Dans un arrêt du 24 mars 2021 (N° 19-18.930), la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé sa position sur le sort du véhicule de fonction en cas de dispense d’exécution du préavis de rupture du contrat de travail.
En fait, selon un avenant au contrat de travail, un salarié bénéficiait d’un véhicule de fonction qu’il pouvait utiliser aussi bien pour ses déplacements professionnels que pour ses déplacements personnels. Son licenciement prévoyait une dispense d’exécution du préavis de six mois, avec restitution du véhicule de fonction, qui est effectivement intervenue.
Il a saisi la juridiction prud’homale afin de solliciter, notamment, une indemnisation au titre de la privation de son véhicule de fonction pendant le préavis. Il a été débouté par les juges du fond qui ont retenu l’usage exclusivement professionnel du véhicule pour conclure à l’absence de nécessité pour le salarié de l’utiliser pendant le préavis dès lors qu’il avait été dispensé de son exécution, alors même que l’avenant permettait également son usage personnel.
L’arrêt d’appel a rejeté sa demande d’indemnisation en soutenant que, du fait de la dispense d’exécution de son préavis, il n’avait plus à effectuer les déplacements liés à ses fonctions et qu’il ne pouvait donc pas prétendre à une indemnité pour avoir été privé de l’utilisation de ce véhicule.
La Cour de cassation devait s’interroger sur le point de savoir si, au cours de la période de dispense d’exécution du préavis de licenciement, un salarié peut conserver le véhicule de fonction conféré par un avenant au contrat de travail stipulant son usage professionnel et personnel.
La solution retenue est classique et n’étonne pas. La Cour considère que l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution de l’avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d’un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel, conféré par l’avenant à son contrat de travail.
La décision est rendue au visa de l’article L. 1234-5, alinéa 2, du code du travail, selon lequel l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
Elle s’inscrit dans la continuité de ce qu’avait décidé, aussi clairement que le texte, la Cour de cassation antérieurement : « le salarié dispensé de l'exécution de son préavis n'était pas tenu de restituer l'avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d'un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel, qui correspondait à l'application normale de son contrat de travail » (Cass. Soc., 8 mars 2000, n° 99-43.091).
Pour tenter de contrecarrer l’application de l’article L. 1234-5 du code du travail et la jurisprudence qui en résulte, il peut être tentant pour l’employeur d’insérer au contrat de travail une clause de restitution selon laquelle la voiture de fonction doit être restituée à la date de la notification de la rupture dès lors que le salarié est dispensé d’exécuter le préavis.
Cependant, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’inapplicabilité d’une telle clause de restitution : « le salarié dispensé de l’exécution de son préavis ne peut être tenu, même en application d’un engagement pris dans le contrat de travail, de restituer l’avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d’un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel » (Cass. Soc, 11 juillet 2012, n° 11-15.649).
Ainsi, la Cour de cassation a confirmé le caractère d’ordre public de l’article L. 1234-5 du code du travail, auquel les parties ne peuvent donc pas déroger, en application de l’article L. 1231-4 du même code, prévoyant l’impossibilité pour l’employeur et le salarié de renoncer par avance aux règles encadrant la rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
Si toutefois le salarié était contraint de restituer le véhicule de fonction, alors il serait fondé à solliciter auprès de son employeur le versement d’une indemnité destinée à compenser la privation de cet avantage en nature (Cass. Soc., 4 mars 1998, n° 95-42.858).
Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour
Spécialiste en droit du travail