Le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal : application en droit du travail

Publié le Modifié le 27/04/2019 Vu 2 235 fois 0
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Le salarié qui commet (ou qui est soupçonné de commettre) une infraction pénale au cours de l’exécution de son contrat de travail s’expose à deux risques.

Le salarié qui commet (ou qui est soupçonné de commettre) une infraction pénale au cours de l’exécution

Le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal : application en droit du travail

Le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal: application en droit du travail

Le salarié qui commet (ou qui est soupçonné de commettre) une infraction pénale au cours de l’exécution de son contrat de travail s’expose à deux risques : un licenciement pour faute grave (ou faute lourde) et une comparution devant la juridiction pénale.

Un troisième évènement peut avoir lieu : l’enclenchement d’une procédure prud’homale par le salarié qui conteste avoir commis l’infraction pénale pour laquelle l’employeur a prononcé son licenciement pour faute.  

L’enchevêtrement des procédures judiciaires, l’une pénale, l’autre civile, pose ainsi classiquement la question de l’autorité de la décision du juge pénal sur le juge civil, précisément dans le cas où la juridiction répressive déclare que le salarié n’a commis aucune infraction pénale (décision de relaxe, devant le tribunal correctionnel).

Le licenciement pour faute grave du salarié qui a été relaxé des faits qui lui ont été reprochés par son employeur est-il fondé ?

Dans un arrêt du 06 mars 2019 (n° 17-24.701), la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que le licenciement pour faute grave du salarié qui a obtenu une décision de relaxe devenue définitive concernant les faits reprochés par son employeur est sans cause réelle et sérieuse.

Dans les faits, une salariée embauchée en qualité de caissière dans un supermarché a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave par son employeur qui lui reprochait de voler la marchandise du magasin. A la suite du dépôt de plainte de son employeur, elle a été relaxée par le juge pénal des faits de vol pour lesquels elle était poursuivie.

La décision de relaxe dont elle a pu bénéficier tient à ce que les articles en cause, qui étaient les mêmes que ceux visés dans la lettre de licenciement, avaient été retirés de la vente et mis à la poubelle dans l'attente de leur destruction, car impropres à la consommation.

La Cour de cassation se fonde sur le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal pour évincer la décision de la cour d’appel pour qui le licenciement pour faute grave était justifié, nonobstant la décision de relaxe du juge pénal obtenue par la salariée et pour les mêmes faits que ceux visés dans la lettre de licenciement.

Cette solution vient compléter les nombreuses décisions de la Cour de cassation sur l’application en droit du travail du principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal (Cass. Soc. 7 mai 2014, n° 13-14.465 : sur des faits relatifs à des écarts de caisse et des erreurs de gestion ayant fait l'objet d'une décision de relaxe par la juridiction pénale ; Cass. Soc., 12 octobre 2016, n° 15-19.620 : la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale).

L’application de ce principe peut toutefois être écartée au profit de l’autorité du pouvoir de direction de l’employeur dans deux cas : d’une part, en présence d’une décision de relaxe intervenue en l’absence d’élément intentionnel ; d’autre part, lorsque la lettre de licenciement mentionne d’autres griefs que ceux pour lesquels le salarié a bénéficié d’une décision de relaxe.

Tout d’abord, en cas de décision de relaxe intervenue en l’absence d’élément intentionnel, le licenciement peut être justifié dans la mesure où le salarié, sans avoir commis une infraction pénale, n’a pas respecté les instructions de son employeur. Nonobstant la relaxe du chef de vol intervenue en raison de l’absence d’intention frauduleuse, le licenciement est fondé lorsqu’il est établi que le salarié a emporté à son domicile un certain nombre de documents en contradiction avec les instructions de son employeur (Cass. Soc., 14 novembre 1991, n° 90-44.663)

Ensuite, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement, le juge du travail peut retenir d’autres faits que ceux ayant donné lieu à une décision de relaxe (Cass. Soc., 17 octobre 1995, 92-41.502), à condition que les autres griefs formulés par la lettre de licenciement ne soient pas établis (Cass. Soc., 10 février 2010, n° 08-44.585).   

Au final, le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal ne dispose que d’une application limitée en droit du travail dès lors que l’employeur, au soutien d’une mesure de licenciement, et face à une décision de relaxe, peut invoquer des griefs qui n’ont pas fait l’objet d’une qualification pénale et qui ne sont donc pas susceptibles, comme tels, d’être écartés par la juridiction pénale.

Me Jérémy DUCLOS

Avocat à la Cour

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