Contrat de travail international, clause attributive de juridiction et lieu d’exécution du travail

Publié le 26/12/2018 Vu 2 864 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le contrat de travail est réputé international lorsqu’il contient un élément d’extranéité susceptible de mettre en concurrence plusieurs lois nationales : nationalité des parties, lieu d’exécution du contrat, lieu d’embauche.

Le contrat de travail est réputé international lorsqu’il contient un élément d’extranéité susceptibl

Contrat de travail international, clause attributive de juridiction et lieu d’exécution du travail

Le contrat de travail est réputé international lorsqu’il contient un élément d’extranéité susceptible de mettre en concurrence plusieurs lois nationales : nationalité des parties, lieu d’exécution du contrat, lieu d’embauche.

Se pose avec le contrat de travail international la question du juge compétent pour régler les litiges opposant le salarié et l’employeur. Le règlement européen n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (dit Bruxelles I bis) résout les problèmes de compétence judiciaire, et particulièrement en droit du travail, dont une partie du texte est consacrée (articles 20 à 23).

La question du juge compétent invite à s’interroger sur la validité de la clause attributive de juridiction qui consiste, pour les parties, à déterminer au sein du contrat de travail la juridiction compétente en cas de litige. La validité de cette clause est encadrée au niveau européen, mais aussi au regard des dispositions impératives internes qui viennent se confronter à elle.  

Une clause attributive de juridiction dans un contrat de travail international au profit d’une juridiction d’un Etat autre que celui au sein duquel le salarié accomplit habituellement son travail est-elle valable ?

Dans un arrêt du 05 décembre 2018 (n° 17-19.935), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a écarté l’applicabilité d’une clause attributive de juridiction prévoyant la compétence d’une juridiction étrangère sur le territoire duquel le salarié n’exécute pas habituellement son travail.

Dans les faits, un salarié français embauché en qualité de masseur-kinésithérapeute par la société de droit monégasque AS Monaco football club a saisi le Conseil de prud’hommes de Nice de diverses demandes. Les juridictions du fond ont constaté la compétence du juge français, ce que conteste l’employeur devant la Cour de cassation.

Les arguments de l’employeur tiennent principalement à ce qu’à partir du moment où le salarié n’exécute pas le contrat de travail totalement dans l’établissement français, et exerce au moins pour partie ses fonctions sur le territoire monégasque au cours des matchs disputés par l’équipe de football monégasque dans son stade, la clause attributive de juridiction est valide.

L’employeur tente ainsi de contrecarrer l’application des dispositions impératives de l’article R. 1412-1 du code du travail applicables dans l’ordre international qui attribuent la compétence des différends et litiges entre l’employeur et le salarié au Conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail.

La position actuelle de la Cour de cassation repose effectivement sur le fait qu’une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l’article R. 1412-1 du code du travail applicables dans l’ordre international (Cass. Soc., 29 septembre 2010, 09-40.688).

Cela étant, la Cour de cassation détourne les arguments de l’employeur en se fondant sur l’article 21, § 2, du règlement européen Bruxelles I bis selon lequel l’employeur qui n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait, dans un État membre, devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail.

La Cour de cassation ne fait pas que détourner les arguments de l'employeur. Pour constater la compétence du juge français, elle contourne aussi habilement le fondement juridique de sa position, reposant traditionnellement sur un texte de droit interne (art. R. 1412-1 C. trav), au profit d'un support, plus récent, de source européenne (art. 21 § 2 du règlement Bruxelles Ibis). A l’avenir, c’est ainsi qu'elle devrait dorénavant opérer dans des espèces similaires. 

Le débat judiciaire s’oriente donc moins sur la vérification de la validité de la cause attributive de juridiction invoquée par l’employeur que sur le contrôle du lieu d’exercice habituel du travailleur. Si ce lieu se situe sur le territoire national, alors l’employeur peut être traduit devant la juridiction prud’homale française.

En l’occurrence, le salarié exerçait ses fonctions de masseur-kinésithérapeute, essentiellement lors d’entraînements, au centre de formation du club, auquel il était contractuellement rattaché, qui se trouvait sur le territoire français, dans la commune de La Turbie, laquelle est située dans le ressort du Conseil de prud’hommes de Nice. De plus, un nombre important de rencontres sportives auxquelles le salarié a pu participer se déroulaient sur le territoire français.

La circonstance que les matchs requérant la présence du salarié se sont déroulés au stade Louis II, à Monaco, n’infirme pas la constatation selon laquelle l’essentiel de la prestation de travail a été réalisée sur le territoire français.

Cette décision invite à la prudence des employeurs lors de la rédaction des contrats de travail internationaux dans la mesure où la présence d’une clause attributive de juridiction ne permettra pas d’écarter la compétence du juge français du travail dès lors que le salarié accomplit habituellement son travail sur le territoire national.

Me Jérémy DUCLOS

Avocat à la Cour 

​​​​​​​https://www.duclos-avocat.com/ 

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.