Dans l’exercice de ses fonctions, le salarié peut avoir connaissance de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime.
Suite au dépôt de plainte du salarié, l’employeur peut être tenté de le sanctionner, le licencier ou bien encore le discriminer.
Le droit du travail prévoit un mécanisme de protection du salarié dans ce type de situation (art. L. 1132-3-3 C. trav.) et il est revenu à la jurisprudence d’en préciser les contours.
Le fait que la plainte déposée par le salarié n’ait pas donné lieu à des poursuites pénales est-il suffisant pour prononcer son licenciement ?
Dans un arrêt du 08 juillet 2020 (n° 18-18.317), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que le salarié ne peut être licencié pour avoir déposé une plainte sur des faits connus dans l’exercice de ses fonctions, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.
Dans les faits, le salarié a été licencié pour faute grave aux motifs qu’il avait, d’une part, dénigré l’entreprise dans des courriers adressés au directeur de région en réponse à ces avertissements et, d’autre part, déposé plainte contre le responsable d’une agence de l’entreprise dans le but de déstabiliser cette structure.
Pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif, la cour d’appel a retenu que les faits pour lesquels l’intéressé a déposé plainte auprès de la gendarmerie n’ont pas donné lieu à des poursuites pénales et que le salarié ne peut sérieusement plaider la bonne foi dès lors qu’il ne pouvait ignorer que cette plainte allait nécessairement déstabiliser son agence.
Cette position est contredite par la Cour de cassation pour qui l’absence de poursuites pénales faisant suite à la plainte du salarié n’est pas suffisante à caractériser la mauvaise foi de celui-ci, compte tenu du fait que le salarié n’avait pas connaissance de la fausseté des faits dénoncés, et ce quand bien même sa plainte serait de nature à déstabiliser l’entreprise.
La solution est rendue au visa de l’article L. 1132-3-3 du code du travail selon lequel aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
La notion de mauvaise foi est appréhendée de manière similaire en matière de harcèlement moral où la Cour de cassation rappelle constamment qu’elle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce (Cass. Soc., 7 février 2012, n° 10-18.035 ; Cass. Soc., 10 juin 2015, n° 14-13.318 ; Cass. Soc., 11 décembre 2019, n° 18-18.207).
De cette décision, il faut donc retenir que le salarié est de bonne foi même si sa plainte ne donne pas lieu à des poursuites judiciaires.
A l’inverse, la mauvaise foi du salarié sera démontrée à chaque fois qu’il avait connaissance de la fausseté des faits dénoncés, et donc qu’il avait l’intention d’agir dans une optique diffamatoire et malveillante, justifiant ainsi son licenciement pour faute grave.
Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour