L’employeur dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation dans l’exécution des obligations contractuelles du salarié.
Dans le cadre de ses prérogatives, l’employeur peut engager une procédure de licenciement à l’encontre du salarié défaillant, compte tenu d’une insuffisance professionnelle ou de la commission d’une faute disciplinaire.
Cette faculté de licencier se transforme en véritable obligation en cas de faute disciplinaire flagrante, comme un abandon de poste, s’il ne veut pas que cette omission lui soit par la suite préjudiciable en cas d’enclenchement d’une procédure judiciaire par le salarié.
Quelles sont les conséquences de l’absence d’engagement de la procédure de licenciement par l’employeur en cas d’abandon de poste du salarié ?
Dans un arrêt du 05 juin 2019 (n° 17-27.118), la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du salarié doit mettre en œuvre la procédure de licenciement. À défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il s’agissait en fait d’une employée de maison qui soutenait, devant la juridiction prud’homale, avoir été licenciée verbalement par son employeur. Celui-ci invoquait de son côté le fait que la salariée avait commis un abandon de poste, et que si elle avait fait l’objet d’un licenciement verbal, elle devait en rapporter la preuve.
Cette situation illustre parfaitement la carence de l’employeur dans l’exercice de ses prérogatives : face au constat d’abandon de poste de sa salariée, l’employeur devait nécessairement engager une procédure de licenciement.
Et ce d’autant plus que l’employeur n’avait reçu en l’espèce aucune lettre de démission ni lettre de prise d’acte de la rupture du contrat de travail du salarié. C’était donc bien à lui que revenait la charge d’engager la procédure de licenciement pour abandon de poste, et non au salarié de démontrer qu’un licenciement verbal était survenu.
La rupture du contrat de travail s’analysait donc en un licenciement verbal, sans cause réelle et sérieuse, à défaut pour l’employeur d’avoir engagé une procédure de licenciement. La solution n’est pas nouvelle (Cass. Soc. 25-6-2003 n° 01-41.150 : l’employeur, qui avait considéré le salarié comme étant démissionnaire, n’avait pas mis en œuvre la procédure de licenciement).
Faut-il rappeler, en conclusion, qu’il ne suffit pas pour l’employeur de constater l’abandon de poste du salarié pour le considérer comme démissionnaire, et se décharger de son obligation de licencier pour cause réelle et sérieuse, puisque la démission doit se manifester par la volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin au contrat de travail, ce qui se matérialise par un écrit.
Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour
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