Dans un arrêt du 06 juillet 2022 (n° 21-13.387), la chambre sociale de la Cour de cassation vient rappeler le sort réservé à un licenciement pour inaptitude lorsque celle-ci est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
Un salarié engagé en qualité de vendeur qualifié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après des arrêts de travail pour accident du travail ou maladie et suite à un avis d'inaptitude définitive à son poste de travail par le médecin du travail.
Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement en invoquant un harcèlement moral ainsi qu'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité. L'affaire a été portée devant la juridiction d'appel.
Le salarié demandait à titre principal la nullité de son licenciement pour inaptitude en raison d'un harcèlement moral subi et à titre subsidiaire de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse en conséquence d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité.
La cour d'appel a débouté le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude du salarié ne saurait constituer une cause de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la réalité de l'inaptitude n'étant pas contestée.
Saisie de cette affaire, la Cour de cassation devait déterminer si le manquement préalable de l'employeur qui a provoqué l'inaptitude est de nature à dénuer de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude en résultant.
Dans un attendu de principe bien connu, la Cour de cassation a rappelé que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
En effet, la Cour de cassation s'était déjà prononcée antérieurement sur cette question, dans des termes similaires (Cass. Soc., 03 mai 2018, n° 16-26.850 et n° 17-10.306 ; Cass. Soc., 21 octobre 2020, n° 19-15.376). Ce principe, indiscutablement bien ancré, doit être appliqué par les juges du fond.
Pourtant, dans cette affaire, la cour d'appel avait retenu l'existence d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, justifiant la condamnation de ce dernier au paiement à ce titre de dommages-intérêts. Elle a été censurée car elle n'a pas recherché, alors qu'elle devait le faire, si l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité.
Dès lors qu'un manquement à l'obligation de sécurité est invoqué par le salarié dont le contrat est rompu pour inaptitude, les juges du fond doivent vérifier si le licenciement pour inaptitude a pour conséquence un manquement préalable de l'employeur sur ce terrain et, le cas échéant, en tirer la conclusion juridique que ce licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
Jérémy DUCLOS
Avocat
Spécialiste en droit du travail
https://www.duclos-avocat.com/