REFLEXION SUR L’ARRET DU 8 JUIN 2011 : LA CONDUITE SOUS L’EMPIRE DE STUPEFIANTS
L’arrêt du 8 juin 2011 de la chambre criminelle de la Cour de cassation a attiré l’attention des spécialistes du droit de l’automobile, marquant de nouveau un durcissement de la chambre criminelle en matière de répression de la conduite sous l’empire de stupéfiants pour les raisons suivantes :
« Attendu que l'article L. 235-1 du code de la route incrimine le seul fait de conduire un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants dès lors que cet usage résulte d'une analyse sanguine ;
Attendu que, pour relaxer le prévenu du chef de conduite d'un véhicule par conducteur ayant fait usage de stupéfiants, l'arrêt retient qu'il résulte d'un consensus national de la société française de toxicologie analytique que la seule présence d'acide tétrahydrocannabinol - carboxylique (THC-COOH ) dans le sang à un taux inférieur à 20 ng/ml de sang, comme en l'espèce, révèle que l'intéressé a fait usage de cannabis plus de six heures avant le contrôle, ce dont il se déduit qu'il n'était pas sous l'influence du cannabis lors dudit contrôle ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 22 février 2011, mais en ses seules dispositions relatives à la conduite d'un véhicule par conducteur ayant fait usage de stupéfiants, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; »
La position des juges du fond dans ce dossier était pourtant intéressante, elle faisait une distinction entre la conduite sous l’empire de stupéfiants et le fait de relever dans le sang la présence du marqueur du cannabis, à savoir le THC.
L’article L 235-1 du Code de la route incrimine le seul fait de conduire un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants dès lors qu’il résulte d’une analyse sanguine des traces de stupéfiants et ce, même si au moment où on est interpelé, le conducteur n’est absolument pas perturbé par la consommation du cannabis lors de sa conduite.
Le résultat pratique en clair est simple, la consommation d’un peu de cannabis, même des semaines avant l’interpellation, peut-entraîner la sanction d’une conduite sous l’empire de stupéfiants.
Cette application stricte et à la lettre de l’article L 235-1 du Code de la route marque la volonté de la chambre criminelle de sanctionner ce comportement de manière sévère, de sanctionner, par la conduite sous l’empire de stupéfiants, également de manière indirecte la consommation de stupéfiants et ce, au mépris de la réalité pratique et de la vocation de ce texte : à savoir se préserver de la dangerosité du comportement du conducteur.
En effet, si le conducteur n’est pas sous l’influence de stupéfiants au moment où il est interpelé, en quoi son discernement est-il affecté ? En quoi est-il plus dangereux qu’un conducteur qui ne fuma jamais de cannabis? En quoi son comportement est-il dangereux pour les autres automobilistes ? En quoi y a-t-il un impératif de sécurité routière à sanctionner une personne dont le comportement n’est pas troublé par la consommation du produit dont les traces ont été retrouvées dans le sang ?
Nous ne sommes pas dans la problématique de l’alcool qui altère immédiatement le discernement et sur une durée très brève mais sur la problématique de l’absorption du marqueur THC dans le sang.
Cette décision, quelques soit la position que l’on peut avoir sur la consommation du cannabis est en matière de conduite au volant parfaitement incohérent selon nous.
Est-ce à dire qu’après cette décision, il n’est pas possible de se défendre contre une incrimination injuste de conduite sous l’empire d’un état alcoolique ?
D’une part, il est tout à fait possible de faire observer au moment de la plaidoirie en défense le caractère dérisoire du taux, et l’absence de dangerosité au volant dès lors que le discernement n’a pas été altéré, ce qui pourra inciter le juge à plus de clémence.
De même, les juges du fond peuvent aller jusqu’à retenir l’absence d’infraction, ils l’ont d’ailleurs fait dans l’affaire qui a abouti à l’arrêt du 8 juin 2011.
D’autre part, il est essentiel de vérifier dans ce délit le respect de la procédure, à savoir le dépistage par une prise de sang et la notification des résultats de la prise de sang pour pouvoir demander par la suite une mesure de contrôle, c’est à dire une nouvel expertise de la prise de sang en cas de consommation de médicaments ou alcool pouvant fausser les résultats.
C’est donc bien dans cette optique que l’avocat peut intervenir, d’une part pour plaider sur le fond de l’incohérence de ce texte et d’autre part, pour plaider sur la forme et avant tout le non-respect de la procédure et aboutir à une décision de relaxe devant une incrimination d’une particulière sévérité….