Le licenciement est nul lorsqu’il repose sur une cause prohibée par la loi : l’âge, le sexe, l’origine, l’orientation sexuelle, la situation de famille ou bien encore la grossesse (art. L. 1132-1 C. trav.).
La nullité du licenciement entraîne pour le salarié la possibilité de demander sa réintégration dans l’entreprise, avec l’allocation d’une indemnité qui correspond aux salaires qu’il n’a pas perçus entre la rupture du contrat de travail et sa réintégration (Cass. Soc., 03 juillet 2003, n° 01-44.52).
En cas de réintégration, doit-on prendre dans l’assiette de calcul de l’indemnité les revenus de remplacement reçus par la salariée qui a fait l’objet d’un licenciement discriminatoire liée à sa grossesse ?
Dans un arrêt du 29 janvier 2020 (n° 18-21.862), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la salariée dont le licenciement est nul pour discrimination liée à sa grossesse a droit au paiement d’une indemnité égale aux salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration dans l’entreprise, sans déduction des revenus de remplacement perçus.
Cette décision est fondée sur le principe suivant : le licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse caractérise une atteinte au principe d’égalité de droits entre l’homme et la femme, garanti par l’alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».
La Cour de cassation entend ainsi clairement marquer que ce principe dispose d’une autorité supra-légale qui dépasse le simple jeu des articles L. 1132-1 (les causes de discrimination) et L. 1132-4 (la sanction de la discrimination : la nullité) du code du travail, traditionnellement invoqués en la matière (et d’ailleurs invoqués dans l’arrêt en question).
Consécutivement au constat de nullité affectant la mesure de licenciement lié à la grossesse, la cour d’appel avait ordonné que les sommes perçues à titre de revenus de remplacement soient déduites du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et la date effective de réintégration de la salariée dans l'entreprise
Cette position des juges du fond, aujourd’hui malmenée, était pourtant celle qui semblait être retenue comme étant celle de principe par la Cour de cassation, à travers le fait que l’allocation de l’indemnité de réintégration devait s’opérer « dans la limite du montant des salaires dont il a été privé » (Cass. Soc., 30 septembre 2010, n° 08-44.340).
L’indemnité de réintégration n’est donc pas la seule source d’indemnisation de la salariée victime de discrimination. La faculté d’adjoindre à cette indemnité les revenus de remplacement perçus, par l’impossibilité de déduction, constitue une sanction civile supplémentaire destinée à freiner autant que possible, sinon à annihiler, ce type de mesure discriminatoire.
Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour