Irrecevabilité devant le JAF de la demande en divorce d'un couple marocain résidant en France

Publié le Modifié le 25/10/2016 Vu 6 315 fois 0
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Une demande introduite par l'épouse devant le juge aux affaires familiales français est déclarée irrecevable en raison de la procédure postérieurement introduite au Maroc par l'époux.

Une demande introduite par l'épouse devant le juge aux affaires familiales français est déclarée irrecevab

Irrecevabilité devant le JAF de la demande en divorce d'un couple marocain résidant en France

Cass. 1e Civ., 31 mars 2016, n° 15-12379

Un couple a contracté mariage au Maroc en 1993, avant d’établir domicile en France. L'épouse a présenté une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales français en 2007. L'époux a saisi le juge marocain en 2010 d’une demande de divorce.

Le divorce pour discorde a été prononcé par le juge marocain et le juge aux affaires familiales français a déclaré la demande de l’épouse irrecevable. La Cour d’appel a confirmé le jugement du JAF.

L'épouse se pourvoit en cassation. L’époux aurait produit de fausses déclarations pour justifier sa domiciliation Maroc, alors qu’elle résidait en France, ce qui prouve son intention frauduleuse dans le choix de la juridiction marocaine (articles 16 et 17 de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 et articles 11, 14 et 16 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981).

La Cour de cassation rejette le pourvoi dans les termes suivants : « Mme X... avait comparu, assistée d'un conseil, devant les juridictions marocaines où elle avait conclu au fond, et souverainement estimé que les pièces pertinentes permettaient de retenir que les décisions rendues par les juridictions marocaines ne l'avaient pas été en fraude des droits de l'épouse, la cour d'appel en a exactement déduit que la décision marocaine de divorce avait autorité de chose jugée ».

La problématique soumise à la Cour de cassation porte sur une situation courante en matière de divorce de couples franco-marocains, qui se heurtent souvent à la mauvaise foi de l’un des époux saisissant une juridiction autre que celle compétente au regard du lieu de domicile des époux.

L’article 9 de la Convention du 10 août 1981 dispose que : « La dissolution du mariage est prononcée selon la loi de celui des deux Etats dont les époux ont tous deux la nationalité à la date de la présentation de la demande.

Si à la date de la présentation de la demande, l’un des époux a la nationalité de l’un des deux Etats et le second celle de l’autre, la dissolution du mariage est prononcée selon la loi de l’Etat sur le territoire duquel les époux ont leur domicile commun ou avaient leur dernier domicile commun. »

Il en résulte que la loi marocaine est applicable lorsque les deux époux sont marocains, la loi française étant applicable lorsque au moins un des époux est français.

En l’espèce, dans le cas où les deux époux auraient la nationalité marocaine, la loi marocaine est applicable, ce qui présente la difficulté de preuve de la loi marocaine devant le juge français amené à appliquer une loi qui lui est étrangère.

Dans le cas où les époux seraient binationaux, les lois française et marocaine sont également applicables.

L’article 11 de la même convention prévoit que : « Au sens de l'alinéa a) de l'article 16 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire et d'exequatur des jugements du 5 octobre 1957, la dissolution du mariage peut être prononcée par les juridictions de celui des deux Etats sur le territoire duquel les époux ont leur domicile commun ou avaient leur dernier domicile commun.

Toutefois, au cas où les époux ont tous deux la nationalité de l'un des deux Etats, les juridictions de cet Etat peuvent être également compétentes, quelque soit le domicile des époux au moment de l'introduction de l'action judiciaire. »

Si les deux époux sont de même nationalité, ils peuvent saisir la juridiction de leur pays d’origine. Ainsi, deux marocains résidant en France pourront saisir indifféremment la juridiction française ou la juridiction marocaine pour prononcer leur divorce, quel que soit leur lieu de domicile.

La question qui se pose en l’espèce est celle de l’absence de sursis à statuer par les juridictions marocaines malgré l’existence d’une action en cours devant les juridictions françaises, conformément à l’alinéa 3 de l’article 11 de la Convention du 10 août 1981 : « Si une action judiciaire a été introduite devant une juridiction de l'un des deux Etats, et si une nouvelle action entre les mêmes parties et ayant le même objet est portée devant le tribunal de l'autre Etat, la juridiction saisie en second lieu doit surseoir à statuer. »

Une fois la décision prononcée, l’épouse se heurte aux dispositions de l’article 16 de la Convention du 5 octobre 1957 : « En matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou au Maroc ont de plein droit l’autorité de la chose jugée sur le territoire de l’autre pays si elles réunissent les conditions suivantes :

a-La décision émane d’une juridiction compétente selon les règles de droit international privé admises dans le pays où la décision est exécutée, sauf renonciation certaine de l’intéressé ;

b- Les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes ;

c-La décision est, d’après la loi du pays où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution ;

d-La décision ne contient rien de contraire à l’ordre public du pays où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans ce pays. »

Le cas d’espèce est caractéristique des difficultés rencontrées par les époux qui, résidant dans l’un des deux Etats, se trouvent dans l’obligation d’assumer la lourdeur procédurale et les frais engendrés par deux procédures parallèles.

Il s’agit d’une preuve supplémentaire de la nécessité de rechercher une solution amiable au conflit opposant les époux, notamment par le biais d’une tentative de médiation et le recours à un professionnel pouvant conseiller les parties sur les conséquences des actions envisagées.

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