Après de multiples amendements lors des allers-retours entre le Parlement et le Sénat, la loi consommation a été définitivement adoptée en février 2014. Cette loi, dite loi Hamon, présente des dispositifs relatifs au commerce en ligne qui n’ont guère été bouleversés. Or, elle couvre également de très nombreux sujets tels que la création d’une action de groupe, la lutte contre les clauses abusives, la modernisation et le renforcement des moyens d’actions de la DGCCRF, le renforcement des sanctions pour les auteurs de fraudes économiques, la lutte contre le surendettement et l’encadrement du crédit à la consommation, l’assouplissement des conditions de résiliation des contrats d’assurance…
Dans un contexte économique difficile, il s’est avéré nécessaire de créer de nouveaux leviers pour rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et professionnels. Le contrat de consommation a toujours été un contrat par nature déséquilibré en ce sens que le professionnel possède beaucoup plus d’informations qui échappent au consommateur.
De plus, le développement rapide et croissant du commerce électronique implique une nécessaire adaptation de son cadre juridique dans le double objectif d’assurer une protection efficace des consommateurs, et de permettre aux professionnels de préserver la confiance en ce mode d’achat, qui offre des opportunités de croissance exceptionnelles. En effet, 45 milliards d’euros de ventes ont été effectuées sur internet en 2012 (une augmentation de 50% en trois ans), ce qui équivaut à 1400 euros détensés en moyenne par acheteur sur internet. Quels sont les changements apportés par la loi consommation concernant le volet internet ?
La loi consommation, dite loi Hamon, prévoit notamment de renforcer les moyens de contrôle dans le domaine du e-commerce (I) et de protéger les consommateurs dans le cadre de la vente à distance (II).
- Renforcer les moyens de contrôle dans le domaine du e-commerce
La loi consommation prévoit de renforcer les moyens de contrôle de l’Etat dans le domaine du commerce électronique en donnant à l’administration la possibilité de saisir le juge afin de faire cesser des contenus illicites en ligne.
L’Etat devra intensifier sa coopération avec la CNIL et renforcer ses moyens d’action contre la prospection commerciale par voie de spam. En effet, il est apparu qu’aujourd’hui, les moyens d’action dont dispose l’administration pour lutter contre les agissements illicites sur internet se révèlent insuffisants.
A titre d’exemple, lorsqu’un contenu en ligne est vraisemblablement illicite et que le professionnel qui en est responsable (éditeur du site) se trouve à l’étranger, il s’avère impossible de faire cesser ce contenu, sauf à engager une action auprès du prestataire technique qui héberge ou diffuse ce contenu.
De même, la loi consommation relève que la prospection commerciale sous forme de spam prend de plus en plus d’ampleur, sans que l’administration ne dispose de réels moyens pour sanctionner les auteurs. Ainsi, quels sont les changements portés par la nouvelle loi ? La DGCCRF pourra saisir le juge afin qu’il délivre une injonction judiciaire en vue de prévenir ou de faire cesser un dommage pour les consommateurs, inhérent au contenu illicite d’un site sur internet.
En pratique, dès que la DGCCRF a connaissance d’un contenu illicite en ligne par le biais de plusieurs plaintes, elle peut saisir le juge et obtenir auprès de ce dernier qu’il enjoigne l’hébergeur français de faire cesser la diffusion du contenu illicite.
Il est également prévu d’approfondir la coopération entre la CNIL et la DGCCRF en permettant aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dans l’exercice de leurs missions, de relever les manquements aux règles de protection des données personnelles et de les signaler à la CNIL pour que cette dernière puisse prendre les sanctions appropriées. Enfin, les moyens de lutte contre la prospection commerciale par voie de spam sont améliorés : la DGCCRF pourra sanctionner les professionnels qui ne respectent pas les règles en la matière (ceux qui ne donnent pas au destinataire la possibilité de faire cesser ces messages commerciaux).
- Protéger les consommateurs dans le cadre de la vente à distance
La législation sur la vente à distance, déjà renforcée par la loi Chatel en 2008, sera à nouveau consolidée en 2014 avec la future loi sur la consommation. En effet, dans le cadre de la vente à distance, la protection des consommateurs n’est pas toujours suffisante. Ils disposent le plus souvent d’informations moins complètes sur les biens et services que dans le cadre du commerce traditionnel.
De surcroît, les consommateurs sont victimes de pratiques abusives spécifiquement liées aux caractéristiques de la vente à distance, telles que les défauts de livraison, le non remboursement de la totalité d’un achat en cas de rétractation et les ventes forcées. Ces dernières se réalisent lorsque qu’un consommateur achète par exemple un billet d’avion en ligne. Sur le site internet, au moment d’acheter le billet, il ne s’aperçoit pas qu’une case « assurance annulation » est pré-cochée.
Le consommateur va donc payer deux ou trois euros en plus du prix du billet. La loi consommation interdit au professionnel de mettre à la charge du consommateur un quelconque paiement pour ces ventes forcées. Quels sont les changements prévus par la loi consommation concernant la vente à distance ? Elle adapte le droit national aux nouvelles règles de l’Union européenne.
Ainsi, les professionnels du commerce en ligne devront fournir une liste d’informations précontractuelles plus complète, permettant aux consommateurs de s’engager en toute connaissance de cause, et des précisions spécifiques sur l’obligation de paiement lors de la passation de la commande et d’éventuelles restrictions de livraison.
De plus, les règles inhérentes au droit de rétractation reconnu au consommateur grâce auquel il peut revenir sur son engagement sont renforcées : le délai passe de 7 jours à 14 jours. Enfin, les règles applicables à la livraison de biens par le professionnel sont améliorées : le délai de livraison est défini à un maximum de 30 jours à compter de la conclusion du contrat et la responsabilité du consommateur est limitée en cas de perte ou d’endommagement du bien expédié par le professionnel (la responsabilité du consommateur ne court qu’à compter de la prise de possession physique du bien, sauf s’il a choisi lui-même le transporteur).
De plus, une fois la loi en vigueur, il ne sera plus nécessaire d’être titulaire d’un diplôme d’opticien pour ouvrir un magasin mais seulement d’employer une personne disposant de ce diplôme.
Les ophtalmologues devront désormais inscrire l’écart pupillaire du patient sur leur ordonnance, une mesure jusqu’alors effectuée chez l’opticien. Ces deux dispositions ouvrent ainsi la voie à la vente des lunettes et lentilles sur internet. La conséquence évidente de cette mesure sera plus de concurrence dans ce domaine et une baisse conséquente des prix.
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