La visite médicale d’embauche (l’actuelle visite d’information et de prévention) permet de vérifier que le salarié est apte à exercer la fonction pour laquelle il a été embauché.
Le médecin du travail peut formuler, à ce titre, des recommandations sur les mesures à adopter pour que l’aptitude du salarié à exercer sa fonction soit effective et sans risque pour sa santé et sa sécurité.
L’employeur peut-il décider de ne pas mettre en œuvre les préconisations du médecin du travail suite à la visite médicale d’embauche, sans manquer à son obligation de sécurité de résultat ?
Dans un arrêt rendu le 27 septembre 2017 (n° 15-28.605), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’absence de mise en œuvre par l’employeur de la préconisation constatée par le médecin du travail à l’occasion de la visite médicale d’embauche constitue un manquement à son obligation de sécurité de résultat.
La décision ne surprend pas au regard des faits de l’espèce : le médecin du travail avait recommandé le port de support du poignet et l’employeur, informé de cette préconisation, ne l’avait pas mise en œuvre, de sorte qu’après avoir été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle concernant la faiblesse de ses poignets, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La décision ne surprend pas tant au regard du droit applicable : l’article L. 4624-1 du code du travail (actuel article L. 4624-6 C. trav.) visé par la Cour de cassation, impose à l’employeur de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail. En cas de refus, l’employeur doit informer par écrit le salarié et le médecin du travail des raisons qui s’opposent à l’application de ces avis.
Il est clair que la responsabilité de l’employeur au titre de son obligation de sécurité de résultat doit être engagée si en plus de ne pas avoir respecté la recommandation du médecin du travail il n’oppose aucun motif à l’inapplication de celle-ci, de sorte que sa négligence est de nature à mettre en péril la santé et la sécurité du salarié.
Dans l’hypothèse où l’employeur serait amené à prétendre qu’il a bien appliqué les préconisations du médecin du travail, alors il lui revient d’en apporter la preuve, face à l’action du salarié visant à soutenir le contraire devant le juge (Cass. Soc., 14 octobre 2009, n° 08-42.878).
Lorsque la Cour d’appel déboute le salarié compte tenu du fait qu’il n’a pas alerté l’employeur sur la nécessité de commander le matériel nécessaire, sans avoir produit une lettre réclamant l’achat de ce matériel, elle invite à la censure de la Cour de cassation dans la mesure où l’obligation de sécurité de résultat ne nécessite bien naturellement aucune obligation de son débiteur.
Considérer en effet que le salarié est débiteur d’une obligation d’informer l’employeur de son obligation d’adapter son poste de travail en fonction de ce que médecin du travail a pu recommander pour rendre son aptitude effective revient à renverser de manière aussi douteuse que contestable l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur vers une obligation d’information préalable du salarié sur les risques du non-respect des préconisations du médecin du travail à son encontre.
Au demeurant, la solution retenue par la Cour de cassation incite fortement l’employeur à rester vigilant sur les risques encourus en cas d’inaction face aux recommandations de la médecine du travail à l’endroit des salariés dont la santé mérite une attention d’autant plus importante qu’elle servira de fondement à une action judiciaire en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur dont seul le cas de force majeure en permettra l’exonération.
Me Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour