La réponse à cette question n'est pas aussi évidente qu'il y paraît, comme en témoigne cet arrêt rendu le 23 mars 2022 par la première chambre civile de la Cour de cassation.
En l'espèce, une personne avait institué plusieurs légataires universels et consenti divers legs à titre particulier par testament authentique daté du 17 décembre 2013 confirmé par un codicille du 13 décembre 2014. L'une des légataires à titre particulier était employée en qualité d'auxiliaire de vie à domicile du testateur.
À la suite du décès survenu le 22 janvier 2016, la légataire sollicita la délivrance de son legs auprès des légataires universels, qui la lui refusèrent.
Par un arrêt du 12 juin 2019, la cour d'appel de Paris prononça la décharge de l'obligation de délivrance du legs au motif qu'entre le jour où le testament avait été rédigé et le jour où le décès était intervenu, l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF) était entré en vigueur.
Ce texte prévoyait en effet, dans sa version en vigueur au jour du décès, l'impossibilité pour les employés à domicile accomplissant des services à la personne de profiter des dispositions à titre gratuit entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par les personnes qu'ils accompagnent pendant la durée de cet accompagnement. Pour la cour d'appel, « c'est à la date de la libéralité qu'il y a lieu de rechercher si le légataire avait une qualité l'empêchant, au jour du décès du testateur, de recevoir ». Or les juges du fond ont relevé que la légataire était, à la date du testament authentique, employée en qualité d'auxiliaire de vie à domicile. Ils en ont déduit que « le legs à titre particulier consenti à son profit se heurte à l'interdiction résultant de ce texte ».
La cour d'appel a cependant éludé la question de l'application dans le temps de l'article L. 116-4 du CASF. Partant du principe que ce texte était pleinement applicable à l'espèce, elle a simplement recherché si, au jour de la rédaction du testament, la légataire revêtait une qualité lui interdisant de recevoir.
C'est cette méconnaissance des principes d'application de la loi dans le temps que lui reproche le moyen du pourvoi et qui justifie la censure de la Cour de cassation. Il ne suffisait pas de déterminer la version du texte applicable au jour du décès (donc abstraction faite des dispositions de l'ordonnance du 10 février 2016 qui l'ont modifié). Il fallait, plus largement, s'interroger sur l'applicabilité même de ce texte qui n'est entré en vigueur que le 30 décembre 2015, soit entre la rédaction du testament et le décès du testateur.
Au visa de l'article 2 du code civil, la Cour de cassation rappelle que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif. Elle en déduit « qu'en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus ». Or, « au jour de l'établissement du testament, l'article L. 116-4, alinéa 2, du code de l'action sociale et des familles n'était pas en vigueur ».
L'arrêt d'appel est ainsi cassé pour violation de l'article 2 du code civil. Quoiqu'elle porte sur l'interdiction résultant de l'article L. 116-4 du CASF, la cassation entraîne par voie de conséquence la censure des dispositions relatives à la décharge de délivrance du legs et aux pénalités et majorations fiscales.
L'auxiliaire de vie à domicile est donc apte à recevoir son legs car, au jour où le testateur a rédigé son testament, l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles n'était pas en vigueur.
I. Consentement
A. Un disposant sain d’esprit
L'insanité d'esprit est une cause autonome de nullité de l’engagement (Code civil, article 901 et 414-1), qui ne recoupe pas les vices du consentement (Code civil, article 1129). Elle se distingue également de l’altération des facultés mentales envisagée par la loi comme source d’ouverture d’un régime de protection de certains majeurs (Civil Code, Art. 901). Elle a vocation à jouer notamment lorsqu’un tel régime n’a pas été mis en place.
Preuve de l’insanité d’esprit – La preuve de l'insanité d'esprit d'un disposant peut, en principe, être administrée par tous les moyens que la juridiction saisie apprécie souverainement. Son administration peut être une source de difficultés dans la mesure où elle porte sur des faits allant à l'encontre des énonciations d'un acte authentique comportant une libéralité, ou susceptibles d'être couverts par le secret professionnel, comme le contenu d'un certificat médical. Il convient également de tenir compte de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. La charge de la preuve incombe, en tout état de cause, à celui qui conteste la validité d'une libéralité sur le fondement de l'article 901.
B. Une volonté dénuée de vices du consentement
L'erreur sur la personne du bénéficiaire ou sur une simple qualité supposée de ce dernier peut affecter la validité d'un acte à titre gratuit dans la mesure où cette qualité se révèle être le motif déterminant de la libéralité. Il s’agit alors, au sens de l'article 1134 du Code civil, d’un acte conclu « en considération de la personne ». Ainsi, alors qu’en principe l’erreur sur un simple motif – autre qu’une qualité essentielle de la personne ou de l’objet de la prestation due – n’est pas une cause de nullité (Code civil 1135, al. 1er), il en va différemment en matière de libéralité lorsque le motif a été déterminant (Code civil 1135, al. 2).
Par ailleurs, l'erreur de droit ou de fait sur des qualités essentielles de la chose donnée ou léguée paraît constitutive d'un vice du consentement affectant la validité de cette libéralité (Code civil 1132).
Le dol peut procéder de manœuvres frauduleuses ou d’une simple réticence dolosive (Code civil 1137). En principe, il ne peut provenir que de l’un des cocontractants ou, par extension, du légataire bénéficiaire du testament. Il est toutefois admis que le dol peut provenir d’un tiers, non seulement lorsqu’il est de connivence avec le cocontractant, mais encore lorsqu’il représente celui-ci ou agit pour son compte par le biais d’une gestion d’affaires, d’un lien de préposition ou d’une promesse de porte-fort (Code civil 1138). Pour que la nullité de l’acte soit retenue, il faut que la manœuvre dolosive ait eu un effet déterminant dans la réalisation de la libéralité (Code civil 1130). Il en va spécialement ainsi lorsque le disposant est une personne qui présente, en raison de son âge ou de son état dépressif, une fragilité psychologique dont les gratifiés ont su profiter pour l'amener à tester en leur faveur.
La violence, pour être cause de nullité d'une disposition à titre gratuit doit, quel qu'en soit l'auteur, paralyser la liberté d'agir du disposant (Code civil 1140). Elle peut se manifester par une contrainte matérielle ou morale. Depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le Code civil admet qu’« il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif » (Code civil 1143). Ainsi, les hypothèses de captation d’héritage sont susceptibles de relever tant du vice de dol que de celui de violence. Toutefois, la preuve de la captation est souvent facilitée par des dispositions spéciales instaurant une présomption irréfragable de captation.
II. Capacité juridique
A. Époque d'appréciation de la capacité
La donation étant un contrat, c'est au moment de sa conclusion que doit être appréciée la capacité des parties. Lorsque la donation est acceptée par acte séparé, l'exigence de capacité du donateur doit être satisfaite tant au moment où il consent la donation qu'à celui où l'acceptation lui est notifiée ; seule la date de l'acceptation déterminera en revanche la capacité du donataire (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Droit civil. Les successions. Les libéralités, Dalloz 4e éd. 2014, n° 327). Concernant les cas d'incapacité de jouissance fondés sur une présomption de captation, la capacité des deux parties, donateur et donataire, devra en revanche être vérifiée de l'offre de donation jusqu'à la notification de son acceptation (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, précités).
Le testament est un acte unilatéral qui ne produit d'effet qu'au décès du testateur, ce qui explique les règles suivantes :
- la capacité du testateur est requise lors de la rédaction du testament. Si le testateur est incapable à cette date, le testament est irrégulier ; peu importe que le testateur décède en état de capacité (CA Amiens 2-6-1919 : DP 1920 II p. 31). Inversement, le fait que le testateur décède incapable ne remet pas en cause la validité du testament rédigé alors qu'il était capable (en ce sens, Code civil, article 476, al. 4) ;
- la capacité du légataire est requise au jour du décès du testateur. Par exception, le légataire doit être aussi capable au moment où le testament a été établi lorsque l'incapacité en cause est, comme cela vient d'être évoqué pour les donations, une incapacité relative fondée sur une présomption de captation. Jugé ainsi que le legs fait par le pupille, devenu majeur, à son tuteur, avant la reddition du compte de tutelle, est nul, bien que le compte ait été ultérieurement rendu avant le décès du pupille (Cass. req. 27-11-1848 : S. 1848 I p. 11).
L'existence de l'incapacité de recevoir des employés de maison s'apprécie à la date du testament
B. Types de sanctions
Les incapacités de disposer ou de recevoir à titre gratuit sont généralement sanctionnées par la nullité relative :
- le droit d'agir appartient à la personne protégée, son représentant ou ses ayants cause universels ou à titre universel ;
- cette nullité est susceptible d'être confirmée : l'incapable qui ne l'est plus, ou ses successeurs universels peuvent confirmer la libéralité ;
- l'action en nullité doit être exercée dans un délai de 5 ans à partir du jour où l'incapacité a pris fin.
Il y a seulement réduction, et non nullité totale, lorsque la personne est frappée d'une incapacité partielle de disposer à titre gratuit. Par exemple, lorsqu'un mineur de plus de 16 ans a disposé par testament d'une quotité supérieure à celle autorisée par la loi, la libéralité est réduite à proportion de l'excédent, la réduction pouvant être demandée par tout héritier.
S'agissant d'une forme de nullité relative partielle, la réduction est soumise au délai de prescription de 5 ans. Le délai court à compter du décès du disposant, « seul jour où l'on peut savoir si la limite quantitative bornant l'incapacité a été franchie » (Rép. civ. Dalloz, voir Libéralités 1° Détermination et capacité des parties par I. Najjar et V. Brémond, n° 443).
Sont toutefois frappées de nullité absolue :
- les libéralités faites à des personnes futures ou incertaines ;
- les libéralités soumises à une autorisation administrative d'ordre public, lorsque cette autorisation n'a pas été obtenue ;
- les libéralités déguisées ou par personnes interposées faites à une personne incapable. Il s'agit en effet de sanctionner une fraude consistant à contourner une incapacité de recevoir (Cass. req. 5-5-1879 : DP 1880 I p. 145 note Ch. Beudant ; Cass. 1e civ. 3-4-1963 : D. 1964 p. 306).
Le délai de prescription - 5 ans - de l'action en nullité absolue et son point de départ - le jour où l'incapacité a pris fin - sont identiques à ceux de l'action en nullité relative.
Sources :