LES PARTIES COMMUNES à JOUISSANCE EXCLUSIVE : QUÉSACO ?

Publié le Modifié le 02/03/2021 Vu 18 046 fois 5
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Présentes dans de nombreuses résidences, les parties communes à jouissance privative (ou exclusive) sont à la fois des parties communes et des espaces protégés par le droit à la vie privée.

Présentes dans de nombreuses résidences, les parties communes à jouissance privative (ou exclusive) sont à

LES PARTIES COMMUNES à JOUISSANCE EXCLUSIVE : QUÉSACO ?
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1. Qu’est-ce qu’une partie commune à jouissance privative (ou exclusive)

Les « parties communes à jouissance privative » (PCJP) est une notion jurisprudentielle consacrée par la loi ELAN de 2019 avec la création d’un article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965.

Le législateur a défini ces espaces de copropriété comme des « parties communes affectées à l'usage et à l'utilité exclusifs d'un lot » ; présentes dans de nombreuses résidences (jardins, cours, balcons, toit-terrasses…), elles contiennent le plus souvent des effets et aménagements personnels. Certaines PCJP sont accessibles par des parties privatives (appartements), d'autres par des parties communes (escalier, palier…). Dans ce dernier cas, ces espaces sont généralement fermés à clés (cas des toit-terrasses).
  

2. Des espaces pleinement protégés par le droit à la vie privée

Les parties communes à jouissance exclusive sont-elles protégées par le droit à la vie privée au même titre qu’une partie privative ? Quel est le degré de protection dont bénéficient ces espaces mixtes, à cheval entre le privé et le collectif ?

2.1 les jugements rendus sur cette question

Si la loi est muette sur ce sujet et si ce dernier ne semble jamais avoir été tranché par la Cour de Cassation, plusieurs jugements et une récente réponse ministérielle apportent des réponses précises et concordantes : les PCJP sont protégées par le droit à la vie privée et familiale ainsi que par le principe constitutionnel d’inviolabilité du domicile, exactement comme une partie privative « classique ». Le fait que la jouissance privative s’exerce sur une partie commune de la copropriété est sans incidence sur l’application de ces principes de protection. Mutadis mutandis, le titulaire du droit de jouissance privative est placé vis-à-vis du syndicat dans la même situation qu’un locataire vis-à-vis de son propriétaire bailleur.

L’analyse de la jurisprudence ne laisse aucun doute sur l’application du droit à la vie privée à ces espaces de copropriété.

Ainsi, le TGI de Paris, après avoir constaté qu'un constat d'huissier avait été réalisé sans autorisation sur une terrasse à jouissance exclusive, a interdit au syndicat, sous astreinte, de produire ce constat et considéré qu'il ouvrait droit, à lui seul, au versement de 2.000 € de dommages et intérêts à la copropriétaire, au titre de la violation de la vie privée : « Attendu (...) qu’il appartenait au syndicat des copropriétaires d’obtenir sur requête auprès du président du Tribunal de céans la possibilité de pénétrer sur la terrasse de Mme X pour y prendre des photos, il apparaît que cet acte constitue une atteinte à la vie privée de Mme X » (TGI Paris 8e ch 3e sect 25 nov 2009 n°08/03307).

Quelques années plus tard, le TGI de Nanterre a précisé que « les modalités d’exercice d’un droit de jouissance exclusive doivent être assimilées aux modalités de jouissance des parties privatives. » (TGI Nanterre, 8e ch., 28 juin 2012, n° 11/09905).

Plus récemment, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé qu’ « un particulier et par lui l'huissier de justice mandaté, ne peut s'affranchir des lois et règlements qui protègent la propriété privée, la correspondance, ou encore la vie privée et dès lors que des constatations sont à opérer chez un tiers, et sauf accord exprès du tiers, il est nécessaire d'obtenir préalablement une autorisation judiciaire. » (CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 13 juin 2019, n° 17/19455 et CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 3 oct. 2019, n° 17/22124). 

2.2 la position du ministère de la Justice

Le ministère de la Justice a récemment confirmé que les PCJP sont protégées par le droit à la vie privée et par le principe d’inviolabilité du domicile. En conséquence, même le syndic, pourtant chargé de contrôler les parties communes, ne peut s’introduire dans une PCJP sans autorisation judiciaire :

« Le syndic peut être autorisé par le juge, le cas échéant en référé, à pénétrer dans une partie commune dont un copropriétaire a la jouissance privative, dans le respect du droit au respect de la vie privée du copropriétaire concerné, garanti notamment par l'article 9 du code civil, et du principe à valeur constitutionnelle d'inviolabilité du domicile » (Réponse du Ministère de la Justice à la question du Sénateur Yves Détraigne - publiée dans le JO Sénat du 27/08/2020 - page 3802).

S’introduire sans autorisation sur une PCJP revient donc, au plan juridique, à s’introduire sans autorisation dans un appartement privé.
 

3.   Une dénomination à clarifier ?

La nature ambivalente des parties communes à jouissance privative est naturellement source de conflits : en effet, le syndic a "fonctionnellement" tendance à occulter la dimension « jouissance privative » et le copropriétaire celle de « partie commune »…

Si, selon Albert Camus, « mal nommer les choses ajoute au malheur du monde », il n’en demeure pas moins que la notion de « parties communes à jouissance privative » pourrait difficilement être simplifiée sans dénaturation. En effet, la nature de « parties communes » implique l’application des règles de l’article 25 b) de la loi de 1965 pour la réalisation des travaux, tandis que la caractéristique « jouissance privative » entraine l’application des règles protectrices de l’article 9 du Code civil. 
La formulation hybride « parties communes à jouissance privative »  a donc de beaux jours devant elle..

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1 Publié par Roccabella
06/10/2022 13:24

Ma copropriété est composée de plusieurs lots. 3 d 'entre eux sont concernes par un toit terrasse qui n'abrite que des commerces
Ce toit terrasse n est pas accessible par les autres copropriétaires d'appartements
Cette terrasse fuit et les nuisances ne concernent que les commerces.
Le syndic repartit le cout a tous les copropriétaires des commerces et des appartements
Est ce normal?

2 Publié par Bricio
31/03/2023 13:50

Le syndic de copropriétaires veut m’obliger à acheter la terrasse et l’escalier qui l’a dessert-parties communes privatives -,et me demande de payer le géomètre et tous les frais qui s’y rattachent, à -t-il le droit de m’imposer cet achat ??

3 Publié par Mamy63
07/07/2023 12:56

Ma résidence à été construite avec des balcons tous possèdent une véranda. Dans le règlement de propriété l'article les définie en partie commune et l'article 6 les définies en privatifs .Comment si retrouve? Ces vérandas sont le prolongement de nos pièces habitables aujourd'hui beaucoup ont besoins de travaux le syndic veut faire payer la copropriete ???
Je suis perdu qui peut me renseigner .Merci

4 Publié par Luxos
28/03/2024 18:18

Bonjour
Notre résidence a des appartements avec une jardinière.
Un ravalement va être fait. Lesdites jardinières sont à considérer privatives ou communes pour la répartition des frais.
Merci

5 Publié par Thierry7512
15/10/2024 10:23

Bonjour,

Je voudrais fermer ma loggia avec une véranda, avec accord de la copropriété en AG. Le conseil syndical des copropriétaires veut effectuer un vote "à l'unanimité" au cours de l'AG, alors qu'un vote à la majorité suffirait au vu du règlement de copropriété. Puis-je contester ?
Merci,
Cordialement
Thierry CONTOUX

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Jean-Philippe MARIANI et Bruno LEHNISCH

Jean-Philippe MARIANI est avocat depuis 34 ans.

Il est Président de la Commission "Droit immobilier" du barreau des Hauts-de-Seine, 3e barreau le plus important en France après Paris et Lyon.

Formé au règlement amiable des différends, Me Mariani exerce également comme Médiateur.

Enfin, Me MARIANI est ancien Secrétaire de la Conférence (concours de plaidoirie) et ancien Membre du Conseil de l’Ordre des Hauts de Seine.


Contact
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jpmariani@cabinet-m.fr
01 55 46 50 50
https://www.cabinet-m.fr

Il publie des articles avec Bruno LEHNISCH, cadre juridique.

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