La consultation des sites pornographiques constitue-t-elle une faute grave ?

Publié le 06/07/2012 Vu 9 466 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

La consultation des sites pornographiques par les salariés durant leur temps de travail avec le matériel informatique de l’employeur est un comportement qui peut se produire dans les entreprises. Les employeurs vont alors licencier leurs salariés pour faute grave.

La consultation des sites pornographiques par les salariés durant leur temps de travail avec le matériel inf

La consultation des sites pornographiques constitue-t-elle une faute grave ?

La consultation des sites pornographiques par les salariés durant leur temps de travail avec le matériel informatique de l’employeur est un comportement qui peut se produire dans les entreprises. Les employeurs vont alors licencier leurs salariés pour faute grave. Les juges ont donc dû s’interroger sur la validité du licenciement pour faute grave.

C’est ainsi que la cour de cassation s’est penchée sur cette question dans un arrêt du 12 mai 2012. En l’espèce, il s’agit d’un salarié mis à pied par son employeur. Le salarié est ensuite licencié pour faute lourde pour avoir détérioré le système informatique de l’entreprise sans y remédier en se connectant à des sites pornographiques durant ses heures de travail.
 

Le salarié s’oppose à ce licenciement et saisit les prudhommes en demandant le paiement de diverses sommes au titre de la rupture.

Le Conseil de prud'hommespuis la cour d’appel font droit à la demande du salarié en estimant que le salarié n’a pas commis une faute permettant d’engager un licenciement pour faute.
 

L’employeur forme un pourvoi en cassation. La cour de cassation a alors dû s’interroger sur la qualification des faits commis par le salarié. La consultation par un salarié de sites pornographiques durant ses horaires de travail peut-elle constituer un motif grave et sérieux permettant un licenciement pour faute grave ?
 

La cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et estime que la consultation de sites à caractère pornographique n’est pas un motif grave et sérieux de licenciement pour faute, du fait de la pratique qui existait dans l’entreprise, donc même si ce comportement est contraire au règlement intérieur, cela ne permet pas d’engager un licenciement pour faute.

Il apparaît, tout d’abord nécessaire de s’arrêter sur la procédure de licenciement pour faute (I) pour ensuite pouvoir étudier plus en profondeur la décision de la cour de cassation (II).
 

I.       Le licenciement pour faute

A.     La faute permettant le licenciement

L’employeur a la possibilité de licencier le salarié pour faute, à condition qu’il existe bien une faute. La faute peut être sérieuse, grave ou lourde.

La faute sérieuse est celle qui rend impossible le maintien du lien contractuel, alors que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (ex : Cass Soc 27 septembre 2007 n°06-43.367). Ici la violation des obligations du contrat de travail est d’une telle importance qu’elle rend impossible la continuité du contrat. C’est pourquoi le salarié doit quitter l’entreprise immédiatement, sans préavis. La faute peut encore être lourde, c’est alors la faute la plus grave que puisse réaliser un salarié. Cette faute consiste en l’intention de nuire du salarié. Il peut par exemple s’agir d’un détournement d’informations (ex : Cass Soc 12 juin 2002 n°00-41.287) , demalversation, ou d’actes de concurrence.La faute du salarié est considérée comme lourde lorsqu'elle est commise dans l'intention de nuire à l'employeur. C'est à l'employeur d'apporter la preuve de cette intention de nuire. Lorsque le licenciement pour faute lourde est prononcé, le salarié n’a pas le droit à des indemnités de rupture du contrat même concernant ses congés payés. Cette faute permettra de plus à l’employeur d’engager la responsabilité du salarié.

B.     La procédure du licenciement pour faute

Lorsque l’employeur souhaite licencier un salarié pour faute, il doit suivre une procédure particulière. Il doit tout d’abord procéder à la mise à pied à titre conservatoire du salarié. L’employeur demande au salarié de ne plus venir travailler. L’employeur n’est pas obligé de mettre en œuvre la mise à pied, mais dans la définition même du licenciement pour faute il s’agit d’écarter un salarié de l’entreprise, car son maintien au sein de l’entreprise n’est plus possible. Ainsi, si l’employeur n’effectue pas la mise à pied du salarié, il apparaît difficile pour l’employeur de justifier d’une impossibilité du maintien du contrat de travail avec le salarié en question.

Donc en réalité, la mise à pied doit être faite. La mise à pied a pour effet de suspendre l’exécution du contrat de travail. Elle est notifiée en même temps que l’entretien préalable. Il faut encore souligner que durant la mise à pied le salarié ne reçoit pas de rémunération. Cependant, si l’employeur revient sur sa décision de licencier le salarié pour faute, s’il estime par la suite que le comportement n’était pas fautif, le salarié devra être rémunéré. 

Ensuite doit intervenir l’entretien préalable du salarié. L’employeur doit obligatoirement convoquer son salarié afin de lui annoncer son licenciement. L’entretien ne peut pas avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée de convocation au salarié ou après l’information en personne du salarié (article L1232-2 du Code du travail). L’employeur va lors de l’entretien expliquer au salarié les motifs qui justifient un tel licenciement.

La notification du licenciement doit être faite. Celle-ci ne peut arriver au plus tôt que deux jours ouvrables après l’entretien préalable. Selon l’article L1332-2 du Code du travail, lorsqu’il s’agit d’un licenciement pour faute la notification ne peut pas intervenir plus d’un mois après l’entretien préalable.

 

II.    La consultation des sites pornographiques une faute grave ?

A.     La consultation de sites pornographiques constituant normalement une faute grave

La consultation des sites pornographiques au travail est une pratique qui est sévèrement réprimée en jurisprudence. En effet, la cour de cassation a à plusieurs reprises rappelé que l’usage de l’outil informatique à des fins personnelles pour consulter des sites pornographiques constitue une faute grave susceptible d’entraîner un licenciement. C’est ainsi que dans un arrêt du 15 décembre 2010 (Cass. soc., 15 déc. 2010, n° 09-42.691) la cour de cassation a pu énoncer que lorsque le salarié utilise l’outil informatique professionnel pour consulter des documents à caractère pornographique, cela crée une violation de la chartre informatique intégrée au règlement intérieur de l’entreprise ce qui constitue une faute grave, et qui justifie un licenciement.

De même, la cour de cassation a pu énoncer dans un arrêt du 10 mai 2012 (pourvoi  n° 10-28.585)que la consultation de sites pornographiques sur les ordinateurs de l’employeur constitue une faute grave qui justifie un licenciement.

La jurisprudence est alors constante sur cette question. Ainsi lorsque le salarié se connecte pendant ses heures de travail sur les ordinateurs mis à sa disposition par son employeur pour consulter des sites pornographiques cela constitue une faute grave, permettant de justifier le licenciement du salarié.

 

B.     La consultation de sites pornographiques ne constituant plus une faute lorsque la pratique est tolérée par l’employeur

La cour de cassation a rendu deux arrêts le 10 mai 2012,( pourvoi n° 11-11.060 et pourvoi  n° 10-28.585)le premier qui estime que la consultation de sites pornographiques constitue une faute grave, et le second qui estime au contraire que cette consultation n’est pas constitutive d’une faute.

Dans ce second arrêt, la cour de cassation juge que le fait pour le salarié de consulter des sites pornographiques durant ses horaires de travail ce qui a permis l’intrusion d’un virus dans le système informatique de la société ne peut pas constituer une faute capable d’entraîner un licenciement. En effet, la cour de cassation prend ici en compte deux éléments pour arriver à sa solution. Dans un premier temps, la cour précise que le salarié a informé le service informatique de l’intrusion d’un virus. Mais l’argument principal de la cour est le fait que l’employeur tolère ce type de pratique au sein de l’entreprise. La cour estime que l’employeur avait connaissance du fort téléchargement effectué par son salarié, ce qui permettait alors à l’employeur de savoir que son salarié utilisait de manière abusive et personnelle son ordinateur professionnel.

Ainsi, pour la cour de cassation le fait de violer les règles du règlement intérieur en consultant des sites pornographiques ne permet pas de justifier le licenciement pour faute, puisque l’employeur tolérait le téléchargement fait par son salarié.

Donc, il est nécessaire aux employeurs d’adopter une position de sévérité envers les salariés qui ne respectent pas la chartre informatique. En effet, un comportement laxiste envers le respect de la chartre informatique ne permet plus ensuite à l’employeur de licencier des salariés pour le non-respect de ladite chartre, puisque celui-ci n’a jamais fait en sorte qu’elle soit respectée.

Ainsi, deux arrêts aux faits similaires ont été rendus le même jour, mais la solution est pourtant opposée, il est alors important pour les employeurs de faire respecter la chartre informatique tout au long du contrat de travail de ses salariés au risque de voir celle-ci inefficace.

 

Sources :

-          Le licenciement pour faute grave : procédure et effets, par Xavier Berjot, Avocat : http://www.village-justice.com/articles/licenciement-faute-grave-procedure,8454.html

-          Lamylin.fr

-          Dalloz.fr 

 

Vous avez une question ?
Blog de Murielle Cahen

Murielle CAHEN

150 € TTC

7 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.