1. Encore nombreuses sont les successions qui s’éternisent, en raison de la pluralité des co-indivisaires héritiers, de leurs intérêts opposés, voire du renoncement de certains, par lassitude, à prendre l’initiative de saisir la Justice. Souvent, l’un de ces héritiers occupe seul un bien indivis, et devient alors redevable d’une indemnité d’occupation. Un jugement condamnant l’occupant à verser à l’indivision une indemnité d’occupation finit par intervenir, de sorte que les autres co-indivisaires se croient à l’abri. Grave erreur. L’arrêt du 10 juillet 2013 (12-13.850, arrêt n° 754) rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation devra attirer l’attention des Notaires et les Avocats intervenant en droit des successions.
2. Les faits sont les suivants. Un arrêt ayant force de chose jugée, rendu le 26 février 1997, ordonne le versement par X d’une indemnité d’occupation envers l’indivision successorale, à compter du décès (survenu le 19/04/79) du de cujus avec lequel X vivait, jusqu’au jour où le partage sera effectif. Les opérations de liquidation, comme bien souvent, s’enlisent. Au vu d’un procès-verbal de difficultés, un co-indivisaire, pensant ses droits protégés par l’arrêt du 26 février 1997, saisit le Tribunal le 18 décembre 2008 (onze ans après l’arrêt du 26 février 1997) et demande la condamnation de X à verser à l’indivision une indemnité d’occupation depuis le 20 avril 1979, soit sur trente ans.
3. Le litige monte en appel. La Cour d’appel considère d’une part que l’indemnité d’occupation sur la période 20/04/79 – 26/02/97 n’est pas discutable (première période), d’autre part que la prescription quinquennale doit s’appliquer postérieurement à l’arrêt du 26 février 1997 (seconde période). En conséquence, l’assignation ayant été délivrée le 18 décembre 2008, sur cette seconde période il n’est pas possible de remonter au-delà du 18 décembre 2003. Autrement formulé, l’indivision ne peut réclamer aucune somme entre le 26 février 1997 et le 18 décembre 2003.
4. Cela ne satisfait pas X, qui n’hésite pas à soutenir dans son pourvoi que ses co-indivisaires auraient dû interrompre la prescription quinquennale postérieurement à l’arrêt du 26 février 1997, et que, faute de l’avoir fait dans les temps (l’assignation ayant été délivrée onze années plus tard), cette absence de diligence a éteint le principe même de sa dette, ab initio. En d’autres termes, pour X, faute d’interruption de la prescription dans les cinq années de l’arrêt du 26 février 1997, le principe même d’une indemnité d’occupation a été perdu.
C’était oublier un peu vite la force de chose jugée attachée à une décision de Justice.
5. Pour rejeter le pourvoi formé par X, la Cour de Cassation, par arrêt de principe en date du 10 juillet 2013 (12-13.850, arrêt n° 754) pose : « seuls les arriérés échus postérieurement à une décision judiciaire, ayant force exécutoire, qui a reconnu une créance d’indemnité d’occupation, échappent, en raison de la nature de la créance, à l’interversion de prescription résultant de cette décision ; qu’après avoir relevé que l’arrêt du 26 février 1997 était passé en force de chose jugée sur le principe et le montant de l’indemnité d’occupation due par X, la cour d’appel a retenu à bon droit que ce n’était que pour la période postérieure à cet arrêt que s’appliquait la prescription quinquennale, de sorte que l’indivision ne pouvait prétendre au paiement de l’arriéré de l’indemnité d’occupation pour la période qui avait couru du 27 février 1997 au 17 décembre 2003. »
6. En conclusion : une décision de Justice définitive qui fixe le principe d’une indemnité d’occupation pour le passé (depuis la naissance de l’indivision) et pose le principe d’une indemnité d’occupation pour l’avenir (jusqu’au partage effectif), s’impose pour la période d’occupation échue à la date de la décision. Pour les termes non encore échus, c’est-à-dire postérieurs au prononcé de la décision, la prescription quinquennale a vocation à s’appliquer.
7. Notre conseil : en cas d’indivision, lorsqu’une décision de Justice a posé le principe d’une indemnité d’occupation pour l’avenir, il faut encore songer à assigner le co-indivisaire occupant le bien, dans le délai de cinq années, pour ne perdre aucune échéance à venir. Une grande vigilance dans la computation des délais s’impose désormais.
Valéry MONTOURCY
Avocat au Barreau de Paris
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