La contestation des clauses limitatives de responsabilité

Publié le 03/07/2009 Vu 15 989 fois 0
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La législation sur les clauses abusives permet d'écarter ces clauses lorsqu'elles créent un trop grand déséquilibre entre les droits et obligations des parties.

La législation sur les clauses abusives permet d'écarter ces clauses lorsqu'elles créent un trop grand dés

La contestation des clauses limitatives de responsabilité

La législation sur les clauses abusives permet d'écarter ces clauses lorsqu'elles créent un trop grand déséquilibre entre les droits et obligations des parties. (I)

Cependant, cette législation protectrice ne s'applique pas aux contrats conclus entre professionnels et pour les besoins de leurs activités. La jurisprudence a donc permis d'écarter ces clauses limitatives de responsabilité en invoquant l'article 1131 du Code civil sur la cause. (II)

I-Les clauses limitatives de responsabilité et la législation sur les clauses abusives.

A-Les sources de la législation sur les clauses abusives.

La loi du 10 janvier 1978  introduit pour la première fois en droit français la notion de « clause abusive », suite à la directive n°93-13 du 5 avril 1993, transposée par une loi du 1er février 1995 la législation française a été partiellement modifiée. Enfin, très récemment, la loi de modernisation de l’économie, dite « Loi LME», du 4 août 2008, complétée par un décret en date du 18 mars 2009, redéfinit le régime des clauses abusives afin de mieux protéger le consommateur.

B-Les modalités d'application de la législation sur les clauses abusives.

Selon l’article L 132-1 du Code de la Consommation, la clause est dite abusive lorsque dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment de ce dernier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En pratique, il s'agit très souvent de clauses limitatives de responsabilité à la faveur du professionnel.

1-La notion de consommateur en droit communautaire

Selon la directive communautaire du 5 avril 1993, le consommateur est défini comme « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ».

Le professionnel est « toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée».

La Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a réaffirmé à de nombreuses occasions que la définition du consommateur s’appliquait exclusivement aux personnes physiques agissant en dehors de leur activité professionnelle.[1]

2- Une notion supplémentaire de non professionnel en droit français.

Le droit français se distingue en préférant une protection plus large, étendue au « non-professionnel ».

En droit français, le consommateur agit à des fins domestiques, et le non-professionnel, peut être considéré comme le professionnel qui sort de son domaine d’activité, « quand il se trouve dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur »[2]

Les juges vont apprécier le critère du « lien direct ». Il faut évaluer si la convention entretient « un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant »[3]. En effet, si il y a un lien direct avec l'activité professionnelle, le cocontractant ne pourra se prévaloir de la protection accordée au « non-professionnel ».

D'autre part, la notion de non professionnel, utilisée par le législateur français, n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives. La Cour de cassation a donc adopté sur cette question, une position diamétralement opposée à celle de la CJCE.[4]

C-L'application de la législation sur les clauses abusives aux clauses limitatives de responsabilité.

1-L'application de la législation sur les clauses abusives aux clauses limitatives de responsabilité par le décret du 20 mars 2009.

Le décret, publié le 20 mars 2009 au journal officiel, liste12 clauses « noires », qui sont désormais interdites et 10 clauses « grises », qui sont présumées abusives.

Les 12 clauses « noires » sont désormais interdites, sans contestation possible du professionnel et ne doivent plus figurer dans les contrats.

Les clauses limitatives de responsabilité figurent parmi ces clauses noires. En effet, est interdit une clause qui « supprime ou réduit le droit à réparation du consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une de ses obligations ».

Par exemple, une clause figurant sur un bulletin de dépôt qui exonère le laboratoire photo de toute responsabilité en cas de perte des diapositives sera interdite.

2-Les moyens d'évictions d'une clause limitative de responsabilité « abusive »

Compte tenu de la gravité de l’atteinte portée à l'équilibre des contrats par les clauses « noires », les dispositions du décret interdisant celles-ci dans les contrats proposés aux consommateurs doivent pouvoir s’appliquer aux contrats en cours.

Ces clauses noires ne sont pas opposables aux consommateurs. Elles sont réputées « non écrites ». Tout se passe comme si elles n’existaient plus et le consommateur retrouve ainsi ses droits. Mais le contrat lui même n’est pas remis en cause. Dans l’intérêt des consommateurs, toutes les autres dispositions du contrat demeurent valables et continueront de s’appliquer.

De plus, ces dispositions sont d’ordre public et il n’est pas possible d’y déroger par voie contractuelle.

Le droit des clauses abusives ne s'applique qu'au consommateur. Les clauses limitatives de responsabilité qui se trouvent dans les contrats entre professionnels ne peuvent pas être mises en échec par la législation sur les clauses abusives.

II-Les clauses limitatives de responsabilité et la jurisprudence sur la cause.

A-La sanction des clauses limitatives de responsabilité dans les contrats entre professionnels agissant dans le cadre de leurs activités.

La décision la plus connue en matière de clause limitative de responsabilité est la décision Chronopost du 22 octobre 1996. Rendue le 22 octobre 1996 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, elle avait affirmé, sous le visa de l’article 1131 du Code civi.

La Cour a souligné dans sa motivation que Chronopost revendique être un spécialiste du transport rapide. En ne respectant pas le délai déterminé au contrat Chronopost a manqué à son « obligation essentielle ». La clause limitative de responsabilité stipulé dans le contrat contredisait cette obligation, elle devait donc être réputée non écrite.

Il faut donc analyser le contrat pour dégager les obligations essentielles de celui-ci. En l'espèce, il y avait une obligation essentielle de célérité qui constitue la cause du contrat. La clause qui contredit cette obligation est annulée pour défaut de cause, et est réputée non écrite.

La difficulté réside dans le fait de déterminer quelles sont les obligations essentielles du contrat, car seules les clauses limitatives de responsabilité qui mettent en échec ces obligations, seront réputée non écrites.

B-Une solution toujours applicable mais qui reste débattue.

La Cour de cassation a rendu une décision dans le domaine informatique, sur la notion d'obligation essentielle.

En l’espèce, une entreprise avait conclu une série de contrats avec un important éditeur pour le déploiement d’un logiciel. L’éditeur se prévalait d’une clause limitative de réparation contenue dans le contrat de licence faisant valoir que seule une faute lourde pouvait permettre de l’écarter. La Cour d’appel fait droit à la demande de l’éditeur[5]. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel sur ce point, en se fondant sur la notion juridique de cause constatant que la livraison du logiciel, objectif final des contrats conclus, n’avait pas été exécutée et ce, sans justifier d’un cas de force majeure. Il résulte dès lors, un manquement à une obligation essentielle, de nature à faire échec à l’application de la clause limitative de réparation[6].

Cependant, dans son arrêt du 28 novembre 2008, la cour d’appel de Paris, contrairement à la cour de cassation, a validé la clause limitative de responsabilité qui, selon elle, n’avait pas pour effet de vider de toute substance, l’obligation essentielle incombant à la société Oracle.

Ces décisions reflètent la difficulté de déterminer quelles sont les obligations essentielles dans les contrats pour pouvoir ensuite déterminer si une clause limitative de responsabilité sera ou non réputée non écrite.

Suite à la résistance de la Cour d'appel, la Cour de cassation se prononcera sûrement de nouveau sur cette question.


[1] CJCE, 22 novembre 2001 Cape c/ Idealservice et Idealservice MNRE  c/ OMAL

[2] Cass. Civ1. 28 février 1987

[3] Cass. Civ1. 24 février 1995

[4] Cf Supra; Cass. Civ1. 15 mars 2005

[5] CA Versailles 31 mars2005

[6] Cass. Com. 13 fevrier 2007

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