceux pour lesquels le sous-sol est soit l’endroit idéal pour cacher ce dont on ne sait plus quoi faire (déchets radioactifs, CO2), soit une vache à lait à exploiter. Ce sont de pures émanations de l’Etat, et leur fonction directe est de donner une caution scientifique aux activités industrielles les plus destructrices. Ce sont également des relais entre les industriels et l’Etat. Ce sont eux qui décideront, en toute indépendance, des lieux et des modalités des forages « expérimentaux ». Après tout ce sont des scientifiques, eux, pas de ces méchantes multinationales assoiffées de bénéfices.

Une fois qu’ils auront commencé à forer, revenir en arrière sera pratiquement impossible, et Total et consorts pourront tranquillement prendre la suite.

Rassurer les inquiets : transparence, consultation, participation
Cacher les industriels derrière les scientifiques n’est qu’une première étape. Le rapport insiste aussi fortement sur la nécessité d’informer, c'est-à-dire sur la création d’une « acceptabilité » des GdS.
Trois « cibles », comme on dit en termes de com’, sont désignées : le « public », les élus, les associations.
On connaît la méthode : elle a déjà été appliquée, avec succès, entre autres pour l’enfouissement des déchets nucléaires.

Pour le public, on peut avoir recours dans un premier temps à une simple information, sous forme de dépliants sur papier glacé, par exemple. C’est le plus simple. Puis des réunions peuvent être organisées, avec buffet et petits fours si possible. On réservera peut-être les petits fours au « public » situé le plus à proximité de forages potentiels…

Il faut ensuite impliquer les élus et les associations.

Le rapport propose la formation de « comités locaux d’information », composés d’élus et de « représentants d’associations de protection de l’environnement ». Il faudra encore en trouver qui soient prêtes à se livrer à cette mascarade, mais il y a de tout, et au besoin on peut aussi en créer de toutes pièces. Ca s’est déjà vu.

Afin de s’assurer la collaboration des élus, le rapport préconise une « révision de la fiscalité pétrolière de sorte que les collectivités locales trouvent un intérêt à une exploitation d'hydrocarbure sur leur territoire ». Et ça, c’est triste, mais ça marche. Il n’y a qu’à voir les jolis centres sportifs autour des centrales nucléaires.

Et à chaque étape, un ballet d’experts tous plus rassurants les uns que les autres répondront en toute transparence aux « inquiétudes de la population ».

On pourra ensuite passer aux consultations. Il est d’ailleurs amusant de voir combien, alors que les « élus du peuple » se sont très représentativement exprimés à l’Assemblée nationale, les rapporteurs mettent leurs espoirs dans une certaine forme de démocratie directe…

Rendre l’opposition inaudible
Une fois la caution scientifique et la caution démocratique assurées, le dialogue avec les opposants va pouvoir reprendre, sur des bases plus solides.

Ce sera d’abord : vous vouliez plus de transparence, la transparence est assurée. Voyez, nous dialoguons. Vous êtes consultés, informés. On a même, pour vous faire plaisir, modifié le Code minier : ça n’est pas rien. Vous avez voulu des lois contre l’exploitation, contre la fracturation hydraulique : vous les avez. Et ça sera vrai.

Et aussi : Vous invoquiez le principe de précaution, voyez, nous prenons toutes les précautions. Tout ceci est réalisé sous le plus strict contrôle scientifique : l’Ifpen, le BRGM, l’Ineris sont là. Puisqu’on vous dit que c’est seulement expérimental. Vous voulez qu’on organise encore une réunion ? Un nouveau Grenelle ? A qui doit-on envoyer les invitations ?

Et lorsqu’on aura bien tourné en rond : Mais qu’est-ce que vous voulez à la fin ? Qu’on revienne au moyen-âge ? Et nos emplois, vous y pensez ? Et vous avez vu le prix du pétrole ? Nous n’allons pas ramener le PIB de la France à celui du Mali parce qu’une bande d’écolos n’aiment pas voir des derricks en ramassant leurs champignons. Décidément, on ne peut pas discuter avec vous.

A partir de là, si on est encore quelques-uns à être motivés, ils pourront sereinement nous lâcher leurs chiens à la gorge. Parce que vraiment ils auront fait tout leur possible, de leur côté, question dialogue et concessions.

Et de toute façon, dans « deux ou trois ans », ça sera fait. Expérimentalement ou non, ils auront fait des trous dans la nappe phréatique, auront commencé les fracturations. On pourra alors passer à l’exploitation massive, avec une opposition permanente mais résiduelle, et bientôt institutionnellement intégrée, comme pour le nucléaire. Il y aura beaucoup d’autocollants « Non merci » sur les voitures, et plus de poissons dans les rivières. Et voilà.

*

Ca, c’est leur scénario. Le principe général est explicite : il n’y a qu’à lire. Si nous sommes d’accord là-dessus, si on comprend bien quel jeu joue l’adversaire, la suite risque d’être un (petit) peu plus facile.

Maintenant la question est de savoir comment ne pas se laisser entraîner là-dedans.

Nous sommes quelques-uns à penser que l’étape purement « citoyenne » de l’opposition aux GdS est terminée, et que le recours à la loi est désormais obsolète.
Il est assez évident que d’un point de vue démocratique, le dernier mot de cette affaire a été dit : l’Assemblée nationale, de l’extrême gauche à l’extrême droite, est contre l’exploitation des GdS.
Elle l’a dit, un projet, puis deux projets, puis trois projets de loi identiques ont été déposés, tous pour nous dire que non, non, non, on ne le fera pas, promis. Le peuple à parlé, par ses représentants.
Pourtant, de toute évidence aussi, on va essayer de le faire quand même. Et on nous le dit en face, sans vergogne.

La gestion du nucléaire, entre autres, nous a clairement montré que, dans les affaires énergétiques et industrielles plus encore que dans les autres, une seule politique est menée, celle des intérêts économiques. Ce n’est pas une affaire de gouvernement, de droite ou de gauche, d’écolos ou de fachos. On ne discute pas là des questions de logement, du nombre d’élèves par classe ou de la police de proximité. Ce à quoi nous avons à faire, c’est à l’Etat dans son rapport au capital.

Le message qu’adresse via ce rapport l’Etat aux opposants aux GdS, c’est : Et alors ? Qu’est-ce que vous allez faire, maintenant ?

Qu’est-ce que vous allez faire une fois qu’on aura annulé les permis, que les projets de loi auront été votés, qu’on aura révisé le Code minier et que tout ressemblera légalement à une reculade, alors que vous saurez pertinemment que nous allons le faire, que même nous sommes en train de le faire, à Villeneuve-de-Berg ou ailleurs, simplement parce que nous avons décidé de le faire ?

Quel recours légal aurez-vous contre la loi que vous aurez appelée de vos vœux ?

Si nous restons dans ce cadre-là, nous sommes pris au piège d’un dialogue truqué. Ce n’est même plus une question politique, c’est simplement une question pratique. Si nous jouons ce jeu-là, ils vont s’arranger pour que nous n’ayons plus qu’à nous taire, en nous donnant raison.

Et on va atteindre des sommets de ridicule, quand, comme il est prévisible, les collectifs répondront à l’appel de J. Bové à manifester devant l’Assemblée le 10 mai, pendant que les députés voteront un texte que personne ne conteste, et qu’ils sont même tous pressés de voter, pour bien nous entortiller dedans… On ne sait vraiment plus quoi faire pour nous occuper.

C. Jacob, qui a déposé un des projets de loi qui doivent être examinés le 10 mai, le dit clairement : « En l'état actuel des connaissances scientifiques, notre responsabilité est d'être d'une extrême prudence. Si, à l'avenir, on nous démontre, par une évaluation des risques, que la loi d'interdiction générale mérite des évolutions, nous en discuterons » (Les Echos). Traduction : on va vous voter votre loi, comme ça vous n’aurez plus rien à dire, et on pourra travailler en paix.

Un vieux briscard de la politique comme J. Bové ne peut pas ne pas voir ça. Alors pourquoi vouloir nous balader à Paris, face à l’Assemblée nationale ? Il nous dit : « Le peuple doit être devant l'Assemblée pour que les élus tiennent promesse.» Mais quand c’est justement en respectant leurs promesses qu’ils nous entourloupent, les élus ? Qu’est-ce qu’on fait ?

Et M. Rivasi, à la publication du rapport : « Les experts ont beau dire ce qu'ils veulent, maintenant c'est une décision politique qu'il faut prendre. » Elle ne voit pas, elle, que ce rapport est tout à fait politique, justement ? Et que c’est justement la décision politique qui va nous prendre au piège, comme des rats ?

Aveuglement, égarement ? Ou simple refus de voir et de dire quelles sont les limites du mode d’action choisi ? Mais si le mode d’action ne correspond pas ou plus au résultat recherché, pourquoi le conserver ?

Il semble évident que les raisons sont d’ordre purement politique. Il ne faut pas « détourner le peuple de la démocratie », comme ils disent. Lui montrer que s’il sait comment les prendre, il peut mettre les institutions à son service, etc. Faire en sorte qu’ils retournent quand même voter, la prochaine fois. Parce qu’on a peur de ce qui pourrait se produire si des masses de gens perdaient d’un coup tout espoir dans ce qu’ils appellent la politique.

On connaît la chanson, et à vrai dire on s’en fout un peu. Sauf que dans l’état actuel des choses, c’est non seulement contre-productif, mais criminel. Parce que c’est comme ça que les forages vont avoir lieu. Parce que ces manœuvres politiciennes vont aboutir à laisser faire des trous dans les nappes phréatiques. Parce que ces plaisanteries vont nous tuer encore un petit peu plus.

Il faut sortir de ce schéma, qui nous prend au piège de nos contradictions. On ne lutte pas contre la loi avec une autre loi. Ceux qui les font, les lois, sauront toujours s’arranger pour nous mener là où ils veulent. Les lois ne sont pas faites pour nous, mais contre nous. Qui croit le contraire est soit un bourgeois, soit un naïf.

Il y a un proverbe qui dit : « Qui veut déjeuner avec le Diable doit se munir d’une longue cuillère. » Il semblerait aussi qu’à force de déjeuner avec le Diable, les cuillères de certains se raccourcissent de jour en jour…

*

Il nous faut maintenant cesser le dialogue avec les institutions, puisqu’il est évident désormais que ce dialogue n’est qu’un jeu de dupe où ce sont toujours les mêmes qui trient et ramassent les cartes. Il nous faut commencer à jouer selon d’autres règles.

Cesser le dialogue avec les institutions, c’est forcément aussi à un moment ou un autre sortir de la légalité. Il y a bien des façons de s’écarter de la légalité, qui ne sont pas forcément « violentes », et qui ne se paient pas plus cher que quelques heures dans un poste de police, au pire. On n’est pas obligés d’en venir tout de suite au lance-roquettes. Ce qui, soit dit en passant, serait, sur un puits de gaz, une très mauvaise idée.

Ont été citées dans ce texte quelques institutions qui possèdent des bureaux, des locaux, des sièges que l’on peut investir, occuper quelques heures, histoire de balancer un coup de projecteur sur ce qu’ils sont. Ils n’apprécieraient pas forcément de se voir ainsi désignés. Ces animaux-là n’aiment pas la lumière. Il y a aussi les ministères, les sociétés pétrolières, GDF, etc. Ca s’est déjà fait, il faudrait continuer.

Il nous faut aussi être clairs avec les futures « consultations publiques », c’est-à-dire les boycotter purement et simplement, voire empêcher qu’elles se tiennent, et dire pourquoi. Et ce même si elles sont organisées en toute transparence républicaine par « nos élus ». Si nous acceptons le « dialogue » en participant à une de ces prévisibles mascarades démocratiques, ou simplement en les tolérant, nous n’existons plus en tant qu’opposants, nous devenons des « partenaires ».

Nous associer aux décisions, cela fait partie de leur stratégie. Déjouer cette stratégie passe par le refus du dialogue.

Refuser aussi le chantage aux « propositions alternatives ». Parler « experts contre experts », c’est s’enfermer dans des débats techniques stériles et sans issue.
Personne de sérieux ne peut croire qu’on va se sortir du fameux « problème énergétique » par des économies d’énergie. La question qui se pose pour le capital n’est pas comment produire et consommer moins d’énergie, mais comment en vendre toujours plus. Et les GdS le montrent clairement.
Nous dirons « éoliennes », et ils diront : D’accord, on s’en occupe. Et ce sera des kilomètres carrés d’éoliennes. Avec des forages de GdS entre les rangs, un réacteur EPR au milieu, et des murs de panneaux solaires tout autour.
Nous n’avons pas à résoudre leurs problèmes de perspectives et de débouchés. Parce que si on s’y colle, on va finir nous aussi par rédiger des « rapports préliminaires » et les apporter au ministère.
Sous l’Ancien régime, les « propositions alternatives », on appelait ça des cahiers de doléances… Ca a marché un certain temps…

*

Tout le monde ne sera pas d’accord avec ces positions. Beaucoup persisteront dans la voie « citoyenne », par respect de la loi, sympathie pour J. Bové, croyance en la politique et en la démocratie, souci de respectabilité, habitudes « militantes », peur de l’aventurisme ou pour toute autre raison.

Moins de six mois après le début de la contestation organisée contre l’exploitation des GdS, il semble déjà y avoir quelque chose comme une opposition « officielle ». Ce qui avait inquiété l’Etat au début de la mobilisation, à savoir son caractère populaire et donc imprévisible, est en train de s’étioler. Ca se bureaucratise. Il y a des colères qui se perdent. On parle d’un nouveau Larzac, puis on retourne au Parlement européen. On fait mollement des réunions d’information où on n’ose trop rien dire, de peur que ça ne soit pas dans la ligne…

Et après tout, si ça pouvait se régler comme ça, pourquoi pas ? Tant que ça marche… Mais la question est que non seulement ça ne marche pas, mais que l’Etat est en train de retourner ses propres armes contre la contestation. Qu’encore une fois ils vont faire servir la loi contre les GdS à l’acceptation des GdS. Créer des réglementations qui feront accepter ce qu’on règlemente, alors qu’on n’en voulait tout simplement pas. Et ainsi de suite : on connaît la chanson. C’est celle du Grenelle, du développement durable, du partenariat et de la cogestion sous toutes ses formes…

Et pendant ce temps-là, les gens qui étaient au départ en colère n’y comprennent plus rien, se demandent, ah, on nous dit qu’on a gagné, et après le contraire, est-ce qu’on doit s’énerver ou pas, c’est compliqué, qui a raison, qui a tort, ainsi de suite. Et on va revoter, faire appel, chercher des recours au niveau européen peut-être, la cour constitutionnelle pourquoi pas, le pape enfin, les Saints du Paradis. Et l’horizon 2012… On complique. On fatigue le monde. On démobilise mieux qu’un bataillon de CRS.

Mais nous, on s’en fout, des réglementations, du Code minier, de l’alinéa du paragraphe untel de telle directive. Nous, on veut garder les rivières, ou ce qu’il en reste. On veut des insectes et des animaux, parce que si tout ça disparaît, on va disparaître avec. On veut vivre sans se dire à chaque instant qu’il y a de moins en moins de vie possible. Et ça ne concerne bien sûr pas que les GdS.

On sait aussi qu’eux, ceux de l’Etat et du capital, ils s’en foutent, de tout ça : ce qui les préoccupe, ce sont leurs postes, leurs actions, leurs perspectives de croissance. Leur croissance nous rabougrit. Ils nous pompent l’air, et l’eau, et le temps qui nous reste à vivre. Tout ce qu’ils veulent, c’est que ça continue sans cesse. Durable, leur développement. Pourvu que ça dure.

Au bout du compte, la question est : les positions « citoyennes » sont-elles compatibles avec d’autres, moins légalistes, au moins localement ou à certains moments ?

Les groupes « citoyens » vont-ils se contenter de laisser l’opposition s’étioler jusqu’au gazage final, ou va-t-on se poser en commun la question de modes d’action différents ?

Va-t-on rester chacun sur son petit quant-à-soi politique, sa chapelle, des « anars » d’un côté, des « citoyens » de l’autre, sans jamais se poser les questions de manière pratique ?

Pouvons-nous trouver des points de rencontre ? Où ? Quand ? Comment ?

Ce qui nous manque, c’est un front du refus. Un front bas, si on peut dire : un refus de taureau, stupide et obstiné, pas dialogueur pour deux sous. Ca n’empêche pas la ruse, et la stratégie. Mais le refus est le plus important. Il faut travailler ensemble à créer le refus, à le maintenir, à l’étendre. Sinon, ça sera une fois de plus perdu.

En Cévennes, le 24 avril 2011
Contact : gasbull@voila.fr

2 Publié par Visiteur
28/04/2011 12:16

Tous simplement BRAVO,
Très belle analyse, et mots choisis.

Espérant que cela vous inspire un conte ou une légende pour résister en poésie.
"Résister c'est créer, créer c'est résister"
CB

3 Publié par Visiteur
30/04/2011 23:23

Bonjour Maître,
Par une amie dans la vie , puis sur facebook, j'ai découvert votre propos. Je me présente, Siril Gourmelin, je suis chef d'équipe et formateur dans une association d'écologie en secteur urbain, et d'insertion(plus tard avec simplement les enfants) par les métiers des espaces verts naturels et artificiels. Je suis donc particulièrement concerné, et touché, par les questions du développement durable et de la transmission aux générations actuelles et futures. Votre travail en cours sur les GDS est crucial et de pouvoir en lire un pan est primordial; je voudrai vous aider, d'une manère ou d'une autre: je suis très inquiet pour l'avenir car ce que je peux comprendre de tout ce qui se passe globalement sur Terre aujourd'hui ne sera pas solutionné par les millions d'efforts que l'homme pourrait subitement sentir devoir fournir en vue de réparer les conséquences de ses actes dégradant et déséquilibrant l'éco-système planétaire tout entier, mais par une transformation de l'homme lui-même! il ne m'apparaît tristement aucun espoir sinon ceux de la lutte fratricide à engager contre les "funestes détenteurs de pouvoir", fantoches dans leur insolence, et la participation à une transformation partielle de la psyché humaine par la profusion et la transmission aux jeunes générations, pendant leurs âges de développement, des nécessités écologiques vitales à la survie de toutes les espèces présentes à la surface de la planète qui nous (sup-)porte.
Je ne sais ce que donnera ce commentaire, mais je le souhaite utile à la vie.
En espérant, Maître BODIN, un éventuel contact futur et résonant, Merci d'être là.
Nb:A toute pensée qui lira ceci et souhaite être éclairée, il serait bon de mettre en lien l'inquiétude de l'ONU sur la disparition planétaire et exponentielle des abeilles du monde entier avec l'acharnement humain lobbyiste à remplacer les énergies fossiles au lieu d'affronter sa paresse de faire l'effort de changer son mode d'existence et avec l'accumulation, également exponentielle, des évènements géologiques, océaniques, floristiques et faunistique graves qui s'enchevêtrent à ne plus former qu'un canevas de cataclysmes visibles ou "invisibles" et dont l'origine ne se tient encore que dans les conséquences de notre impact humain d'il y a 100 à 50 ans, et de prendre en compte la totalité des intentions bénéfiques, telle celle de Maître Muriel Bodin, qui sans soutien et partage de tous, s'effaceront d'un horizon qui pour finir ne sera plus celui de l'avenir hypothétique de l'homme mais celui de la fin de sa civilisation actuelle à cause d'une simple question d'arrogance mal placée face à l'existence à qui, en vérité, nous devons d'être en vie!

4 Publié par Visiteur
10/05/2011 21:08

Merci, Maître de cette analyse. Si je comprends bien il suffit aux coquins de changer l'expression «permis de recherches» (au pluriel) qui figure dans le Code minier par l'expression du projet de loi qui dit «permis d'exploration» pour faire une entourloupette?

Je cite le passage de votre article:
[quote]
le Premier Ministre, Monsieur Fillon, de son côté affirme que certes, une exploitation dans les conditions d’octroi des permis ne sera pas possible mais que la recherche ne s’arrêtera pas ! On passera donc du permis d’exploration qui sera interdit au permis de recherche qui sera permis, au nom de l’innovation scientifique etc. de la France, n’en doutons pas. Cela tombe bien car, le code minier nouveau ou ancien ne mentionne que le permis de recherche ; de permis d’exploration, il n’en existe point ! Première subtilité qui permet de voter sur un élément de droit qui n’existe pas…[/quote]

J'ai essayé de faire un résumé à ma façon mais n'hésitez pas à corriger mes sottises: http://gazschiste.wordpress.com/2011/05/10/loi-huile-gaz-de-schiste-mai-juin2011/

5 Publié par CathydAquitaine
27/05/2011 18:51

à Arthur,

Je trouve votre analyse très fine, documentée et pertinente.

Il est vrai qu'un taureau ne dialogue pas avec son(ses) adversaire(s): il le combat, et il l'affronte jusqu'au bout, même s'il devine bien, j'imagine, que c'est perdu d'avance.( espérons, bien sûr, que ce ne sera pas le cas, ici.)
Le pire des pièges, pour nous, résiderait, en effet, à glisser peu à peu du statut de " refusants " à celui de partenaires, cédant aux belles promesses d'un projet de loi qui est de toute évidence retors, puisque prêt à jouer frauduleusement sur les mots, nous refilant dans un premier temps de vrais-faux permis de " recherche scientifique "(porte grande ouverte aux futures explorations/exploitations industrielles), mis en oeuvre par des experts criminels de tous poils,complètement dévoyés et inféodés aux sirènes des multinationales... C'est une chose bien connue depuis Rabelais lui-même : " (Techno)science sans conscience n'est que ruine de l'âme " et pour l'heure, ses apprentis-sorciers s'apprêtent à dévaster notre belle terre de France.
Il y a déjà des forages d' " exploration-recherche " qui ont hélas été effectués - par fracturation hydraulique - ailleurs qu'en Ardèche, par exemple en 2007 ( en Ariège et Haute-Garonne )et un autre qui a repris depuis le 5 avril 2011, à Baxi (en Moselle ),au prétexte fumeux qu'il serait dit "conventionnel", alors qu'on sait très bien qu'il n'existe pas pour l'instant (et certainement jamais) de méthode " propre " d'investigation des GDS.
Certainement, nous sommes tous en état de légitime défense (nous, la nature, les animaux, le Vivant) Mais comment se battre sans se retrouver hors touche ou réduits au silence ?
Josh FOX, réalisateur de GASLAND, et militant acharné contre ce type d'extraction désastreuse aux USA, n'a-t-il pas été ajouté, dernièrement, sur la " Terror Watch List " du Department of Homeland Security ( ministère de l’Intérieur américain) ? Voilà donc un homme "juste" classé comme terroriste par ceux-là même qui permettent à la terreur environnementale (gouvernementale) de se répandre...Triste rengaine, déjà entendue en d'autres temps !

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