Cette portion, connue sous le nom de quotité disponible, détermine la liberté de transmission du patrimoine. Lorsque cette limite est dépassée, diverses conséquences juridiques peuvent survenir, impactant tant les bénéficiaires que les héritiers réservataires.
1. Définition de la Quotité Disponible et des Héritiers Réservataires
La quotité disponible et les héritiers réservataires sont définis par le Code civil français, notamment dans les articles 912 et suivants. (1)
La quotité disponible représente la portion du patrimoine dont le défunt peut disposer librement, par donation ou testament, sans léser les héritiers réservataires (descendants ou, à défaut, conjoint survivant en l'absence de descendants).
Elle varie selon la situation familiale du défunt :
§ Avec un enfant → la quotité disponible est de la moitié de la succession.
§ Avec deux enfants → la quotité disponible est de 1/3 du patrimoine.
§ Avec trois enfants ou plus → la quotité disponible est de 1/4 du patrimoine.
§ Sans enfant mais avec un conjoint survivant → la quotité disponible est de 3/4.
2. La Réduction des Libéralités Excédentaires
Selon l'article 868 du Code civil (2), lorsque la réduction d'une libéralité n'est pas possible en nature, le bénéficiaire de la libéralité excessive est tenu de verser une indemnité équivalente à la portion excédant la quotité disponible. Cette indemnité est calculée en fonction de la valeur du bien au moment du partage et de son état au jour où la libéralité a pris effet. La Cour de cassation, dans un arrêt du 3 février 2004 (pourvoi n°01-11.555), (3) a précisé ces modalités de calcul.
Lorsque la donation ou le legs dépasse la quotité disponible, plusieurs conséquences surviennent :
§ Réduction proportionnelle de la libéralité : Le montant excédentaire est réduit, et seul ce qui correspond à la quotité disponible est conservé, l'excédent étant réattribué aux héritiers réservataires.
§ Restitution des biens : Si le bien est encore en possession du bénéficiaire, il doit être restitué, partiellement ou en totalité, aux héritiers réservataires. En cas de donation d'argent, le bénéficiaire pourrait être obligé de rembourser l'excédent aux héritiers.
§ Indemnisation en valeur : Si le bien excédentaire est introuvable (vendu, consommé, ou détruit), une indemnisation équivalente à sa valeur doit être versée pour compenser l'excédent et garantir la part des héritiers réservataires.
L’action en réduction est une démarche qui doit être exercée dans un délai de cinq ans à compter du décès du défunt ou de deux ans à compter de la découverte du dépassement si celui-ci n’était pas immédiatement apparent (art. 921 du Code civil) (4).
Elle peut être initiée par tout héritier réservataire lésé, à condition qu’il n’ait pas renoncé expressément à son droit de contestation.
3. Limites de l’action en réduction
L’action en réduction peut être limitée ou inapplicable dans certains cas :
§ En cas d’acceptation des héritiers : Si les héritiers réservataires acceptent les libéralités excessives, expressément ou par absence de contestation, l’action en réduction devient inapplicable.
§ En cas de renonciation anticipée : Depuis 2006, un héritier réservataire peut renoncer à contester certaines donations ou legs via un pacte notarié signé par toutes les parties (RAAR).
§ En cas de libéralités protégées : Certaines donations entre époux bénéficient d’une protection légale, notamment pour préserver le conjoint survivant.
4. L’Acceptation ou de la Renonciation des Héritiers Réservataires
Les héritiers réservataires peuvent choisir de ne pas contester une libéralité excédant la quotité disponible, par attachement au bénéficiaire ou pour des raisons patrimoniales. Cette acceptation peut être tacite (absence de contestation) ou formalisée par un accord écrit.
En revanche, s'ils estiment que leurs droits sont lésés, ils peuvent engager une action en réduction pour rétablir l’équilibre successoral. Cette action doit être intentée dans un délai de cinq ans après l’ouverture de la succession ou deux ans après la découverte de l’atteinte à leur réserve.
Si aucune contestation n’est formulée dans le délai imparti, la libéralité devient définitive et le bénéficiaire conserve intégralement les biens reçus, même au-delà de la quotité disponible.
5. Conseils pour Éviter un Dépassement de la Quotité Disponible
Il est possible de recourir à un pacte successoral, permettant aux héritiers réservataires d'accepter à l'avance une dérogation aux règles de la quotité disponible.
De plus, il est recommandé d'effectuer des simulations successorales afin d'anticiper les conséquences fiscales et juridiques. Le calcul précis de la quotité disponible et de la réserve héréditaire est essentiel pour garantir que les libéralités consenties ne dépassent pas les limites légales.
Il convient également d'évaluer l'impact fiscal des donations et legs, en optimisant les abattements fiscaux et les droits de succession.
Pour équilibrer les parts entre héritiers, des solutions comme l'attribution préférentielle de certains biens ou le versement de soultes peuvent être envisagées.
Enfin, afin d'éviter des conflits liés à l'indivision, une répartition claire et équilibrée des biens doit être prévue.
SOURCES :
(1) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006435530
(2) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006432967/2021-05-02
(4) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000043982285/2022-01-01