La nullité des anciennes gardes à vue sans avocat avant le 15 avril 2011 Impact en droit pénal routier ?
Le 31 mai 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation, par quatre arrêts, a annulé des procès-verbaux d’audition recueillis au cours de mesures de rétention douanière ou de garde à vue, au visa de l’article 6, en rappelant la nullité de ces procès-verbaux à défaut d’assistance d’un avocat.
● Cour de cassation. Chambre criminelle. 31 mai 2011, Pourvoi n° 10-88.809
● Cour de cassation. Chambre criminelle. 31 mai 2011, Pourvoi n° 10-80.034
● Cour de cassation. Chambre criminelle. 31 mai 2011, Pourvoi n° 10-88.293
● Cour de cassation. Chambre criminelle. 31 mai 2011, Pourvoi n° 11-81.412
Il ressort des textes applicables qu’à partir du 15 avril 2011, toutes les gardes à vue se déroulent en présence de l’avocat, que toutes les gardes à vue antérieures au 15 avril 2011 et n’ayant pas abouti à une décision d’instruction peuvent être frappées de nullité.
Depuis l’arrêt du 15 avril 2011, la Cour de cassation a sonné le glas de la garde à vue à la française en estimant, avant même l’entrée en vigueur de la réforme de la garde à vue fixée au 1er juin 2011, que toute personne placée en garde à vue avait le droit de garder le silence et d’être assistée d’un avocat dès le début et pendant toute la garde à vue.
Depuis cet arrêt, se mettent en place les nouvelles gardes à vue. Le droit pénal routier n’échappe pas à cette évolution. Toutes les interpellations suite à un délit routier donnant lieu à une mise en garde à vue donnent la possibilité au conducteur de faire appel à son avocat immédiatement.
Dans le cadre des instructions, la nullité des procès-verbaux d’audition réalisés en garde à vue au cours des six derniers mois pourra être soulevée lorsque les personnes mises en examen n’ont pas été assistées d’un avocat sur le fondement de l’article 173-1 du Code de Procédure pénale.
Par contre, en l’absence d’instruction, cette nullité pourrait remonter bien plus loin, puisque le principe de la nullité des actes d’audition devant le Tribunal correctionnel est celui de l’exception de nullité soulevée in limine litis (avant tout débat au fond).
Devant le Tribunal correctionnel, il pourra donc être soulevé en matière de droit pénal routier la nullité des gardes à vue et des PV d’audition recueillis en garde à vue, ce qui pourrait avoir de très lourdes conséquences en matière d’infraction routière , certain parle d’un « tsunami juridique » sur les délits routiers ?
Projection sur le contentieux en droit pénal routier
1er conséquence immédiate : Ne plus accepter les CRPC et les ordonnances pénales !
Du fait de la possibilité de soulevé la nullité de la garde à vue, il n’y a aucun intérêt à accepter une CRPC (plaider coupable) sans avoir fait consulter votre dossier par un avocat qui examinera la nullité au regard de la nouvelle garde à vue.
De même pour la notification d’une ordonnance pénale, le parquet a pris pour usage de remettre des convocations pour se voir notifier une ordonnance pénale, c'est-à-dire une décision déjà prise, une sanction sans débat, donc ne pas se laisse tromper par cette convocation aux fins de notification et apporter dans un délai de 30 jours votre dossier à un avocat pour apprécier l’opportunité de faire opposition à l’ordonnance pénale et d’invoquer une nullité pour sauver vos points !
Quels PV frappés de nullité dans les délits routiers ?
1) La conduite sous l’empire d’un état alcoolique
Il est classique, dans le contentieux du droit pénal routier, pour les avocats spécialistes de soulever des nullités de procédure in limine litis à l’audience et la nullité de la garde à vue.
Traditionnellement, les moyens de nullité de la garde à vue relevaient sur l’absence de notification des droits du gardé à vue ou une notification tardive ou encore une notification irrégulière sur le fondement de l’article 63-1 du Code de Procédure pénale.
En application de la jurisprudence du 31 mai 2011, il sera également possible de soulever un autre moyen : la nullité de procédure du fait du défaut d’assistance d’un avocat en application de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Les PV d’audition dans le cadre de la garde à vue suite à une interpellation pour une conduite sous l’empire d’un état alcoolique seront donc frappés de nullité et par là même, le PV de notification du taux d’alcoolémie postérieure. La nullité de la garde à vue entraînera de manière subséquente la nullité de la procédure qui résulte de cette garde à vue et notamment la procédure ayant abouti à la mise en cause pour des faits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.
2) Pour la conduite sans permis
La nullité de la garde à vue dans le cadre d’une conduite sans permis est plus délicate.
Il est en effet difficile de soutenir que la prévention repose uniquement sur l’audition du gardé à vue qui n’aurait pas été assisté d’un avocat.
Le Tribunal pourra fonder sa condamnation sur d’autres éléments qui emporteront sa conviction, notamment les pièces administratives rapportant la preuve de l’absence de permis de conduire. Ce ne sera donc pas la seule audition du prévenu qui permettra de fonder les poursuites. La jurisprudence risque de se heurter à des objections d’un point de vue pratique dans le cadre de la conduite sans permis.
Néanmoins de manière systématique, il sera donc possible d’invoquer, sur le fondement de l’article 63‑4 du Code de Procédure pénale l’annulation de la mesure de garde à vue, en ce sens qu’elle est irrégulière, prise en violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, prononcer son annulation avec toutes les conséquences de droit, notamment celle d’annulation de la procédure subséquente.
Dès lors, nous pourrons demander, sur ce seul moyen et avant tout débat au fond sur la réalité de la conduite et la relaxe.
3) pour la conduite sous l’empire de stupéfiants
De la même manière que sur la conduite sous l’empire d’un état alcoolique, la jurisprudence du 31 mai 2011 devra avoir des conséquences. Le dépistage salivaire justifiant une mise en garde à vue, la garde à vue doit être régulièrement notifiée et le gardé à vue doit avoir la possibilité d’être assisté de son avocat tout au long de la procédure. Or, avant le 15 avril 2011, l’avocat n’est pas présent aux côtés de la personne interrogée, notamment sur sa consommation de stupéfiants.
Le magistrat retiendra-t-il la nullité de toute la procédure du fait de la seule absence de l’avocat, en présence d’une prise de sang constatant une consommation de stupéfiants ?
Il faudra, en toute hypothèse, soumettre à la jurisprudence cette nullité qui, au regard de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, a été retenue dans d’autres affaires dès lors qu’il a été constaté que les auditions recueillies au cours des mesures de rétention douanière ou de la garde à vue sont irrégulières et qu’il y a lieu d’annuler les actes.
Conclusion
Avant même la réforme de la garde à vue et de la jurisprudence sur les anciennes gardes à vue du 31 mai 2011, la pratique de la défense pénale en droit pénal routier passe par un examen attentif de chacun des PV de constatation, des PV d’audition, de la régularité de la notification tant des droits du gardé à vue que des taux d’alcoolémie ou des résultats des prises de sang en matière de stupéfiants dans le cadre des prises de sang et résultats de prise de sang.
La démarche sera donc la même. Seul un moyen nouveau va donc jaillir : celui de ne pas avoir été assisté d’un avocat. Nul doute qu’en fonction du contexte, certains tribunaux pourront retenir cette nullité et procéder à l’annulation de toute la procédure.
En toute hypothèse, nous manquerons pas de l’invoquer…