La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a étendu l’incrimination du harcèlement moral au-delà de la sphère conjugale (C. pén., art. 222-33-2-1) et des relations de travail(http://www.murielle-cahen.com/publications/page1735.asp) (c.pén.,art. 222-33-2). Cette infraction est désormais également caractérisée lorsqu’elle est commise sur internet. En pratique, internet étant un moyen de communication accessible dans toute la France (et même hors de ses frontières), tous les tribunaux du pays seront donc compétents.
L’article 222-33-2-2, introduit par la loi pour légalité réelle entre les femmes et les hommes qui dispose que « Le fait d’harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail », notamment « lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ». Ce qui implique que l’harcèlement en ligne ou cyber-harcèlement est un délit enfin reconnu par la loi.
Un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende (hors circonstances aggravantes), c’est désormais ce que risque tout auteur de harcèlement moral (c. pén., art. 222-33-2-2).
Dorénavant, le code pénal comporte une infraction générale et des infractions spécifiques relatives au harcèlement moral. Cet article prévoit des circonstances aggravantes notamment lorsque les faits ont été commis sur internet.
Par ailleurs, cette loi du 4 août 2014 instaure également l’incrimination du harcèlement par voie de messageries électroniques (courriels, messageries privées sur les réseaux sociaux...). L’article 222-16 du code pénal est ainsi complété́.
COMPETENCE DES TRIBUNAUX FRANCAIS
En matière délictuelle, le tribunal compétent est, en vertu de l’article 689 du code de procédure pénal et de l’article 113-2 du code pénal qui régissent l’application de la loi française et la compétence des tribunaux français, le lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire. Or, sur internet, le fait dommageable se produit dans tous les lieux où les informations ont été mises à la disposition des internautes.
Par conséquent, la victime de cyber-harcèlement pourra saisir le tribunal de son choix la juridiction du lieu où demeure le défendeur ou la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi (art. 46 NCPC).
Selon trois arrêts rendus le 22 janvier 2014, la Cour de cassation a jugé que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître des atteintes aux droits sur internet, dès lors que les contenus litigieux sont accessibles en France. Le lien de rattachement au public français, régulièrement exigé par les juges du fond pour justifier de leur compétence, ne semble plus devoir être démontré.
Dans le cas où le défendeur est domicilié dans l’un des Etats européens liés par le règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), le tribunal compétent est celui du lieu où le fait dommageable s’est produit, ou risque de se produire » et celui « du lieu où la personne lésée a le centre de ses intérêts » (CJUE 25 octobre 2011, qui « correspond en général à sa résidence habituelle » (CJUE 25 janvier 2014), en l’occurrence la France.
Pour la Cour de Justice européenne, « le critère de la matérialisation du dommage (…) confère compétence aux juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel le contenu mis en ligne et accessible ou l’a été ».
Pour la Cour, l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » vise à la fois « le lieu de matérialisation du dommage » et « le lieu de l’évènement causal » défini comme « le fait dans lequel le dommage allégué trouve son origine », « de sorte que le défendeur peut être attrait devant le tribunal de l’un ou de l’autre de ces deux lieux ».
Les victimes de cyber-harcèlement pourront désormais non seulement saisir les tribunaux français, mais encore se prévaloir de la législation française et ce même si le ou les articles, commentaires offensants ne sont pas écrit en français.
I. La généralisation du délit de harcèlement moral
A. Les nouveaux contours juridiques
Le harcèlement moral se définit comme une conduite abusive de toute personne, de tout groupe, de tout supérieur hiérarchique, collègue ou collaborateur, qui, sur une certaine durée, se manifestera par des comportements, des actes, des paroles, des écrits effectués de manière systématique et répétée, visant la même personne ou le même groupe de personnes, dans le but implicite ou explicite de porter gravement atteinte à sa personnalité, à sa dignité et à son intégrité psychique ou physique, ainsi qu’à sa condition de vie.
Dans un arrêt en date du 26 septembre 2014, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés ses agissements. La répétition des agissements, obligatoire afin que l’infraction soit caractérisée, la dégradation des conditions de vie et les conséquences sur la victime sont des éléments particulièrement analysé en matière d’harcèlement moral.
La généralisation du délit de harcèlement moral vise notamment à sanctionner l’usage des nouvelles technologies, et en l’occurrence d’internet, pour humilier, se moquer, injurier, de manière répétée une personne. Selon le Ministère de l’Education Nationale, le cyber-harcèlement est un « acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ».
Le harcèlement moral est désormais réprimé sans tenir compte du contexte dans lequel il se manifeste. Le législateur a pris conscience qu’il existe des situations diverses et variées, autres que les relations de travail ou de couple, dans lesquelles la fragilité de la personne est mise à l’épreuve.
B. Les circonstances aggravantes propres au nouveau délit d’harcèlement moral
La pratique montre que de très nombreux adolescents se disent victimes de harcèlement sur internet. Le préjudice pour les victimes est souvent gravissime dans la mesure où les propos peuvent rester accessibles au public longtemps après les faits.
C’est pourquoi, la sanction pourra être alourdie à trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende lorsque la victime est considérée comme "vulnérable", ce qui pourra être le cas d’enfants ou de jeunes adolescents, ou de personnes âgées :
(…)Lorsqu'ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ; Lorsqu'ils ont été commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne.
Ainsi, en début d’année 2016, un cyber harceleur anglais a été condamné pour persécution et harcèlement moral sur internet contre une personne âgée et malade de surcroit, bien que les propos retenus ne soient pas de la diffamation proprement dite selon le tribunal.
Rappelons qu’il faudra démontrer le caractère répété des propos qui caractérise le harcèlement. Ainsi, le nouveau délit n’a pas vocation à remplacer ou à se substituer aux injures diffamation ou cas de dénigrement, qui permettent de poursuivre des propos pris isolement.
II. Cyber-harcèlement et autres atteintes sur internet
Jusqu’à la création de l’article 222-33-2-2 du Code pénal, l’arsenal juridique à la disposition des victimes d’actes de harcèlement sur internet n’était pas satisfaisant.
Certes, il était possible de poursuivre l’auteur de propos diffamants ou injurieux sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou sur le terrain du droit à l’image. Toutefois, il était donc très compliqué, pour les victimes d’actes de harcèlement, de faire condamner l’auteur de propos abusifs au visa de la loi de 1881. En outre, les délais dans lesquels il est possible de se plaindre, sont très courts quand ils sont relatifs à la diffamation ou à l'injure : trois mois à compter de la première mise en ligne, y compris sur internet.
Injure
La loi du 29 juillet 1881 sur les infractions de presse réprime de nombreux agissements : propos diffamatoires, injurieux ou dénigrant. Mais attention, les juges exigent que les fondements et les infractions soient clairement distingués.
L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit également l’injure : « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ». Il existe cependant une excuse de provocation. L’injure, regroupe par exemple toutes les expressions visant une personne et qui manifestent un mépris, une critique infondée.
Une injure publique est réprimée par la loi de 1881 (article 33), qui la punit d’une amende de 12 000 euros. L’auteur d’une diffamation publique encourt quant à lui une peine d’emprisonnement d’un an et/ou 45 000 euros d’amende.
Diffamation
Ce même article de la loi de 1881, définit la diffamation comme le fait de porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne lui imputant un fait précis. Une simple critique ou appréciation de valeur ne peut constituer une infraction.
Publique ou non publique
Les sanctions ne sont pas les mêmes selon une l’infraction en cause s’est faite par voie de presse (publiquement), y compris par voie électronique depuis la LCEN ou de manière privée. Si l’infraction a eu lieu publiquement, sur internet par exemple, il s’agit d’un délit et non d’une contravention et les sanctions sont plus sévères : amende et peine d’emprisonnement.
Cependant, un auteur poursuivi pour diffamation ou injure peut démontrer qu’il a tenu les propos en cause dans un but légitime et exclusif de toute animosité personnelle, il s’agit de produire des éléments prouvant la réalité des faits ou bien faire la démonstration de sa bonne foi (exception de vérité).
Dénigrement
Le dénigrement consiste à discréditer publiquement une personne ou une entreprise. C’est un usage fautif de la liberté d’expression, au sens de l’article 1382 du Code civil dès lors que l’auteur du dénigrement a le dessein de nuire et porte préjudice à autrui. Dans le cadre du dénigrement, la victime pourra réclamer des dommages et intérêts.
Le délai pour faire une action en justice dans ce cas est plus long que les 3 mois à compter de la parution des propos offensants, des infractions de presse.
Sources :