Dans un arrêt rendu le 11 mai 2023 (n° 21-22.281), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a statué sur le point de départ de la protection de la salariée en état de grossesse médicalement constaté.
Une salariée engagée par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de préparatrice en pharmacie a été licenciée. Elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et en rappel de salaires pendant la période de protection.
Elle a soutenu le fait que son licenciement était nul dès lors que l'employeur avait connaissance de son état de grossesse dont il a même fait état dans la lettre de licenciement.
La cour d'appel, qui a constaté que la salariée n'avait commis ni faute lourde, ni faute grave, a refusé de prononcer la nullité du licenciement au prétexte que « la protection n'est prévue que pendant l'intégralité des périodes de suspension de travail et il n'est pas établi que le licenciement soit intervenu pendant cette période ».
Elle a formé un pourvoi en cassation en invoquant que la protection de la salariée en état de grossesse court dès que l’employeur a connaissance de cet état, et non uniquement pendant la période de suspension du contrat de travail, de sorte que la cour d’appel a violé l’article L. 1225-4 du code du travail.
La question du point de la départ de la protection de la salariée en état de grossesse était ainsi posée à la Cour de cassation.
Sans surprise, la Cour de cassation vise l’article L. 1225-4 du code du travail (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), invoquée par la salariée dans son pourvoi :
« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa ».
Le principe posé par ce texte est donc l’interdiction pour l’employeur de licencier une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, pris ou non, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes (l’actuel article L. 1225-4 du code du travail fixe à dix semaines cette période).
Les deux exceptions à ce principe restent inchangées selon qu’il s’agisse de la rédaction antérieure ou actuelle de l’article L. 1225-4, alinéa 2, du code du travail : d’une part, la commission d’une faute grave, non liée à l’état de grossesse, et d’autre part, l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.
En l’occurrence, le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et la salariée invoquait la connaissance que l’employeur avait de son état de grossesse.
La Cour de cassation en conclut que le point de départ de la protection de la salariée enceinte est la connaissance par l’employeur de l’état de grossesse de la salariée, et ce nonobstant le fait que cette date se situe en dehors des périodes de suspension du contrat de travail.
La salariée est donc protégée dès que l’employeur a connaissance de son état de grossesse.
Il faut savoir aussi, en marge de cet arrêt, que la salariée en état de grossesse bénéficie également d’une protection dans l’hypothèse où l’employeur ignorait la grossesse au moment du licenciement.
Dans ce cas, la salariée peut obtenir la nullité du licenciement en lui adressant, dans un délai de 15 jours à compter de sa notification, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (articles L. 1225-5 et R. 1225-2 du code du travail).
Jérémy DUCLOS
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail
https://www.duclos-avocat.com/