ADWORDS ET LE RISQUE DE CONTREFAÇON

Publié le 24/05/2013 Vu 3 162 fois 0
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Le service Adwords de Google n’en finit plus de faire parler de lui. Alors que l’utilisation de marques comme mots clés semblait admise, la jurisprudence s’est encore affinée. Après un arrêt du 25 septembre 2012 de la Cour de cassation où elle faisait application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, elle a confirmé sa position par un nouvel arrêt du 29 janvier 2013. L’utilisation du service de Google ne se fait toutefois pas en toute impunité comme nous l’a appris un récent jugement du tribunal de grande instance de Paris.

Le service Adwords de Google n’en finit plus de faire parler de lui. Alors que l’utilisation de marques co

ADWORDS ET LE RISQUE DE CONTREFAÇON

En l’espèce, le tribunal de grande instance a condamné l’annonceur dans un jugement du 22 novembre 2012, et non pas Google, pour l’utilisation de marques comme mots clés. Elle constituait un risque de confusion dans l’esprit du consommateur normalement informé. Ce jugement rappelle que si Adwords est généralement hors de cause en tant qu’hébergeur, les titulaires de marques peuvent toujours assigner les annonceurs qui sont réellement à l’origine de l’utilisation éventuellement frauduleuse de marques.

La difficulté, récurrente, est de déterminer à partir de quel moment l’utilisation d’une marque comme mot clé porte atteinte à l’intérêt d’une personne, ainsi que de savoir sur qui repose la responsabilité au cas où le détournement de la marque est constaté. La Cour de cassation fait habituellement application de la directive communautaire 89/104 du 21 décembre 1988 relative aux marques.

Le jugement du tribunal de grande instance s’ajoute à nombre de décisions. La Cour de justice de l’Union européenne, depuis un arrêt du 23 mars 2010, prône par exemple une approche casuistique de la question. La Cour répondait à une question préjudicielle posée par la Cour de cassation à l’occasion d’un arrêt du 20 mai 2008 qui portait aussi sur le service Adwords de Google. Peu avant que la Cour de cassation ne le fasse, la cour d’appel de Lyon a fait application de la jurisprudence communautaire dans un arrêt du 22 mars 2012 pour écarter la responsabilité de Google dans une affaire similaire. Le jugement de novembre 2012 quant à lui fait écho à un arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 juillet 2012 condamnant un client de Google pour concurrence déloyale et parasitisme.

La Cour de cassation a d’ailleurs confirmé sa position quant à l’utilisation de marques comme mots clés par un arrêt de sa chambre commerciale rendu le 29 janvier 2013.

L’abondance des arrêts trahit la difficulté éprouvée par les juges pour qualifier l’activité de référencement proposée spécifiquement par Adwords (I) qui n’est pas sans conséquence sur la détermination de la responsabilité des différents acteurs (II).

I - La difficile qualification des moteurs de recherche

Le juge communautaire se livre à une description intéressante et technique d’Adwords afin de pouvoir mieux déterminer son rôle et son implication dans les affaires impliquant ce service de Google. Cette définition communautaire (A) sert alors de base à l’analyse casuistique que fait le juge interne depuis (B).

A - La définition communautaire du service de référencement Adwords

La question préjudicielle posée par la Cour de cassation en 2008 a eu l’avantage de clarifier bien des points, à commencer par Adwords lui-même. Il était effectivement difficile de déterminer jusqu’à quel point Google était impliqué dans le choix des mots clés et jusqu’à quel point, par conséquence, il pouvait être responsable).

La Cour décrit Adwords comme « un service de référencement payant [qui] permet à tout opérateur économique, moyennant la sélection d’un ou de plusieurs mots clés, de faire apparaître, en cas de concordance entre ce ou ces mots et celui ou ceux contenus dans la requête adressée par un internaute au moteur de recherche, un lien promotionnel vers son site. » Ce qui importe surtout est que le service est payant et que « Google a mis au point un processus automatisé pour permettre la sélection de mots clés et la création d’annonces. Les annonceurs sélectionnent les mots clés, rédigent le message commercial et insèrent le lien vers leur site ».

La Cour indique qu’il faut considérer, pour déterminer la responsabilité, le comportement du moteur de recherche. S’il est simplement technique et automatique, sans contrôle des données stockées, la responsabilité du moteur de recherche ne peut être retenue. C’est au juge interne d’apprécier ensuite le rôle de l’opérateur et de déterminer au cas par cas s’il est neutre ou non.

La décision est également basée sur la directive 89/104 du 21 décembre 1988 relative aux marques dans l’Union européenne qui réglemente l’usage des marques au sein de l’Union. Elle dispose à l’article 5, « droit conféré par les marques », que « le titulaire [d’une marque] est habilité à interdire à tout tiers […] de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque ». En l’occurrence, c’est le risque premier et le reproche fait à Adwords. Néanmoins, les juges estiment en règle générale que la confusion n’est pas possible dans la mesure où les liens générés par Adwords sont clairement identifiables.

Comme l’indique la Cour de justice de l’Union, le juge interne se livre ensuite à une analyse in concreto, au cas par cas, dont résultent des solutions différentes selon les affaires. Il est alors délicat de construire une typologie de sa jurisprudence.

B - Une analyse casuistique opérée par le juge interne

Dans l’arrêt du 25 septembre 2012 la Cour de cassation, comme la cour d’appel, fait une exacte application des prescriptions du juge de l’Union. Elle constate que les mots clés utilisés sont identiques aux marques protégées, mais que les annonces « sont classées sous la rubrique “liens commerciaux” » et qu’elles « s’affichent sur une colonne nettement séparée de celle afférente aux résultats naturels de la recherche effectuée, avec ces mots clés, sur le moteur de recherche de Google ». La Cour souligne également que les résultats litigieux utilisent des termes génériques.

Dans son arrêt du 29 janvier 2013, la Cour confirme sa position en rappelant le critère du risque de confusion pour un client normalement informé. Il semble que la Cour de cassation en fasse un critère unique, sauf à constater un acte déloyal de la part de l’annonceur. En effet, si le risque de confusion n’était pas caractérisé mais qu’il y a acte déloyal, la responsabilité de l’annonceur pourrait tout de même être recherchée. En revanche, le rôle passif d’Adwords, assimilé en l’espèce à un hébergeur, exclut sa responsabilité.

L’analyse de la Cour de justice de l’Union européenne est clairement reprise ici et le juge de la cassation souligne finalement que la confusion n’était pas possible.

La logique appliquée en l’occurrence amène à moduler le régime de responsabilité pour réduire voire exonérer de sa responsabilité le moteur de recherche. Les directives communautaires vont aussi en ce sens et la responsabilité porte davantage sur les clients d’Adwords que sur le service lui-même lorsqu’une contrefaçon ou un parasitisme est qualifié. Le jugement du tribunal de grande instance de Paris 22 novembre 2012 le confirme.

II - La responsabilité des différents acteurs

À la lecture des différentes décisions, il semble que la responsabilité devrait en principe être partagée. En réalité, en s’appuyant sur le critère du risque de confusion pour le client comme élément déterminant (A) la répartition de la responsabilité (B) est déséquilibrée au profit de l’un des protagonistes. Google et son service Adwords se trouvent ainsi protégés et leur responsabilité semble difficile à rechercher.

A - Le critère du risque de confusion : élément déterminant

Les juges s’appuient en général sur cet élément pour fonder leurs décisions. Il convient alors de rechercher si le risque de confusion pour l’utilisateur normal de nature à lui faire croire qu’il sera effectivement redirigé vers un site de la marque. En ce cas, la contrefaçon et le parasitisme peuvent être retenus à l’encontre de l’auteur de ces liens, dans les conditions qui seront exposées ensuite.

La cour d’appel de Paris en a jugé ainsi dans un arrêt du 13 juillet 2012. Le juge a fait application non seulement de la directive 89/104 sur l’usage des marques, mais également de l’interprétation qui en est fournie par le juge communautaire. Avant même l’arrêt de la Cour de cassation, la cour d’appel a décidé que les mots clés de l’espèce généraient « nécessairement une confusion dans l’esprit de la clientèle ».

Restant fidèle à la jurisprudence communautaire, la Cour en a déduit un acte de concurrence déloyale ainsi qu’un acte de parasitisme, « du fait de l’immixtion dans le sillage économique de la société ». Car il semble bien qu’il faille que la société utilisatrice du service Adwords en tire un bénéfice au détriment de la société propriétaire de la marque protégée, afin que le parasitisme soit effectivement qualifié.

Par son jugement du 22 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a un raisonnement sensiblement différent. L’utilisation de termes génériques semblait précisément exclure le risque de confusion, comme c’est le cas dans l’arrêt de la Cour de cassation du 25 septembre 2012. Le tribunal retient en l’espèce que l’utilisation de termes génériques pour décrire les services ne permet pas de déterminer qui en est l’éditeur. Toutefois, le jugement va plus loin en constatant que le site prête aussi à confusion. Le débat sur l’utilisation de termes génériques par les annonceurs client de Adwords devrait être relancé par ce jugement.

Quoi qu’il en soit, un tel mécanisme vise évidemment à protéger le consommateur, puisque c’est lui qui est susceptible de commettre une confusion. Il est donc logique en un sens que ce soit le professionnel qui cherche à l’atteindre qui soit responsable avant le propriétaire du service qui n’est finalement qu’un support au message commercial.

B - La répartition de la responsabilité

Dans tous les cas, il semble de moins en moins envisageable de rechercher la responsabilité de Google. La Cour de justice de l’Union a basé son raisonnement, pour ce qui est de ce point, sur la directive 2000/31/CE relative au commerce en ligne. C’est le comportement du moteur de recherche qui importe. Dans ce cas, c’est un régime de responsabilité limité, mais qui, en pratique, revient quasiment à écarter la responsabilité de Google en l’espèce et probablement d’autres moteurs de recherches proposant ce genre de services.

En théorie, une responsabilité limitée, et donc sans doute partagée doit s’appliquer. Dans le cas où la confusion pour le consommateur serait qualifiée, il serait possible de rechercher la responsabilité du moteur de recherche, mais également celle du site vers lequel les liens renvoient, puisque l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 23 mars 2010 retient que « les annonceurs sélectionnent les mots clés, rédigent le message commercial et insèrent le lien vers leur site ».

Le juge en tire une responsabilité pour les sociétés utilisant le service Adwords. En revanche, puisque le service est « un processus automatisé pour permettre la sélection de mots clés et la création d’annonces », la responsabilité du moteur de recherche est beaucoup plus délicate à retenir et le juge ne s’y risque d’ailleurs pas. L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 juillet 2012 et le jugement du 22 novembre 2012 du tribunal de grande instance de Paris vont d’ailleurs en ce sens, en attendant que la Cour de cassation se prononce sur la responsabilité des annonceurs.

Sources :

-          Liens promotionnels et utilisation de mots clés identiques à des marques : http://www.net-iris.fr

-          Directive européenne du 89/104 du 21 décembre 1988 : http://eur-lex.europa.eu

-          www.legalis.net

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