Dans un arrêt rendu le 25 septembre 2024 (n° 22-22.851), inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé les conditions de licéité de l’utilisation d’un système de géolocalisation du salarié pour assurer le contrôle de la durée du travail.
Un salarié a été engagé en qualité de distributeur de journaux et d’imprimés publicitaires.
Un accord d’entreprise a prévu la mise en place d’un système d’enregistrement et de contrôle du temps de travail des distributeurs par géolocalisation.
Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat puis a saisi la juridiction prud'homale en lui demandant notamment de juger que cette prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de l’ensemble de ses demandes et, en conséquence, de dire que la rupture du contrat de travail fait l’effet d’une démission.
La cour d’appel avait considéré que le système de géolocalisation ne porte pas atteinte à la vie privée des salariés, dès lors qu'ils sont censés être en activité de travail.
Elle n’avait pas caractérisé l’absence de liberté dont le salarié disposait pour l’organisation de son travail ni que le système de géolocalisation mis en œuvre par l’employeur était le seul moyen permettant d’assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés.
La Cour de cassation devait statuer sur les conditions de licéité de l’utilisation d’un système de géolocalisation du salarié pour assurer le contrôle de la durée du travail.
Elle vise l’article L. 1121-1 du code du travail selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Il en résulte que l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace, et n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail.
La Cour de cassation avait déjà jugé par le passé que l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail (Cass. Soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.036 ; Cass. Soc., 19 décembre 2018, n° 17-14.631).
Elle rappelle à ce titre qu'un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), et portées à la connaissance des salariés
Dès lors qu’un système de géolocalisation est utilisé et invoqué par l’employeur pour assurer le contrôle de la durée du travail, les juges du fond doivent s’assurer, pour vérifier la licéité de l’opération, que l’employeur ne pouvait pas mettre en place un autre système de vérification.
Cet autre dispositif de vérification devra être appliqué même s’il s’avère être moins efficace que la géolocalisation, en ce qu’il sera, en tout cas, moins attentatoire aux droits et libertés du salarié dans l’exercice de sa mission.
Jérémy DUCLOS
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail
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