Cette notion concerne nécessairement une marque enregistrée ou déposée (sous réserve de son enregistrement ultérieur).
Elle bénéficie d’une protection étendue à tous les produits et services, y compris différents de ceux qu’elle couvre, faisant ainsi exception au principe de spécialité.
Quant à la comparaison des signes, le critère de l’identité ou la similitude du signe postérieur est maintenu. Cependant, la Cour de Justice de l’Union européenne, tout comme la Cour de cassation, a affirmé à plusieurs reprises que l’appréciation de la similitude diffère que l’on soit dans le cas d’une marque « classique » ou d’une marque de renommée. En effet, la protection conférée aux marques jouissant d’une renommée n’est pas subordonnée à la constatation d’un risque de confusion, dès lors qu’il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public établisse un lien entre les deux.
En application des dispositions du Code de la propriété intellectuelle, la Cour de cassation affirme s’agissant de l’atteinte à une marque de renommée que « la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services identiques, similaires ou non à ceux désignés dans l'enregistrement, engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ; que le profit indûment tiré de la renommée de la marque, qui est la conséquence d'un certain degré de similitude entre les signes en présence en raison duquel, sans les confondre, le public établit un lien entre les signes, doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que lorsque le titulaire de la marque renommée est parvenu à démontrer qu'il a été indûment tiré profit du caractère distinctif ou de la renommée de celle-ci, il appartient au tiers ayant fait usage d’un signe similaire à la marque renommée d’établir que l'usage d'un tel signe a un juste motif ».
La cour prononce la cassation partielle d’une décision qui avait pris en considération l’origine familiale du défendeur pour rejeter la demande fondée sur l’atteinte à la marque renommée. Car « l’existence éventuelle d’un juste motif à l’usage du signe n’entre pas en compte dans l’appréciation du profit indûment tiré de la renommée de la marque, mais doit être appréciée séparément, une fois l’atteinte caractérisée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
C’est dans cette optique que le Tribunal judiciaire de Paris a condamné pour contrefaçon une société ayant commandé en Chine des écussons arborant le logo mondialement connu des Rolling Stones et des éléments du drapeau breton. Les juges ont reconnu que ce logo jouissait d’une importante renommée au sein de l’Union européenne.
L’un des logos les plus connus au monde et certainement l’un des plus utilisés par les sociétés du retail et du divertissement n’est pas utilisable sans autorisation. La justice a cru bon de le rappeler à l’occasion d’un litige opposant la société Musidor BV, titulaire des droits de propriété intellectuelle des Rolling Stones, à Early Flicker, une société qui avait commandé en Chine la production d’écussons brodés du logo auquel étaient ajoutées les bandes et les mouchetures d'hermine noires et blanches du drapeau breton. La troisième chambre civile du tribunal judiciaire de Paris (celle qui est compétente en matière de propriété intellectuelle) a rendu un jugement le 25 février 2021 reconnaissant que, grâce à ce fameux logo, les marques et le groupe The Rolling Stones jouissent d’une importante renommée dans l’Union européenne.
I) Atteinte à la marque renommée
A) Nécessité d’un préjudice ou d’une exploitation injustifiée de la marque de renommée : Existence d’un lien avec la marque renommée
La marque notoire (non enregistrée) se distingue de la marque renommée qui est, pour sa part, enregistrée et protégée pour des produits ou des services qui ne sont pas identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée (la protection de la marque renommée va au-delà du principe de spécialité).
Si la marque en cause n’est pas renommée, son exploitation par un tiers hors de la spécialité ne constitue naturellement ni une contrefaçon, ni un acte de concurrence déloyale à défaut de confusion possible (TGI Paris, 18 mai 1982 : PIBD 1982, III, p. 223), ni une quelconque faute de responsabilité civile.
En revanche, l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce que « la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».
La marque renommée bénéficie de la protection élargie lorsque l’usage d’un signe identique ou proche, sans juste motif, par un tiers non autorisé tire ou risque de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte ou risque de leur porter préjudice. L’atteinte au caractère distinctif de la marque – dilution – passe par la démonstration de la modification du comportement économique du consommateur moyen.
L’usage d’un signe imitant une marque de renommée dans le but, notamment, d’identifier des produits ou services auprès du public concerné, peut constituer une exploitation injustifiée tirant indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque (Cour de cassation, Ch. com., 11 mars 2008, Louis Vuitton Malletier c /EMI Music France, Fnac et a.).
En outre, selon la Cour de justice de l’UE, il n’est par conséquent pas nécessaire que la marque antérieure soit unique s’agissant de n’importe quels produits ou services. En effet, une marque renommée a nécessairement un caractère distinctif, caractère à tout le moins acquis par l’usage. Partant, même si une marque antérieure renommée n’est pas unique, l’usage d’une marque identique ou similaire postérieure peut être de nature à affaiblir le caractère distinctif dont jouit ladite marque antérieure. Cependant, plus la marque antérieure présente un caractère unique, plus l’usage d’une marque postérieure identique ou similaire sera susceptible de porter préjudice à son caractère distinctif (27 nov. 2008, aff. C-252/07).
B) Prouver la renommée de sa marque
La Cour de justice de l’Union européenne a conclu dans l’affaire Pago que la renommée acquise par une marque de l’UE (anciennement marque communautaire) dans un seul État membre peut suffire à lui faire bénéficier du statut de la marque renommée. Dans son arrêt du 6 novembre 2009, la Cour de justice, au visa de l’article 9.1 du règlement (CE) n° 40/94 applicable aux faits de l’espèce (auquel s’est substitué règl. (UE) n° 2015/2424, 16 déc. 2015) que :
Il convient donc de répondre à la première question préjudicielle que l’article 9.1, c) du règlement doit être interprété en ce sens que, pour bénéficier de la protection prévue à cette disposition, une marque communautaire doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elle, dans une partie substantielle du territoire de la Communauté, et que, eu égard aux circonstances de l’affaire au principal, le territoire de l’État membre en cause peut être considéré comme constituant une partie substantielle du territoire de la Communauté.
En l’espèce, la preuve de la renommée de la marque sur la totalité du territoire autrichien a été considérée comme suffisante, car remplissant le critère de renommée dans une partie substantielle du territoire de l’Union européenne (CJCE, 6 oct. 2009, aff. C-301/07, Pago International GmbH c/ Tirolmilch registrierte Genossenschaft mbH : JurisData n° 2009-011455).
La renommée d’une marque peut exister dans un pays sans que la marque y ait été effectivement utilisée. La marque peut, en effet, avoir été largement diffusée et exploitée au plan international ou dans des pays limitrophes. Cette constatation s’impose d’autant plus au regard des moyens de communication actuels Internet, réseaux sociaux qui se sont très largement développés.
La Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à apporter des précisions sur la notion de marque qui « jouit d’une renommée ». Ainsi, le degré de connaissance requis doit être considéré comme atteint lorsque la marque antérieure est connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par cette marque. Dans l’examen de cette condition, le juge doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir. La preuve de la renommée de la marque peut être donc établie par tout moyen.
Le TGI de Paris liste notamment les critères non cumulatifs suivants permettant d’évaluer l’existence de la renommée d’une marque : « l’ancienneté de la marque, son succès commercial, l’étendue géographique de son usage et l’importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l’existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice » (TGI Paris, 26 oct. 2018, n° 18/09490, S.N.C Andros contre S.A.S. V.F.P. FRANCE).
Les critères d’appréciation listés ci-dessus sont notamment confirmés par la cour d’appel de Paris qui précise également que ces conditions doivent être réunies « au moment de l’atteinte alléguée » de sorte que doivent être écartés des débats par exemple « des décisions de justice constatant la renommée de la marque litigieuse, mais concernant des faits antérieurs d’environ 20 ans aux faits de la cause » ou encore des « des contrats de licence […] postérieurs aux agissements reprochés » (CA Paris, 22 mai 2018, n° 16/17 580, Sté WL Diffusion et a. : JurisData n° 2018-008435).
II) Sanction de la contrefaçon de la marque renommée
A) L’action en contrefaçon
La marque renommée (marque enregistrée offrant à son titulaire le bénéfice de l’action en contrefaçon le cas échéant élargie.
L’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ouvre au titulaire d’une marque renommée une action en contrefaçon destinée à faire interdire l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire. Il s’agit d’une protection particulière en cas d’usage par un tiers pour des produits ou services le cas échéant différents, en l’absence de tout risque de confusion (CJCE, 14 sept. 1999, aff. C-375/97, General Motors Corporation et Yplon SA . – CJUE, 10 mai 2012, aff. C-100/11, Helena Rubinstein SNC et L’ORÉAL SA c/ Allergan Inc.).
Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, les « atteintes » à la marque renommée, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques en présence, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre elles, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas (V. CJCE, 23 oct. 2003, aff. C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux)
L’action en contrefaçon d’une marque de renommée demeure toutefois spécifique par rapport à une action en contrefaçon dite « classique ». Cette protection spécifique permet de dépasser le principe de spécialité puisque l’atteinte peut être constituée, y compris lorsque les produits et services ne sont pas similaires. Cependant, son succès est soumis à la démonstration spécifique que l’usage du signe dans la vie des affaires « tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice », conditions déjà visées par l’ancien article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle et qui correspondent désormais au troisième cas d’atteinte à la marque notoire.
Sous le régime antérieur, l’atteinte à une marque antérieure jouissant d’une renommée ne pouvait être sanctionnée que par le biais d’une action en responsabilité civile.
Désormais, les marques antérieures jouissant d’une renommée figurent dans la liste des motifs relatifs de nullité d’une marque, définis à l’article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Par ailleurs, le nouvel article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle sanctionne désormais au titre de la contrefaçon l’atteinte à une marque renommée, y compris au-delà du principe de spécialité.
En matière civile, l’action en contrefaçon de marque est une action en responsabilité délictuelle : le demandeur peut, à son choix, saisir la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable (à savoir le lieu où les produits ou services contrefaits sont offerts au public, y compris par Internet) ou celle dans le ressort duquel le dommage a été subi (CPC, art. 46, al. 2).
Dans les litiges internationaux soumis au droit communautaire des conflits de juridictions, le tribunal compétent en matière délictuelle ou quasi délictuelle est celui du domicile du défendeur (Cons. CE, règl. n° 44/2001, 22 déc. 2000, art. 2 : JOCE n° L 12, 16 janv. 2001, p. 1), ou celui où le fait dommageable s’est produit (Cons. CE, règl. n° 44/2001, 22 déc. 2000, art. 5, 3°). Les tribunaux français sont donc compétents pour connaître d’une action en contrefaçon dès lors que la livraison de produits contrefaisants est intervenue en France.
Le demandeur à l’action en contrefaçon d’une marque communautaire a la possibilité d’assigner le défendeur devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le fait de contrefaçon a été commis ou menace de l’être (Cons. CE, règl. n° 207/2009, 26 févr. 2009, art. 97). Le TGI de Paris, seul tribunal habilité en France à connaître des actions en contrefaçon de marque communautaire (COJ, art. R. 211-7), est de ce fait compétent pour juger l’action en contrefaçon d’une marque communautaire apposée sur des produits introduits sur le territoire français (CA Paris, 10 avr. 2009, n° 08/03783).
C’est donc à bon droit que le tribunal judiciaire de Paris vient de condamner pour contrefaçon une société ayant commandé en Chine des écussons arborant le logo mondialement connu des Rolling Stones et des éléments du drapeau breton.
B) Interdiction de l’usage de la marque renommée
Une marque renommée pourra être opposée par son titulaire à des dépôts ou des usages postérieurs non autorisés de la marque (ou d’une marque présentant des similitudes) pour des produits ou services identiques, similaires et désormais différents. La protection étendue (au-delà du principe de spécialité) bénéficiera donc aux marques renommées dans tous les États membres sans que les produits et /ou services de la marque seconde en date soient nécessairement identiques ou similaires à ceux de la marque renommée.
L’ordonnance a permis au titulaire d’interdire l’usage de sa marque dans la vie des affaires par un tiers non autorisé dans deux cas. D’une part, si le signe est identique à la marque et est utilisé pour des produits et services identiques à ceux couverts par celle-ci (double identité).
D’autre part, lorsque le signe est identique ou similaire à cette marque et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés (hors double identité), s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public (CPI, art. L. 713-2). Les atteintes portées à une marque renommée sont expressément prohibées sous certaines conditions, qui, si elles sont réunies, entraînent une sanction au titre de la contrefaçon et non plus sur le fondement de la responsabilité civile (art. L. 713-3).
L’ordonnance a également permis d’interdire des marchandises en transit suspectées de contrefaçon est rétablie. Les autorités douanières pourront réaliser des retenues sans que le titulaire de la marque ait à prouver que ces produits sont destinés à un État où leur commercialisation est interdite (CPI, art. L. 713-3-2). En outre, il sera possible d’interdire des actes préparatoires à la contrefaçon, tels que l’usage de conditionnement, d’étiquettes, de marquages, de dispositifs de sécurité ou d’authentification ou de tout autre support sur lequel est apposée la marque (art. L. 713-3-3).
L’article L.713-3-1 du CPI dispose par ailleurs que sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :
1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;
2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe ;
3° L’importation ou l’exportation des produits sous le signe ;
4° L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale ;
5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité ;
6° L’usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;
7° La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.
Ces actes et usages sont interdits même s’ils sont accompagnés de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode ».
Pour terminer, il faut noter que le Tribunal a dans l’affaire en l’espèce exclut la qualification de concurrence déloyale ainsi que celle de parasitisme, mais il caractérise la contrefaçon par imitation de marque de l’Union européenne et de contrefaçon de droits patrimoniaux d’auteurs. Il condamne le breton Early Flicker à une amende de 10 000 euros pour réparation du préjudice moral, de 5 000 euros pour atteinte aux droits d’auteur et de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sources :
https://www.plass.com/fr/articles/prouver-la-renommee-de-sa-marque-mais-pas-uniquement
https://www.magazine-decideurs.com/news/contrefacon-les-rolling-stones-obtiennent-satisfaction
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039381598
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039377334