Dans un arrêt du 10 février 2021 (n° 19-20.397), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé le principe du droit à réintégration du salarié en cas de licenciement nul, même s’il a retrouvé un emploi.
Cette affaire concernait un salarié, licencié pour motif personnel, qui avait saisi la juridiction prud’homale en vue d’obtenir la nullité de son licenciement compte tenu des agissements de harcèlement moral dont il se considérait victime. Il a été débouté en première instance et a interjeté appel de la décision.
La juridiction d’appel avait ordonné la réintégration du salarié dans l’emploi précédemment occupé ou dans un emploi équivalent, dans le même secteur géographique, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière, avec reprise d’ancienneté et paiement du salaire conventionnel à compter de la date de la réintégration.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation en invoquant l’impossibilité matérielle de la réintégration du salarié qui se trouve lié par un contrat de travail en cours avec un autre employeur au jour où le juge statue sur sa demande de réintégration. C’est qu’en l’espèce, le salarié avait effectivement retrouvé un emploi.
La Cour de cassation devait donc s’interroger sur le point de savoir si le fait pour le salarié d’être entré au service d’un autre employeur rendait sa réintégration matérielle impossible et était, par conséquent, de nature à le priver de son droit à réintégration.
Sans surprise, elle a considéré que le salarié conserve son droit à réintégration même s’il a retrouvé un emploi chez un autre employeur, circonstance qui ne rend pas sa réintégration matériellement impossible.
La solution n’est effectivement pas surprenante si l’on s’en tient à la jurisprudence antérieurement établie selon laquelle la réintégration n’est pas impossible lorsque le poste du salarié n’est pas vacant et que celui-ci a retrouvé un emploi (Cass. Soc., 2 février 2005, n° 02-45.085).
Le droit à réintégration n’est donc pas corrélé à l’absence de subordination du salarié chez un autre employeur. Dès lors, l’employeur ne peut prendre prétexte du fait que le salarié se trouve déjà sous un lien de subordination pour considérer la réintégration comme étant matériellement impossible, et que pour être possible, elle doit nécessairement être précédée de la démission du salarié de son emploi actuel.
En réalité, les cas où la réintégration s’avère matériellement impossible sont assez limités. Il peut s’agir de la fermeture de l’établissement (Cass. Soc., 15 juin 2005, n° 03-48.094) ou de la liquidation de l’entreprise (Cass. Soc., 20 juin 2006, n° 05-44.256), du salarié qui part à la retraite de sa propre initiative (Cass. Soc., 17 octobre 2018, n° 16-27.597) ou qui se rend coupable de concurrence déloyale (Cass. Soc., 25 juin 2003, n° 01-43.717).
En dehors de ces cas limités, l’employeur devra procéder à la réintégration du salarié et lui verser une indemnité d’éviction au titre de la période qui s’est écoulée entre le licenciement et la réintégration, dans la limite du montant des salaires dont le salarié a été effectivement privé.
Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour
Spécialiste en droit du travail
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