Petite réflexion dans le cadre de la défense pénale sur la nullité des procès-verbaux relevant le taux d’alcoolémie
Quelle est la différence entre état d'ivresse manifeste et état alcoolique ?
L'état d'ivresse manifeste est caractérisé par le comportement anormal du conducteur. Cela peut consister en une haleine chargée d'alcool, une élocution difficile, un manque de stabilité lorsque la personne est debout, une imprécision des réflexes, une perte de la concentration, ou tout simplement l'incohérence et l'excès des propos tenus. Cet état est « manifeste » c'est-à-dire qu'il peut être constaté à l'œil nu.
L'état alcoolique est caractérisé par le taux d'alcool dans le sang ou par litre d'air expiré. Il n'est pas obligatoire de procéder aux vérifications du taux d'alcoolémie pour poursuivre une personne pour conduite en état d'ivresse. Cette infraction est passible des mêmes peines que la conduite sous l'empire d'un état alcoolique.
Contestation des deux infractions dans notre pratique
Nous soulevons de manière constante et avec un taux de réussite important la nullité des procès-verbaux tendant à établir la recherche de la concentration d’alcool par l’analyse de l’air expiré réalisée au moyen d’un appareil conforme à un type homologué et soumis à des vérifications périodiques. Nous devons donc vérifier sur l’éthylomètre sa marque, sa référence, la dernière vérification de l’éthylomètre, l’organisme vérificateur, etc. Plein d’autres moyens qui sont appréciés de manière minutieuse dans le cadre de la défense pénale.
Néanmoins, nous sommes confrontés très souvent, lorsque la nullité est manifestement nulle, à une requalification à la barre en état d’ivresse manifeste. L’état d’ivresse manifeste est une infraction sans contour spécifique. Le comportement de la personne interpellée permet au policier de le considérer comme en état d’ivresse manifeste.
Lors de l’audience, il sera donc plaidé in limine litis avant tout moyen au fond la nullité de la procédure et le procureur sollicitera par la suite la requalification d’état d’ivresse manifeste.
Est-ce à dire que la défense pénale est vouée à l’échec ?
Non, car il est tout à fait possible de contredire cette situation d’état d’ivresse manifeste au regard des éléments du dossier et notamment au regard de la fiche A de comportement, cette pièce de procédure essentielle par laquelle le policier relève les caractéristiques de la personne interpellée, des caractéristiques physiques : bouche pâteuse, état d’élocution, titube, ne titube pas, etc. Ce qui permet d’avoir une vision pratique de son état au moment de l’interpellation.
Or, cette fiche A doit être dressée avant le contrôle éthylométrique. Ce qui est rarement le cas.
Il s’agit donc d’un moyen de nullité à soulever dans le cadre d’une défense pénale pointilleuse, ce que nous ne manquerons pas de faire dans le cadre des moyens soulevés.
En conclusion, dans le cadre de la conduite sous l’empire d’un état alcoolique, compte tenu des enjeux, six points en jeu, et éventuellement des cas de récidives pouvant aboutir à des annulations de permis de conduire et voire des interdictions longues de le repasser, il est essentiel d’apprécier de manière minutieuse la procédure.
Il ne s’agit pas de faire une incitation à la consommation d’alcool au volant mais de veiller à l’application stricte des tests en matière des mentions relatives à la marque de l’appareil et de résister dans le cadre des audiences aux requalifications d’office soulevées de manière quasi systématique par les parquetiers et de critiquer cette infraction d’état d’ivresse manifeste qui permet une subjectivité évidente et contestable des agents de police…
En ce sens, nous pouvons évoquer, dans le cadre de l’actualité, un arrêt de la Cour d’appel de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 octobre 2012 dans lequel il avait été constaté la nullité du procès-verbal relevant le taux d’alcoolémie. L’état d’ivresse manifeste n’avait pas été évoqué. Cet arrêt, dans un cas d’espèce particulier, a fait l’objet d’une cassation par la Cour de cassation, dès lors que la Cour d’appel s’était appuyée sur des textes abrogés. En l’espèce, si il avait été appliqué les dispositions relatives au décret du 21 juillet 2003 sur les obligations relatives en matière d’éthylomètre, l’arrêt aurait été confirmé.
Il permet de nous rappeler l’opportunité de soulever les nullités du procès-verbal de constatation du taux d’alcoolémie.
Les textes applicables sur les mentions de l'éthylométre
Les textes relatifs aux mentions obligatoire de l'éthylométre et à l'homologation des appareils de contrôle d'alcoolémie,sont les articles L234-4 du code de la route et R234-4 de ce même code de la route.
Pour exemple sur une action de la ACA il a été rappelé que « la validité de l'homologation de l'éthylomètre SERES de type 679 E est, par exemple, dépassée depuis le 17 mai 2009. Aucun renouvellement d'homologation n'a été effectué depuis cette date par le laboratoire national de métrologie et d'essais, pour cet appareil qui est l'un des plus répandus au sein des forces de police et de gendarmerie ».