Dans la plupart des contrats informatiques sont incérés des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité, tout comme des clauses de prescription. Or il apparait que ces deux clauses ont vu leur avenir évoluer, en effet, la jurisprudence par un arrêt Oracle Faurécia en 2010 a énoncé une solution claire, mettant fin aux doutes qui régnaient en en matière de clause limitative ou exclusive de responsabilité, la clause relative à la prescription quant à elle, a subit une libéralisation grâce à la nouvelle loi sur la prescription.
Concernant tout d’abord la clause limitative ou exclusive de responsabilité (http://www.murielle-cahen.com/publications/clause_limitative.asp), celle-ci a pour objet d’exclure ou de limiter tout ou partie des responsabilités d’une partie à un contrat.
En principe, ces clauses sont valables, il est tout à fait possible de les incérer dans un contrat informatique, cependant, en présence d’une telle clause dans un contrat entre un professionnel et un consommateur, la clause sera réputée non écrite, étant considérée comme abusive(http://www.murielle-cahen.com/publications/p_contestationclause.asp) par l’article R 132-1 du code de la consommation.
De plus, ces clauses sont valables si le débiteur commet une faute peu sévère ou ordinaire, mais si le créancier démontre que le débiteur a commis une faute lourde ou dolosive alors la clause ne pourra plus s’appliquer.
La clause limitative ou exclusive de responsabilité peut aussi être rendue inefficace par l’influence du caractère essentiel de l’obligation. Sur ce point, la cour de cassation a rendu des décisions reflétant divers point de vue. La cour de cassation a alors rétablie, et réaffirmé de manière claire sa position dans un second arrêt Oracle Faurécia du 29 juin 2010, c’est alors cet arrêt qu’il sera opportun d’étudier pour comprendre le fonctionnement de la clause.
Concernant ensuite la clause de prescription, c’est le code civil à l’article 2254 qui énonce les conditions dans lesquelles les parties peuvent aménager de manière conventionnelle la prescription. Les clauses de prescription permettent d’aménager conventionnellement dans un contrat la prescription.
C’est la loi du 17 juin 2008 qui a permis aux parties d’aménager la prescription, elles pourront allonger ou abréger la durée de la prescription, mais aussi ajouter des causes de suspension ou d’interruption de la prescription. La loi souligne le fait que cette clause ne pourra pas s’appliquer pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées, et plus généralement aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à termes périodiques plus courts. De plus, l’article L137-1 du code de la consommation énonce que par dérogations les parties aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ne peuvent pas même d’un commun accord modifier la durée de la prescription ni même ajouter des causes de suspension ou d’interruption de celle-ci. Cette limitation a pour but de protéger le consommateur (http://www.murielle-cahen.com/publications/p_contestationclause.asp), qui pourrait se voir imposer une prescription courte par le professionnel, partie forte au contrat. D’ailleurs, cette limitation est reprise par l’article L114-3 du code des assurances.
L’ancien article 2220 du code civil ne permettait pas aux parties d’aménager la prescription, cependant la cour de cassation a pu l’admettre dans plusieurs arrêts.
Le législateur a introduit une nouvelle disposition libérale concernant la prescription, c’est pourquoi il est tout aussi important d’en étudier l’impact sur le régime contractuel.
Ainsi, il faudra tout d’abord observer l’impact de la nouvelle jurisprudence Oracle Faurécia sur les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité, notamment concernant la faute lourde et l’obligation essentielle dans un contrat informatique (I), pour ensuite étudier les conséquences de la libéralisation faite par la loi de 2008 sur les clauses de prescriptions (II).
Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité : l’appréciation de la faute lourde et de l’obligation essentielle du contrat
La réaffirmation de l’appréciation subjective de la faute lourde
La faute lourde permet de rendre inefficace la clause limitative de responsabilité, or par cet arrêt la cour de cassation vient confirmer, entériner sa position jurisprudentielle selon la quelle la faute lourde doit être appréciée objectivement.
Il apparait alors que la faute lourde va dépendre du comportement du débiteur, elle consiste en une erreur grossière. La cour de cassation adopte une appréciation subjective de la faute lourde, mais pendant longtemps la cour a adopté une appréciation objective de la faute lourde. Ainsi le seul moyen pour ne pas appliquer la clause limitative de responsabilité était d’invoquer la faute lourde ou le dol de son débiteur. Mais l’appréciation de la faute reposait sur l’interprétation de l’article 1150 du code civil qui énonce que « Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée ». Cette appréciation de la faute lourde dépendait plus précisément des deux déformations que subissait cet article : l’article avait été par la cour élargi puisque la faute lourde était devenue l’équivalent du dol, de plus l’inexécution d’une obligation essentielle était qualifiée de faute lourde dite objective.
La cour assimilait alors la faute lourde au manquement à une obligation essentielle. C’est par deux arrêts de la chambre mixte de la cour de cassation du 22 avril 2005 (Cass. ch. mixte, 22 avr. 2005, nos 02-18.326 et 03-14.112) que l’appréciation objective de la faute lourde a été rejetée.
En adoptant cette position la cour réaffirme que le simple manquement à une obligation essentielle ne peut pas suffire à caractériser une faute lourde, il faut caractériser un comportement grave du débiteur.
Clause limitative ou exclusive de responsabilité et obligation essentielle
Dans l’arrêt rendu par la cour de cassation le 22 octobre 1996, la cour avait retenu qu’en raison d’un manquement à une obligation essentielle la clause limitative de responsabilité qui contredisait la portée de l’engagement devait être réputée non écrite. Cependant au fil des jurisprudences on observe que les juges sont devenus de plus en plus stricts dans l’appréciation de la clause limitative ou exclusive de responsabilité. Ainsi le seul manquement à une obligation essentielle au contrat permettait de rendre nulle la clause.
L’arrêt du 29 juin 2010 Oracle Faurécia met un point final aux doutes émis concernant le lien existant entre l’obligation essentielle du contrat et la clause limitative de responsabilité.
En l’espèce il s’agissait d’une société qui avait conclu un contrat de licence (http://www.murielle-cahen.com/publications/p_contratlicence.asp),de maintenance (http://www.murielle-cahen.com/publications/p_maintenance2.asp) , de formation et un contrat de mise en œuvre d’un progiciel avec une société informatique. Une version provisoire a été installée mais la version définitive n’a jamais été livrée. C’est pourquoi la société n’a pas payé les redevances du prestataire.
La question qui se posait en l’espèce était de savoir si le manquement à une obligation essentielle suffisait à écarter la clause limitative de responsabilité.
La cour de cassation dans l’arrêt de 2010 vient mettre un terme à l’hésitation jurisprudentielle en précisant que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».
Par cette décision le juge devra alors se livrer à une analyse concrète du contenu contractuel afin de savoir si la limitation de responsabilité contredit ou non la portée de l’obligation essentielle du débiteur. Se sera alors au juge d’apprécier au cas par cas dans les contrats si l’indemnisation est ou non dérisoire.
La possible insertion d’une clause de prescription dans un contrat informatique : entre liberté contractuelle et limites légales
La consécration de la liberté contractuelle par la loi : la possible insertion d’une clause de prescription dans un contrat informatique
Bien que dans certains types de contrats les parties ne peuvent pas aménager la prescription, ni même organiser la suspension ou l’interruption de la prescription, dans la majorité des contrats cette possibilité est maintenant ouverte depuis la loi de 2008.
Ainsi l’article 2254 du code civil énonce en son alinéa premier le principe selon lequel il est possible de modifier de manière conventionnelle la durée de la prescription mais celle-ci doit être comprise entre un et dix ans. Les parties peuvent librement choisir la durée de prescription qui s’appliquera au contrat, durée qui doit seulement être comprise entre un et dix ans.
En étudiant l’article 2224 du code civil, il apparait alors que le départ de la prescription n’est pas fixe, puisqu’il commence au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait du connaitre les faits permettant d’exercer l’action. Donc le point de départ de la prescription recouvre un aspect subjectif, ce qui donne alors un pouvoir d’appréciation du point de départ de la prescription au juge. La loi reste cependant muette sur la possibilité de retarder le point de départ de la prescription, mais il serait logique puisque le législateur permet de mettre en place des moyens de suspension et d’interruption de la prescription, de permettre la possibilité de retarder le point de départ de la prescription ce qui aurait le même effet que de suspendre ou d’interrompre la prescription : retarder l’acquisition de la prescription. Ce qui serait alors encore un espace de liberté laissé aux contractants.
Il est encore possible, selon les termes de l’article 2254 du code civil, pour les parties d’aménager de manière conventionnelle les causes de suspension ou d’interruption de la prescription. L’évènement interruptif prévu par les parties permettra d’effacer le délai écoulé, et un nouveau délai identique recommencera à courir après cet évènement. Alors que la suspension empêche le délai de prescription de courir une fois l’obstacle levé le délai reprendra son cours. Les parties ont alors la possibilité de retarder la fin de la prescription, d’aménager des évènements susceptibles d’interrompre, ou de suspendre la prescription. C’est alors encore une fois une liberté laissé aux contractants.
Les limites envisageables à la liberté contractuelle concernant la clause de prescription dans un contrat informatique
Bien que la liberté d’encadrement de la prescription par les parties soit consacrée par la loi de 2008 certaines limites ont été posées par le législateur qui encadre notamment la durée, et a construit quelques limites concernant le consommateur, ou l’assuré. Mais d’autres limites peuvent aussi s’ériger contre la clause de prescription.
Par l’article L 442-6 du code de commerce on observe la volonté du législateur de lutter contre les obligations créant un déséquilibre significatif. Il alors intéressant de s’interroger sur l’impact de l’encadrement contractuel de la prescription, car cette clause apporte indéniablement un avantage à une des parties au contrat.
Avant la réforme cette question a été étudiée par la Commission des clauses abusives concernant les rapports entre professionnel et consommateur et celle-ci a jugé la clause comme étant abusive, c’est pourquoi la loi de 2008 n’a pas vocation à s’appliquer aux relations entre professionnels et consommateurs.
Mais pourtant cette réforme ne pourrait-elle pas créer un équilibre significatif entre les parties au contrat ?
Une autre limitation peut encore être soulevée, concernant le comportement dolosif du contractant. L’article 2254 du code civil ne précise pas si le comportement dolosif ou la faute lourde du titulaire de l’action qui profite de l’encadrement contractuel de la prescription peut permettre d’annuler la clause de prescription.
La faute lourde et le dol constituent des comportements qui selon la cour de cassation permettent de ne pas appliquer la clause limitative de responsabilité, il serait alors possible de penser que la cour de cassation pourrait revenir sur sa position et assimiler le régime de la clause de prescription à la clause limitative de responsabilité, et ainsi admettre qu’une faute lourde ou un dol permettrait d’écarter la clause de prescription. Il faudra alors attendre que la cour de cassation se reprononce sur ce point.
Les évolutions jurisprudentielles et légales permettent d’encadrer plus clairement le droit des contrats, de permettre aux parties d’organiser à leur guise leur contrat, tout en posant des limites nécessaires afin d’éviter les abus.
Les sources :
Revue Lamy Droit Civil - 2011 p.82, « Le point sur les clauses limitatives et exclusives de réparation en droit des contrats » Par Victoire LASBORDES de VIRVILLE Maître de conférences à l’Université de Versailles Saint-Quentin
Revue Lamy Droit Civil - 2010 p. 76 « Un pas de plus vers la formalisation de la jurisprudence Chronopost » Par Sébastien PIMONT Maître de conférences à l’Université de Savoie Centre de droit privé et public des obligations et de la consommation (CDPPOC)
Droit civil « les obligations » par Philippe MALAURIE et Laurent AYNES, 5ème édition, p. 528
Clause limitative de responsabilité : les conditions de validité - l'apport de l'arrêt Faurecia du 29 juin 2010 :http://www.mascreheguy.com/htm/fr/conseils/conseil_validite_clause_limitative_responsabilite.html
Revue Lamy Droit Civil - 2009 p. 60 « Nouveau régime de l’aménagement contractuel de la prescription civile » Par Reinhard DAMMANN Avocat à la Cour, Clifford Chance Et Aude KESZLER Avocat au Barreau de New York, Clifford Chance