Beaucoup d’associations et notamment sur les plateformes de crowdfunding réalisent des collectes en ligne.
Sans le savoir elles entrent dans le régime contraignant de « l’appel à la générosité publique » prévu par la loi du 7 aout 1991, qui a été adoptée à l’époque où internet n’était pas une réalité.
Quelles sont les obligations prévues par la loi du 7 aout 1991 ?
La loi du 7 aout 1991 et son décret d’application prévoient deux obligations pour les associations qui font appel à la générosité publique
- Une déclaration préalable auprès de la préfecture du département de leur siège social.
Cette déclaration précise notamment les objectifs poursuivis par l'appel à la générosité publique et les campagnes que l'organisme se propose de faire au cours d'une période d'un an.
L'autorité administrative fera part dans les deux mois de sa décision d'autorisation ou d'interdiction.
L’absence de réponse du préfet, à l’issue d’un délai de deux mois après dépôt du dossier de demande d’autorisation d’appel à la générosité publique, vaut autorisation tacite
- Des obligations comptables complémentaires
Les associations doivent établir un « compte d'emploi annuel » des ressources collectées auprès du public, qui précise notamment l'affectation des dons par type de dépenses. Ce compte d'emploi est déposé au siège social de l'association. Il peut être consulté par tout adhérent ou donateur de cette association qui en fait la demande.
Quels sont les organismes visés ?
Le texte vise l’appel à la générosité publique des organismes qui, afin de soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l'environnement, souhaitent faire appel à la générosité publique dans le cadre d'une campagne menée à l'échelon national soit sur la voie publique, soit par l'utilisation de moyens de communication.
Une campagne à l’échelon national s’entend pas une campagne réalisées sur «les supports de communication audiovisuelle, la presse écrite, les modes d'affichage auxquels s'appliquent les dispositions de l'article 2 de la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ainsi que la voie postale et les procédés de télécommunications ».
Ce dispositif s’applique-il à un organisme qui réalise une campagne de collecte de dons en ligne ?
La doctrine fiscale a été confirmée par des réponses ministérielles dont la dernière date de 2013. Les associations qui utilisent un site internet pour leur collecte de dons font appel à la générosité publique car « l'accès à cette nouvelle technologie est largement répandu sur l'ensemble du territoire et tout message diffusé par son biais est susceptible de toucher l'ensemble de la population ».
Quels sont les risques ?
En théorie, l’administration peut priver l’association de tout avantage fiscal, dons, legs et versements effectués au profit de l'organisme visé dans la déclaration.
En pratique peu d’association qui respectent cette réglementation sont réellement inquiétées, ce qui augmente le flou juridique.
Pourquoi la réglementation doit évoluer ?
Lors de son élaboration en 1991, le texte avait pour objectif de réguler les grandes campagnes d’appel aux dons des associations les plus renommées qui disposaient de grands moyens de prospection. Avec le développement d’internet et les formidables perspectives du crowdfunding, beaucoup plus de projets associatifs ont accès à des donateurs potentiels.
Se pose également la question de savoir si les organismes soumis à ces dispositifs sont simplement les organismes associatifs qui offrent la possibilité de défiscaliser les dons (organisme d’intérêt général ou d’utilité publique) ou tout organisme qui soutient une cause entrant dans le champ décrit ?
Autrement dit, le réalisateur d’un film ou le groupe de musique qui recherche des financements sur une plateforme de crowdfunding ne fait-il pas appel à la générosité publique pour le soutien d’une cause culturelle ?
Peut-être … mais en pratique la sanction du non-respect de la réglementation ne le concernera pas puisqu’il n’est pas en mesure de proposer un avantage fiscal à son donateur.
Au-delà des clarifications qui s’avèrent nécessaires, une réflexion sur la nécessité d’appliquer cette réglementation aux simples dons en ligne devra être réalisée. En effet, la libéralisation du crowdfunding est une priorité du gouvernement qui souhaite que la Frenchtech puisse être compétitive dans ce secteur. Au législateur de donner les moyens de répondre à ces ambitions dans des cadres moins contraignants et obsolètes.
Henri de La Motte Rouge
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