Le droit des successions a pour finalité la transmission universelle du patrimoine du défunt à ses héritiers, cette finalité va s’analyser conformément à l’attribution à chacun des héritiers de la part du patrimoine du défunt leur revenant.
Afin de procéder à la liquidation de la succession plusieurs étapes seront nécessaires, l’une des plus importantes correspondra à l’identification des héritiers et la seconde le partage successoral.
Le défunt lorsqu’il procède à un testament authentique pourra nommer un légataire universel à son patrimoine, cela sera fréquent dans le cas où le défunt n’a pas d’enfant. Mais il existe des situations dans lesquelles le défunt dispose d’enfant, cela pourra engendrer un conflit entre légataire universel et héritier réservataire en fonction du testament du défunt.
Ce conflit entre légataire universel et héritier réservataire peut intervenir dans le cadre des libéralités, mais il peut aussi subvenir concernant la quote-part des héritiers réservataires.
Les héritiers réservataires sont une catégorie d’héritier privilégié par la loi et ayant un lien de parenté directe avec le défunt, aussi ils disposeront de prérogative spéciale sur l’héritage du défunt. Mais qu’en est-il lorsque du conflit dans lequel le légataire universel est aussi un héritier réservataire.
Afin de pallier un conflit futur entre légataire universel et héritier réservataire il convient de se renseigner intensément sur les droits et devoirs imposés à chacun, mais aussi sur les conflits les plus fréquents entre le légataire universel et l’héritier réservataire.
Dans un premier temps il sera déterminant d’observer dans le présent article la différence de statut entre le légataire universel et l’héritier réservataire (I) afin de procéder à une analyse des conflits les plus récurrents entre légataire universel et héritier réservataire (II).
I) La différence de statut entre légataire universel et héritier réservataire
Il est primordial avant de déterminer les sources de conflit et leur résolution d’observer les différences notables entre légataire universel (A) et héritier réservataire (B).
A) Le légataire universel
Le légataire universel est considéré comme un héritier auquel le défunt a conféré la propriété de l’ensemble de ses biens.
Il existe trois types de légataires reconnus par la loi, le légataire universel, le légataire à titre universel qui bénéficiera d’un pourcentage des biens légués et le légataire particulier qui est susceptible de recevoir en héritage un bien spécifique et identifié de l’auteur du testament. Les légataires universels sont les personnes bénéficiant de la transmission du patrimoine réalisé par le défunt dans son testament, il lui incombera de régler les frais de succession.
Le statut de légataire universel ne s’obtient qu’à l’ouverture du testament c’est-à-dire après le décès du testateur. En effet celui-ci ayant la liberté de choisir les légataires universels auxquels ils souhaitent voir hériter son patrimoine. Le statut de légataires universels peut être accordé aux membres de la famille du défunt ou à un tiers.
Le légataire universel dans la succession dispose de droit, mais aussi d’obligation, il sera tenu des dettes du testateur s’il n’accepte pas la succession à concurrence de l’actif net.
Le legs universel implique la transmission de l’intégralité du patrimoine à un ou plusieurs légataires, mais il est important de prendre en compte la réserve héréditaire afin d’éviter tout conflit entre légataire universel et héritier réservataire. Le légataire universel aura à sa disposition tous les biens mobiliers ou immobiliers, selon la volonté du défunt ou de manière équitable entre les légataires.
À l’instar du légataire à « titre universel », le légataire universel dispose d’une priorité sur les autres légataires, l’intégralité de l’actif successoral comprenant les éléments d’actif, mais aussi les dettes du défunt.
Le légataire universel institué par testament authentique à la possibilité d’entrer en possession des biens même s’il n’a pas la qualité d’héritier légal, s’il n’existe pas d’héritier réservataire.
B) Le statut d’héritier réservataire
La qualité d’héritier réservataire est attribuée par la loi, elle n’est pas reconnue à tous les héritiers, le Code civil prévoit une attribution aux ascendants et descendants du défunt, les héritiers réservataires seront donc les parents en ligne directe et les enfants sans prise en compte des époux qui disposent d’une protection particulière.
Dans l’ordre successif en principe, le premier rang dans l’attribution de l’héritage concerne les héritiers réservataires. Tous les descendants sont considérés comme héritiers réservataires sans prise en compte du degré de parenté avec le défunt ou de cujus. L’article 913-1 du Code civil précise que « sont compris sous le nom d’enfants, les descendants en quelque degré que ce soit ». (1)
La parenté adoptive crée des droits similaires concernant la réserve que la parenté « légitime » article 358 et 368 du Code civil. (2)
Il existe néanmoins une exception concernant l’adoption simple à l’article 368 alinéa 2 qui précise que l’héritier issu d’une adoption simple ne pourra être considéré comme réservataire à l’égard des ascendants du parent adoptant, néanmoins cette règle ne concerne pas la dévolution légale en tant que telle précise que l’adoption plénière permettra de déjouer cette exception en effet celle-ci sera créatrice d’un lien de filiation prépondérant en comparaison à l’adoption simple.(3)
La loi exclue de la qualité d’héritier réservataire, les parents, ascendant et les collatéraux mêmes privilégiés, en effet la qualité d’héritier réservataire est un attribut « personnel ».
II) Les conflits notables entre légataire universel et héritier réservataire
Il est important d’observer les conflits en présence d’héritiers réservataires (A), mais également régler la question du cumul de statut entre héritiers réservataires et légataire universel (B).
A) Les conflits en présence d’héritiers réservataires
1) La délivrance du legs
Le conflit entre légataire universel et héritier réservataire est fréquent, dans le cas d’une présence d’héritiers réservataires, le légataire universel aura l’obligation de demander l’accord des héritiers réservataires afin d’obtenir la délivrance du Legs conformément à l’article 1004 du Code civil qui prévoit « Lorsqu’au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament. » (4)
La délivrance de legs peut se faire à l’amiable ou par voie judiciaire si le légataire universel faisant la demande la délivrance de legs se voit refuser la remise des biens affectés au legs.
2) L’action en réduction
L’action en réduction correspond à la reconstitution du patrimoine au jour de la succession, en effet à l’ouverture de celle-ci, un inventaire comprenant les libéralités et réalisé dans le but de permettre un partage du patrimoine entre les héritiers. Les héritiers réservataires bénéficient d’un avantage direct sur le patrimoine du défunt concernant la réserve héréditaire calculée sur la quote-part correspondant à la proportion du patrimoine revenant aux héritiers réservataires, cette quote-part se calcule en fonction du nombre d’enfants héritiers du défunt.
En cas de succession le défunt ne peut porter atteinte à la réserve héréditaire aussi il ne pourra disposer que de la quotité disponible, celle-ci pourra être affecté à la part d’héritage revenant aux héritiers universels.
En cas d’atteinte de la réserve héréditaire cela est souvent créateur de conflit entre légataire universel et héritier réservataire, il est possible que les héritiers réservataires puissent mener une action en réduction contre les héritiers universels, cette action en réduction est notamment visible dans le cas de Legs et libéralité antérieure au décès du testateur et excédant la quotité disponible.
L’article 924 du Code civil précise en effet que « lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent ». Le bénéficiaire du legs ou de la donation pourra alors être contraint de verser une indemnité égale à l’atteinte portée à la réserve héréditaire. (5)
B) La question du cumul de statut entre héritier réservataire et légataire universel
Par un arrêt rendu par la Cour de cassation en sa première chambre civile en date du 6 mai 2009, la question du cumul de statut concernant le légataire universel et héritier réservataire.
En l’espèce par testament du 8 octobre 1975, Mme Y...a institué son fils légataire universel dans les termes suivants : " J’institue pour mon légataire universel mon fils Christian X.... Je lui lègue la totalité des biens qui dépendront de ma succession, immeubles, meubles, objets mobiliers, linge, bijoux, argenterie, tableaux, valeurs mobilières, créances, comptes bancaires et autres biens de toute nature qui dépendront de ma succession. Il en aura la propriété à compter de mon décès, mais n’en aura la jouissance qu’au décès de mon mari, si celui-ci me survit. Si le legs que je fais ainsi à mon fils faisait l’objet d’une demande en réduction, je veux qu’il recueille en tout état de cause, outre sa part de réserve, la totalité de la quotité disponible de ma succession, avec faculté pour lui de choisir, pour composer son lot, les biens meubles et immeubles qu’il lui plaira. (6)
Un jugement du 5 décembre 2000 a homologué un accord intervenu entre les quatre héritiers le 6 avril 2000 sur le partage des seuls immeubles successoraux ; que M. Christian X... a fait assigner les consorts X pour voir, notamment, juger qu’il était propriétaire depuis le jour du décès de sa mère, d’un tableau de Théodore Chassériau dépendant de la succession de celle-ci et licité le 27 juin 2002, que la valeur de ce bien devait être fixée à cette date et que la différence entre la valeur du tableau et le prix de vente était sa propriété exclusive.
Ayant relevé que les consorts X avaient sollicité le partage de la succession de leur mère, ce dont il se déduit qu’ils avaient agi en réduction du legs universel, et que M. Christian X n’avait pas usé de sa faculté de choix à l’égard du tableau avant la vente de celui-ci, la cour d’appel en a justement déduit que le tableau était demeuré sous le régime de l’indivision successorale lors de sa licitation et que son prix de vente devait être réparti entre les héritiers en fonction de leurs droits respectifs, par conséquent la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. Christian X.
Il est possible de déduire de cet arrêt que la double qualité de légataire universel et d’héritier réservataire ne confère pas à elle seule, en présence d’autres héritiers réservataires, un droit de propriété privatif sur les biens dépendants de la succession.
SOURCES :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000020595891