La démission est un mode traditionnel de rupture unilatérale du contrat de travail par lequel le salarié marque sa volonté de mettre fin à la relation de travail de manière claire et non équivoque, sans qu’elle soit nécessairement motivée (Cass. Soc., 22 juin 1994, n° 03-42.143).
Elle se distingue de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, mode plus contemporain de rupture, qui consiste pour le salarié à rompre immédiatement le contrat de travail en raison des griefs qu’il reproche à son employeur (Cass. Soc., 30 janvier 2018, n° 06-14.218).
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail peut produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs invoqués par le salarié sont fondés. De son côté, la démission peut être requalifiée en prise d’acte si elle est motivée, c’est-à-dire assortie de griefs portés à l’encontre de l’employeur (Cass. Soc., 30 octobre 2007, n° 06-43.327).
Il est également possible pour le salarié de faire requalifier sa démission notifiée sans réserve en prise d’acte de la rupture lorsqu’il remet en cause sa démission ultérieurement en raison des manquements de son employeur. Cependant, pour qu’elle soit accueillie par le juge du travail, cette requalification doit répondre à certaines conditions.
Un salarié peut-il valablement se prévaloir d’une requalification de sa démission en prise d’acte en cas de rétractation cinq jours plus tard, par une lettre adressée à son employeur et invoquant des griefs à son encontre ?
Dans un arrêt du 20 novembre 2019 (n° 18-25.155), la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de la requalification d’une démission émise sans réserve en prise d’acte de la rupture compte tenu de la rétractation par le salarié cinq jours plus tard, par l’envoi d’une lettre invoquant des griefs à l’encontre de son employeur, ce dont il résultait l’existence de circonstances contemporaines de la démission la rendant équivoque.
Le salarié soutenait que son employeur l’avait incité à démissionner, raison pour laquelle il s’est rétracté de sa démission. Cependant, les juges du fond ont considéré que sa rétractation dans un court délai ne suffit pas à elle seule à démontrer que sa volonté de mettre fin unilatéralement au contrat de travail a été viciée par des pressions extérieures. Ils se sont ainsi prononcés défavorablement à la demande de requalification de la démission en prise d’acte.
Pour la Cour de cassation, les griefs invoqués par le salarié sont contemporains à la démission, ce qui la rend équivoque et, partant, recevable à l’opération de requalification en prise d’acte. Dans ce cas, les juges du fond doivent se prononcer sur les griefs invoqués par le salarié à l’appui de sa prise d’acte.
Il s’agit d’une application stricte et sans concession de la jurisprudence établie en cette matière depuis plus de dix ans : « lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, que celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission » (Cass. Soc., 9 mai 2007, n° 05-41.324, 05-41.325 ; Cass. Soc., 19 décembre 2007, n° 06-42.550).
Il n’en reste pas moins que si le salarié souhaite effectivement pouvoir profiter de l’opération de requalification prétorienne ainsi admise, il ne doit pas tarder à se manifester auprès de son employeur (Cass. Soc., 8 juin 2017, n° 16-16.024, sur le rejet des réclamations du salarié intervenues plus de six mois après sa lettre de démission).
Inversement, les reproches formulés par le salarié à son employeur dès le lendemain de sa lettre de démission, confirmés dans un second mail quelques jours plus tard, ne sont pas nécessairement de nature à entrer en voie de requalification s’ils ne sont pas antérieurs ou contemporains à la démission (Cass. Soc., 24 avril 2013, n° 11-28.398).
Me Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour