Dans un arrêt rendu le 1er juin 2023 (n° 21-23.438), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a traité la question du cumul de dommages-intérêts lorsque le salarié invoque des faits de harcèlement moral à l’occasion de son licenciement.
Un salarié engagé en qualité de responsable de la logistique et du service qualité a été licencié. Estimant avoir été victime de faits de harcèlement moral, le salarié a saisi la juridiction prud’homale et sollicité diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail et de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Plus précisément, le salarié sollicitait des dommages-intérêts pour harcèlement moral et des dommages-intérêts pour licenciement nul.
La cour d’appel a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral au motif qu’elle se confondait avec celle réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et que le salarié ne saurait obtenir une indemnité pour harcèlement et une indemnité pour licenciement nul.
Le salarié forme un pourvoi en cassation en invoquant, notamment, le principe de la réparation intégrale du préjudice qui permet l’indemnisation sur ces deux chefs de demande distincts.
La Cour de cassation devait répondre à la question de savoir si le salarié peut percevoir à la fois des dommages-intérêts au titre du licenciement nul et des dommages-intérêts pour les faits de harcèlement moral.
Elle introduit son propos par un rappel de la notion de harcèlement moral, au sens des termes de l’article L. 1152-1 du code du travail : « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
La Cour de cassation poursuit en visant le principe de réparation intégrale du préjudice : « l’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral ».
En d’autres termes, le salarié peut obtenir une indemnisation au titre du licenciement nul et une indemnisation pour les faits de harcèlement moral dont il a été victime.
La cour d’appel avait considéré que le salarié ne saurait obtenir deux indemnités, l’une pour le harcèlement moral, l’autre pour le licenciement nul.
Le raisonnement des juges du fond tenait sans doute à ce que la nullité du licenciement avait été prononcée en raison des faits de harcèlement moral, de sorte qu’en indemnisant le salarié au titre du licenciement nul, il n’y avait pas lieu de l’indemniser également sur le chef des faits de harcèlement moral.
La Cour de cassation lève toute interrogation sur la question : l’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Par le passé, elle avait déjà reconnu que l'octroi de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral (Cass. Soc., 19 janvier 2012, n° 10-30.483).
De même avait-elle admis que l’indemnisation du préjudice résultant d'un harcèlement moral est cumulable avec la réparation liée au manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement (Cass. Soc., 6 juin 2012 n° 10-27.694) ou encore à l’interdiction des discriminations prévues à l’article L. 1132-1 du code du travail (Cass. Soc., 3 mars 2015, n° 13-23.521).
La Cour de cassation franchit donc un pas supplémentaire dans sa construction jurisprudentielle visant à accorder au salarié victime de harcèlement moral une protection indemnitaire destinée à réparer son préjudice dans son intégralité.
Jérémy DUCLOS
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail
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