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Les conseillers syndicaux sont-ils protégés par leur statut de bénévoles ?
Pour répondre à cette question, il faut rappeler que le conseil syndical est dépourvu de personnalité juridique, de sorte que le mandat de conseiller syndical est exercé par chacun des membres du conseil à titre individuel. Autrement dit, il n'est pas possible d'attaquer le conseil syndical en tant qu'entité mais seulement chacun de ses membres.
Dans l'immense majorité des cas, le conseil syndical, trait d'union entre le syndic et les co-propriétaires, accomplit bénévolement un travail très utile pour la copropriété. Il arrive toutefois, notamment dans le cadre de conflits de voisinage, que certains conseillers syndicaux abusent de leurs fonctions. Les sanctions peuvent alors être très lourdes…
I) Une quasi-immunité pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions
En réponse à une question posée par le Sénateur Yves Détraigne, le ministère de la Justice a rappelé, le 27 août 2020, qu’en tant que bénévoles les conseillers syndicaux bénéficient d’une quasi-immunité pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.
Ces fonctions sont triples (article 21 de la loi du 10 juillet 1965) :
- assister le syndic de la copropriété ;
- en contrôler la gestion ;
- conseiller le syndicat sur toutes questions, pour lesquelles il est consulté ou dont il se saisit lui-même
Par exemple, si un conseiller syndical a fait preuve de négligence dans le contrôle des comptes du syndic ou n’a pas correctement conseillé l’assemblée générale, sa responsabilité ne sera pas, en pratique, engagée. Il sera protégé par son statut de bénévole.
Ainsi, les auteurs du présent article n’ont trouvé aucune condamnation d’un conseiller syndical ayant agi dans le cadre strict de son mandat.
II) Une responsabilité qui peut être engagée si le conseiller syndical a outrepassé ses fonctions
Gare à l’abus de pouvoir ! Les missions du Conseil syndical ont été précisées dans un sens restrictif dans la réponse ministérielle précitée du 27 août 2020 :
« Le conseil syndical est un organe de contrôle et d'assistance du syndic, non de gestion ou d'administration. Il ne dispose donc d'aucun pouvoir propre au titre de l'administration de la copropriété, à la différence du syndic, et il ne peut se substituer au gestionnaire de l'immeuble ».
Autrement dit, si les juges font preuve d’une très grande clémence à l’égard des conseillers syndicaux ayant failli « de bonne foi » dans leurs missions premières, il n’en est pas de même lorsque :
- ils ont agi avec mauvaise foi, en connaissance de cause, avec l'intention de nuire ;
- ils ont commis une faute grave (par exemple collusion frauduleuse entre le conseiller syndical et le syndic).
Dans ces hypothèses, les juges considèrent que le conseiller syndical a commis une faute détachable de ses fonctions.
III) Trois exemples de condamnations de membres du Conseil syndical
3.1 condamnation en cas de diffamation
Un conseiller syndical n’est pas protégé par son statut de mandataire bénévole s’il tient des propos diffamatoires, que ce soit à l’encontre du syndic, d’autres copropriétaires ou du gardien de l’immeuble.
Un exemple est fourni par l’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers du 17 janvier 2007 (CA Poitiers, 3e ch. civ., 17 janv. 2007, n° 06/01197). Dans cette espèce, le Président du Conseil syndical avait insinué, lors de l’assemblée générale des copropriétaires, que le gardien se livrait à des actes de voyeurisme dont les victimes étaient des jeunes filles de la résidence. La cour d’appel, confirmant le jugement du Tribunal d’Instance de La Rochelle, juge que de tels propos, « jetant le discrédit » sur la personne du gardien, sont diffamatoires. En conséquence, la Cour confirme le jugement qui, d’une part, condamnait le Président du Conseil syndical à lui verser la somme de 3 800 € à titre de dommages intérêts, d’autre part, ordonnait la lecture du dispositif du jugement lors de l'assemblée générale suivante.
3.2 condamnation en cas de poursuites d’intérêts personnels
Un membre du Conseil syndical pourra également être condamné s’il est établi qu’il a poursuivi un « intérêt strictement personnel » comme l'illustre un arrêt de la Cour d'appel de Nancy : « M. Y n’a pas agi dans le cadre de ses fonctions telles que définies par la loi consistant en une mission d’assistance et de conseil, même s’il s’est présenté à A en qualité de président du conseil syndical, dès lors que cette qualité était sans rapport avec cette fonction compte tenu de ce qu’il agissait dans un intérêt strictement personnel et non en vertu d’un mandat du syndicat des copropriétaires. » (CA Nancy, 17 nov. 2015, n° 15/02361). Dans cette affaire, le président du CS et le syndic sont condamnés solidairement à 4 000 € de dommages et intérêts.
3.3 condamnation en cas de malveillance à l’égard de voisins
Les juges de Nanterre viennent de sanctionner très sévèrement une Présidente du conseil syndical qui avait manifestement agi dans l’intention de nuire à ses voisins et avait ainsi manipulé l’assemblée générale.
La juridiction des Hauts-de-Seine a ainsi retenu, le 1er février 2021, que "la démarche fautive de la Présidente du Conseil syndical consistant à demander au syndic d’inscrire une résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 01/12/2013, portant habilitation de ce dernier à agir en justice pour remettre en cause un droit acquis de ces derniers, ne s’inscrit pas dans la mission habituelle d’un membre du conseil syndical, mais apparaît par sa gravité, détachable de sa mission habituelle, engageant pleinement sa responsabilité" (TJ de Nanterre, 1er févr. 2021, n° 17/06746).
Les juges franciliens n'ont pas été dupes et accusent la Présidente du conseil syndical d'avoir une mémoire sélective : « L’oubli allégué par Madame Y de l’existence de cette autorisation, justifié selon cette dernière par l’écoulement d’un délai de plus de vingt ans apparaît pourtant comme étant sélectif, pour porter seulement sur l’autorisation, mais pas sur l’existence elle-même de la véranda. »
Dans cette affaire, le syndic et la Présidente du Conseil syndical (CS) sont condamnés solidairement à 158.000 €, soit près de 80.000 € chacun. Cette somme est importante car les fautes cumulées du syndic et de la présidente du CS ont entrainé la perte de valeur d’un bien immobilier situé dans la riche commune de Boulogne-Billancourt (banlieue ouest de Paris).
IV) Le conseiller syndical condamné pourra-t-il faire jouer l’assurance « responsabilité civile » de la copropriété pour payer la condamnation ?
Probablement pas car les contrats d’assurance excluent généralement les agissements détachables des missions légales du conseil syndical…
Cf arrêt précité de la cour d’appel de Nancy (CA Nancy, 17 nov. 2015, n° 15/02361) : « Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a dit que Allianz Iard ne devait pas sa garantie. L’article 13 h des conditions générales du contrat multirisque Habitation Immeuble stipule en effet que 'sa garantie s’étend à la responsabilité civile que les membres du conseil syndical peuvent encourir en raison des dommages causés à autrui pendant la durée du présent contrat et résultant d’erreurs de fait ou de droit, d’omissions ou de négligences commises pendant la même période dans l’accomplissement de leurs fonctions telles que définies par les Législations en vigueur ».
A bon entendeur...