Dans un arrêt du 14 octobre 2020 (n° 18-24.209), la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé la sanction applicable à la mesure de licenciement faisant suite à l’introduction d’une action en justice par le salarié à l’encontre de son employeur.
Il s’agissait en l’occurrence d’un salarié qui a fait l’objet d’un licenciement pour faute lourde après avoir saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
Rappelons que la résiliation judiciaire permet à un salarié, au cours de l’exécution du contrat de travail, de demander au Conseil de prud’hommes de rompre le contrat de travail en raison d’un manquement particulièrement grave de l’employeur.
La juridiction d’appel a prononcé la nullité du licenciement et a ordonné la réintégration du salarié, outre la condamnation de l’employeur à payer les salaires couvrant la période comprise entre l’engagement de la procédure de licenciement et la réintégration du salarié.
L’employeur se pourvoit en cassation en arguant de ce que le montant de l’indemnité allouée au salarié ne tenait pas compte des revenus de remplacement perçus par celui-ci entre l’engagement de la procédure de licenciement et sa réintégration, de sorte qu’elle était disproportionnée au regard du préjudice subi.
L’employeur soutenait notamment que le préjudice subi était en réalité inexistant compte tenu du fait que les revenus du salarié étaient supérieurs au montant des salaires qu’il aurait perçus en l’absence de licenciement, mais compte tenu également des fautes reproches au salarié, de nature à justifier son licenciement et de ce que ce dernier avait échoué à démontrer les fautes reprochées à son employeur dans l’exécution du contrat de travail.
La Cour de cassation doit ainsi se prononcer sur la nature et l’étendue de la sanction indemnitaire applicable au licenciement qui fait suite à l’introduction d’une action en justice par le salarié à l’encontre de son employeur.
Plus encore, les éventuels revenus de remplacement dont a pu bénéficier le salarié entre son licenciement et sa réintégration sont-ils déductibles de l’indemnité qui lui est allouée en conséquence de la nullité de son licenciement ?
La Cour de cassation vient tout d’abord rappeler la nature de la sanction applicable : le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie (Cass. Soc., 05 décembre 2018, n° 17-17.687, et ce peu important que la demande du salarié soit non fondée).
Elle précise ensuite les conséquences indemnitaires de la sanction de nullité : le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période.
La solution avait déjà été affirmée par le passé. Aucune déduction ne peut être opérée en cas de violation d’une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, comme c’est le cas de l’action en justice du salarié (Cass. Soc., 21 novembre 2018, n° 17-11.122).
S’il n’est pas important que la demande du salarié soit fondée ou non, en revanche, l’abus ou la mauvaise foi du salarié dans l’exercice de son droit d’ester en justice seraient de nature à écarter la nullité du licenciement pour violation d’une liberté fondamentale (Cass. Soc., 3 février 2016, n° 14-18.600).
Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour
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