Ces clauses auront souvent pour effet d’avantager un époux, par comparaison avec le résultat qu’eût donné la règle de principe (partage par moitié ; évaluation des biens au jour de la liquidation ; etc.), applicable en l’absence de clause ou sur le reliquat des biens après que la clause aura épuisée ses effets sur les biens qu’elle vise (article 1497 du Code civil).
Du partage par moitié entre les époux jusqu’à l’attribution intégrale toutes les combinaisons sont possibles.
visée par les articles 1515 à 1519 du Code civil, la clause de préciput est une convention offrant à l’époux bénéficiaire, en cas de survie, la faculté de prélever, avant le partage et sans qu’aucune contrepartie ne soit due, une certaine somme ou certains biens faisant partie de la communauté. La clause de préciput constitue une modalité de partage, à titre gratuit (à la différence de la clause de prélèvement :et à titre particulier (à la différence de la stipulation de parts inégales et de la clause d’attribution intégrale de la communauté.
La clause de préciput présente des intérêts identiques à ceux relevés au sujet de la clause de prélèvement moyennant indemnité. Elle présente, toutefois, un intérêt supplémentaire par rapport à cette dernière, à savoir son caractère gratuit.
La clause de préciput peut ainsi être utilisée afin de compenser des apports inégaux faits par les époux au moment du mariage, ou de permettre à l’époux entrepreneur de devenir propriétaire de son entreprise, de son fonds, de son exploitation, sans avoir à verser une quelconque indemnité, ou encore pour favoriser le conjoint survivant.
Également, l’article 1515 du Code civil prévoit que la clause de préciput peut être stipulée au bénéfice, soit de l’époux survivant, soit de l’un des époux nommément désignés s’il survit à son conjoint. En cas de dissolution de la communauté du vivant des époux, l’article 1518 du Code civil précise qu’« il n’y a pas lieu à la délivrance actuelle du préciput ; mais l’époux au profit duquel il a été stipulé conserve ses droits pour le cas de survie, sous réserve de l’article 265 ».
Concernant le préciput portant sur une certaine somme d’argent, celle-ci peut être déterminée ou seulement déterminable.
Concernant le préciput portant sur certains biens en nature, ceux-ci, meubles ou immeubles, doivent être individuellement désignés. Toutefois, des contestations peuvent surgir dans la mise en œuvre de la clause préciputaire.
En effet, il peut procurer un réel enrichissement à l’époux bénéficiaire, mais, en présence d’enfants non communs, peut le cas échéant être contesté par la voie de l’action en retranchement.
I) De la clause de préciput
A) Gain de survie
Le préciput ne paraît qu’être stipulé qu’au profit du survivant des époux, d’après les termes de l’article 1515 du Code civil. En théorie il est susceptible d’être maintenu au profit du survivant, malgré la survenance d’un divorce, par l’effet des articles 265 du Code civil et suivants.
En pratique, il est devenu rarissime, et inopportun de rencontrer des avantages matrimoniaux stipulés pour le cas de dissolution autres que le décès.
Autrement dit :
- Ou bien la communauté est dissoute par le décès de l’un des époux et le préciput offre immédiatement au survivant une faculté de prélèvement,
- Ou bien la communauté est dissoute par une autre cause, et le préciput est caduc par l’effet même des termes de la clause qui le contient.
Un doute subsiste cependant sur la possibilité de prévoir un préciput avec effet immédiat en cas de dissolution de la communauté du vivant des époux. Constituant ainsi un gain de survie, elle permet donc à l’époux bénéficiaire de réclamer au moment de la dissolution le bien objet du préciput.
B) Effets de la clause
L’article 1516 du Code civil tranche la question de la nature de la clause de préciput en précisant que le préciput « n’est point regardé comme une donation, soit quant au fond, soit quant à la forme, mais comme une convention de mariage et entre associés ».
La formule « entre associés », signifie, de manière un peu ambiguë, que la clause de préciput constitue une opération de partage, de sorte que l’époux bénéficiaire exerce la clause en qualité de copartageant et non de donataire.
C’est, du reste, cette nature d’opération de partage qui explique que l’époux bénéficiaire ne peut exercer le préciput que sur l’actif net commun. Elle explique également l’application de l’effet déclaratif du partage, de sorte que l’époux attributaire sera réputé être propriétaire du bien prélevé dès le jour de la dissolution de la communauté.
En outre, lorsque les époux sont mariés dans le cadre d’un régime communautaire, lors du décès de son conjoint, le conjoint survivant récupère, en plus de ses biens propres, la moitié des biens communs, et une part dans l’actif successoral.
La clause de préciput permet de récupérer une part plus importante. Par exemple, les époux peuvent prévoir que sera transmis un appartement ou une maison ou un contrat d’assurance-vie au conjoint survivant.
La clause de préciput peut concerner un bien immobilier ou mobilier, mais également un contrat d’assurance-vie qui a été alimenté par des fonds communs aux deux époux. La clause peut s’opérer en totale propriété, mais aussi en usufruit ou nue-propriété.
C) Nature de la clause
La question est de savoir si la clause de préciput constitue ou non un avantage matrimonial, susceptible de se voir appliquer l’action en retranchement prévue par l’article 1527 du Code civil. À cet égard, l’article 1527 du Code civil converge avec l’article 1516 du Code civil. Ce dernier, en effet, précise expressément que « le préciput n’est point regardé comme une donation, soit quant au fond, soit quant à la forme ». La clause de préciput sera donc, le cas échéant, soumise à l’action en retranchement.
II) La contestation de la clause préciputaire
A) Contester la clause de préciput par une action en retranchement
La loi limite l’efficacité des avantages matrimoniaux lorsque le conjoint décédé laisse des enfants d’un autre lit. Pour empêcher que ces enfants non communs soient indirectement déshérités par les avantages matrimoniaux que leur auteur a pu consentir à son conjoint survivant, ces avantages sont limités à la quotité disponible spéciale entre époux.
Ce qui excède cette quotité disponible est considéré, non comme un avantage matrimonial, mais comme une libéralité soumise à réduction (Code civil art. 1527, al. 2).
Les enfants non communs peuvent faire valoir leurs droits en exerçant une action en retranchement, qui est une forme d’action en réduction. Mais ils peuvent aussi renoncer, par avance, à exercer cette action avant le décès du survivant des époux, cette renonciation devant s’effectuer dans les formes prévues pour la renonciation anticipée à l’action en réduction par les articles 929 à 930-1 du Code civil (Code civil art. 1527, al. 3).
Par ailleurs, les avantages matrimoniaux sont délivrés sans que le conjoint survivant ait le choix. Il ne peut ni renoncer ni n’en prendre qu’une partie. Une libéralité à cause de mort est sur ce point plus intéressante : le conjoint survivant peut y renoncer (tout en conservant ses droits légaux s’il le souhaite) ; il peut aussi cantonner son émolument, c’est-à-dire qu’il peut, lorsqu’il est en concours avec des descendants, limiter la libéralité qui lui est faite (Code civil art. 1094-1, al. 2).
Cette absence de choix dans la mise en œuvre de l’avantage matrimonial peut mettre le conjoint survivant en difficulté. En présence d’un passif de communauté important, une communauté universelle avec clause d’attribution intégrale contraint le conjoint survivant à assumer des dettes qui peuvent être plus importantes que l’actif reçu.
B) Contester la clause de préciput qui empiéterait sur la réserve héréditaire
Selon l’article 912 issu de (L. no 2006-728 du 23 juin 2006), la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent.
L’action en réduction est une action spéciale par laquelle un héritier réservataire peut obtenir des bénéficiaires de libéralités consenties par le de cujus au-delà de la quotité disponible la restitution de la part excédentaire de ces libéralités afin de rétablir la réserve héréditaire qui a été entamée. En effet, la réserve héréditaire, telle que définie à l’article 912 du Code civil, est sanctionnée par la réduction des libéralités excédant la quotité disponible.
L’action en réduction est une action spéciale par laquelle un héritier réservataire peut obtenir des bénéficiaires de libéralités consenties par le de cujus au-delà de la quotité disponible la restitution de la part excédentaire de ces libéralités afin de rétablir la réserve héréditaire qui a été entamée. Son but, selon l’expression de Demolombe, « est de ramener finalement toutes les libéralités excessives au taux de la quotité disponible ».
C’est la seule sanction prévue par la loi en cas de dépassement de la quotité disponible. L’exercice de l’action en réduction est donc absolument indispensable pour faire réduire une libéralité empiétant sur la réserve héréditaire. C’est pourquoi la demande de réduction d’une libéralité excessive n’est soumise à aucun formalisme particulier.
Ainsi, toute clause de préciput qui excéderait, la réserve héréditaire qui d’ordre public, devra être réduite par l’action des héritiers réservataires (l’action en réduction n’appartient qu’aux seuls héritiers réservataires, c’est-à-dire, pour reprendre la formule de l’article 921 du Code civil, “à ceux au profit desquels la loi fait la réserve” (Cass. req., 1er juill. 1913 : DP 1917, 1, p. 46), ce qui est en parfaite conformité avec la fonction de la réduction qui est la protection de la réserve héréditaire. Par ailleurs, parmi lesdits héritiers réservataires, seuls ceux qui ont accepté la succession).
SOURCES :