Requalification du CDD en CDI en cas d’imprécision du motif de l’embauche

Publié le 18/06/2017 Vu 1 958 fois 0
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Dans quel cas le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée peut-il être jugé comme étant imprécis ?

Dans quel cas le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée peut-il être jugé comme étan

Requalification du CDD en CDI en cas d’imprécision du motif de l’embauche

Dans quel cas le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée peut-il être jugé comme étant imprécis ?

Dans un arrêt du 9 juin 2017 (n° 15-28.599), la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la validité de contrats de travail à durée déterminée au regard de l’indication du motif de l’embauche, et plus particulièrement sur le critère de l’accroissement temporaire de l’activité et du remplacement d’un salarié en cas d’absence.

L’article L. 1242-12 du code du travail prévoit que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. Dans ce dernier cas, le salarié peut donc saisir la juridiction prud’homale d’une action en requalification judiciaire du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

La liste des cas dans lesquels le contrat de travail à durée déterminée peut être conclu est fixée à l’article L. 1242-2 du code du travail, étant précisé que seule l’exécution d’une tâche précise et temporaire permet la conclusion de ce type de contrat, excluant ainsi toute forme générale et permanente de la relation de travail.

Le formalisme exigé à la conclusion du contrat de travail à durée déterminée répond directement au principe édicté par l’article L. 1221-2 du code du travail suivant lequel le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. Le contrat de travail à durée déterminée ne serait alors qu’une forme atypique de mise au travail et soumise, comme telle, à des conditions plus rigoureuses au stade de la conclusion.

Le premier moyen soulevé dans l’arrêt concerne le motif tiré de l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, spécifiquement visé à l’article L. 1242-2 du code du travail. La Cour de cassation indique que le surcroît d’activité lié à l’augmentation de la couverture téléphonique constitue un motif précis exigé par les articles L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail.

Sur ce point, la jurisprudence a précisé qu’il n’est pas nécessaire que l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, présente un caractère exceptionnel et le salarié recruté ne doit pas nécessairement être affecté à la réalisation de ces tâches (Cass. Soc., 23 février 2005, n° 02-40.336

Les deuxième et quatrième moyens réunis sont consacrés à la définition précise du motif du contrat de travail à durée déterminée. Aussi l’indication selon laquelle le contrat a été conclu pour «une opération de télé vente et permanence téléphonique» ou pour «la réorganisation du service transport» ne constitue pas l’énonciation d’un motif précis.

En effet, la formulation de tels motifs revêt un caractère trop général et imprécis pour pouvoir justifier la nécessité de conclure un contrat de travail à durée déterminée et non pas un contrat de travail à durée indéterminée. Surtout, il ne renvoie à aucun des cas de recours au contrat de travail à durée déterminée limitativement énumérés à l’article L. 1242-2 du code du travail. Il ne ressort pas du motif allégué un quelconque accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

La précision du motif permet ainsi de légitimer le recours à un contrat de travail limité dans le temps. En l’occurrence, le motif invoqué par l’employeur laisse un doute sur le fait que le poste pourvu est lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ce qui exclut donc le recours au contrat de travail à durée déterminée.

Enfin, à l’occasion du troisième moyen de l’arrêt, la Cour de cassation a énoncé, au visa de l’article L. 1242-12 1° du code du travail, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour le remplacement d’un seul salarié absent. Le principe n’est pas nouveau, la Cour de cassation ayant déjà eu l’occasion de l’énoncer de manière similaire par le passé (Cass. Soc., 28 juin 2006, n° 04-40.455). 

La cour d’appel a été censurée en raison de la contradiction relevée entre le fait que le contrat a été conclu pour pallier durant la période de congés les absences d’une salariée permanente identifiée et le motif indiqué au contrat de travail qui était celui « des remplacements partiels successifs durant les congés payés de la période estivale », traduisant l’existence d’un remplacement de plusieurs salariés absents.

Or non seulement la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée doit s’opérer, le cas échéant, pour le remplacement d’un seul salarié absent, mais en plus, la personne remplacée doit être identifiée par son nom et sa qualification professionnelle au sein du contrat de travail à durée déterminée.

Dès lors, la Cour de cassation sanctionne le défaut de précision du motif du recours au contrat de travail à durée déterminée plus d’un point de vue strictement rédactionnel, au stade de la conclusion du contrat que sur le plan matériel, au niveau de son exécution.

En d’autres termes, dans cette hypothèse, le principe de réalité ne permet ni d’écarter l’erreur de rédaction inscrite au contrat, ni d’empêcher l’opération de requalification judiciaire du contrat de travail.

Au demeurant, le contrôle judiciaire particulièrement minutieux opéré sur la conclusion du contrat de travail à durée déterminée se justifie par la précarité inhérente à l’existence de ce type de contrat qui ne doit avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Me Jérémy DUCLOS

Avocat à la Cour

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