Or, il existait de tels contrats : l’assureur avait ainsi contacté les bénéficiaires pour les en informer. Néanmoins, l’un des bénéficiaires ignorait l’existence de tels contrats à son profit : il semble ressortir des faits que l’intéressé, qui était d’ailleurs placé sous curatelle, n’avait pas ouvert les courriers adressés par l’assureur.
Ledit majeur protégé n’avait donc pas déclaré le bénéfice de ces assurances-vie dans le délai légal de six mois, déclaration pourtant requise par l’article 292 A de l’annexe 2 du code général des impôts. Estimant n’avoir pas été informé de cette obligation déclarative, le majeur protégé, assisté de son curateur, a actionné le notaire en responsabilité, ce dernier ayant appelé en garantie l’assureur-vie. En appel, outre la responsabilité du notaire, les magistrats ont retenu que l’assureur devait garantir les condamnations à hauteur de 50 %. Le notaire a formé un pourvoi en cassation.
La cassation a finalement été prononcée, mais pas dans le sens attendu par le notaire : la Cour de cassation a en effet refusé de retenir la faute de l’assureur et a cassé l’arrêt d’appel pour ce qui concernait l’appel en garantie ; en revanche, la responsabilité du notaire a été confirmée. L’idée est simple : l’assureur n’est pas tenu de porter à la connaissance du notaire qui ne lui en a pas fait la demande, l’existence des contrats d’assurance sur la vie souscrite par le de cujus.
I) Sur la responsabilité civile du Notaire
Pour pouvoir être exercée, l’action dirigée contre un notaire doit obéir aux conditions classiques qui régissent la mise en œuvre de toute action en responsabilité : il faut une faute, un dommage, un lien de causalité entre la faute et le dommage.
A) Pour ce qui est de la faute du Notaire
Toute faute de négligence ou d’imprudence, même très légère, est donc susceptible de mettre en œuvre la responsabilité « notariale ». Les notaires sont tenus de « toutes leurs négligences et imprudences, dans les conditions du droit commun des articles 1382 et 1383 du Code civil », devenus 1240 et 1241 (Cass. 1re civ., 8 déc. 1947 : JCP N 1948, II, 4081).
La preuve de la faute notariale se présente tout d’abord comme une illustration de la flexibilité des règles de preuve. Conformément au droit commun, la charge de la preuve repose, en principe, sur le client demandeur (CPC, art. 9. – C. civ., art. 1353 nouveau). Puis, le notaire va se défendre en établissant soit l’absence de faute soit la présence d’un élément exclusif de sa responsabilité.
Les tribunaux adoptent ainsi une véritable théorie de la « faute virtuelle » : tout acte notarié qui n’atteint pas le but recherché fait présumer la faute du notaire, c’est-à-dire le plus souvent son défaut de compétence ou sa négligence. C’est donc à celui-ci d’établir qu’il n’a pas commis de faute s’il veut se décharger d’une éventuelle responsabilité.
Le manque de nouvelles du Notaire chargé de la succession du De cujus pourrait caractériser la preuve d’une négligence dans le traitement du dossier de la part du Notaire.
B) Quant au dommage
Le préjudice futur est également un préjudice certain, lorsqu’il apparaît qu’il doit nécessairement se produire, certes dans l’avenir, mais selon des modalités qui sont déjà vérifiables.
Dans le domaine de l’activité notariale, la perte d’une chance est souvent celle de n’avoir pu réaliser un acte à la date et aux conditions prévues : perte de chance d’obtenir des avantages fiscaux).
La perte d’une chance résulte en effet très fréquemment du manquement par le notaire à son obligation de conseil et d’information.
En matière de responsabilité notariale, comme dans le droit commun de la responsabilité, la chance perdue, pour ouvrir droit à réparation, doit être réelle et sérieuse et, fût-elle minime, à tout le moins raisonnable.
Les héritiers n’ayant plus de nouvelles de la part du Notaire manque de conseils et d’informations pour la suite dans la gestion de la succession.
En outre, par ce comportement du Notaire, les héritiers pourraient craindre d’éventuelles forclusions en ce qui concerne certains délais relatifs aux déclarations successorales (Vous êtes tenu de déposer une déclaration de succession (imprimés 2705, 2705-S et 2706) dans les 6 mois à compter de la date du décès s’il intervient en France). Un délai de 12 mois est prévu pour les décès intervenus hors de France (sauf cas particulier pour Mayotte et La Réunion).
Par conséquent, un préjudice de retard pourrait être caractérisé condamnant les héritiers présomptifs au paiement d’intérêts de retard.
C) Lien de causalité
Le notaire qui omet d’informer les héritiers de la nécessité de souscrire une déclaration de succession, fût-elle provisoire, et de verser un acompte sur les droits, commet une faute en relation causale avec le dommage subi par les héritiers, condamnés au versement de pénalités de retard (Cass. 1re civ., 6 mars 1984).
On ne saurait en effet obliger les notaires à réparer n’importe quels dommages, mais seulement ceux qui découlent directement de l’omission réelle ou supposée de leurs devoirs professionnels.
Le procès en responsabilité notariale est le plus souvent engagé par les clients de l’officier public.
La prescription de droit commun est désormais de cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (Code civil, article 2224, réd. L. n° 2008-561, 17 juin 2008).
II) Sur la responsabilité pénale du Notaire
A) Volet pénal
À l’opposé des infractions commises, par exemple, par des médecins, les crimes ou les délits reprochés aux notaires exigent, pour être constitués, la présence d’une faute intentionnelle. Il est question ici d’escroquerie, d’abus de confiance, de détournements de fonds, de violation du secret professionnel, de faux et d’usage de faux. Chacun de ces délits ou de ces crimes oblige à rechercher l’intention coupable.
Dès lors, pour pallier les inconvénients résultant de l’unité de la faute civile et pénale et faire échec à la primauté du criminel sur le civil, laquelle perdure pour les actions civiles en réparation du dommage causé par l’infraction (CPP, art. 4, mod. par L. n° 2007-291, 5 mars 2007), l’existence d’une faute non intentionnelle suffit.
La responsabilité pénale du notaire peut être engagée lorsque les fonds remis ont une origine frauduleuse et qu’il en a connaissance (Cass. crim., 4 nov. 1991 : Journ. not. 1992, art. 60583, note J. de Poulpiquet).
En outre, la responsabilité pénale du notaire et celle du clerc sont susceptibles d’être engagées s’il est établi que l’acte reçu par le clerc est constitutif d’un faux en écritures authentiques sanctionné par l’article 441-4 du Code pénal.
En l’espèce, si les héritiers veulent porter plainte pour les délits évoqués ci-dessus, ils devraient prouver le caractère intentionnel du Notaire. Alors qu’en ce qui concerne le volet civil, une faute non intentionnelle suffirait pour engager la responsabilité civile du Notaire.
B) Prescription civile et prescription pénale
Lorsque la faute revêt un caractère pénal, le juge civil n’est plus lié par les délais de prescription de l’action publique : en effet, la loi n° 80-1042 du 23 décembre 1980 (JO 24 déc. 1980), modifiant l’article 10 du Code de procédure pénale, a dissocié la prescription de l’action civile de celle de l’action publique.
Désormais, lorsqu’un même fait constitue à la fois une faute civile et une faute pénale, l’action civile exercée devant un tribunal civil se prescrit selon les règles du Code civil. En revanche, l’unité des prescriptions demeure, lorsque l’action en responsabilité est engagée devant une juridiction répressive.
Sources :