Le testament permet de transférer son patrimoine lors de son décès, mais qu’en est-il des dons lors de notre vie ? Existe-t-il des procédés permettant d’outrepasser les règles prévues par le droit commun et l’administration ?
La donation fait partie de ce que l’on nomme les libéralités comprenant les donations ainsi que les testaments. La donation se définit généralement comme un contrat unilatéral devant être accepté par le donataire avant le décès du donateur.
La donation déguisée est un contrat réalisant le transfert de propriété d’un bien donné appartenant au patrimoine du donateur vers celui du donataire. Il y a toujours deux actes inhérents à la donation, la première étant le transfert de propriété d’un patrimoine à l’autre et la seconde étant la gratuité du titre. Concernant la donation déguisée étant un contrat certaines obligations sont imposées aux parties par le législateur.
Le but principal de la donation déguisée est d’avantager en toute discrétion un héritier ou plus souvent, pour réduire le montant de l’impôt à payer, il est parfois tentant de déguiser la donation en lui donnant une autre apparence.
La donation déguisée, se caractérise par le don d’une somme d’argent ou un bien, le donateur préétablira par exemple une fausse reconnaissance de dette du montant qu’il entend donner.
Prenons un exemple afin de mieux expliciter notre propos : une dame âgée de 88 ans souhaite donner 50 K à sa cousine Éléonore. Afin d’éviter les droits de donation au taux de 55 %, elle va établir une reconnaissance de dette d’un montant de 50 K au profit de Éléonore. Le versement des 50 K Eléonore aura l’apparence d’une dette à rembourser et non d’une donation.
Autre possibilité : consentir un prêt à Éléonore et lui établir par la suite des reçus attestant du remboursement (en réalité inexistant) du prêt.
Pour donner un bien, déterminé, le procédé le plus courant est le fait de déguiser une donation en simulant une vente.
Exemple : Monsieur R âgé de 92 ans possède un appartement d’une valeur de 300 K qu’il voudrait donner à son petit neveu, après rapide calcul on sait que cette donation au taux de 55 % lui coûtera la maudite somme de 165 K de droit, alors que la vente elle ne lui ramènerait le coût fiscal de l’opération à 15 K. Un contrat de vente sera donc conclu entre Mr R et son neveu, qui convienne du prix de vente, celui-ci ne sera pas versé ou que ce prix sera converti en rente viagère ou même en obligation de soins, cela aura pour conséquence une quasi absence de prix, compte tenu de l’âge du donateur.
Bien qu’à première vue inoffensif dans son procédé, la donation déguisée est une dérive susceptible de bien des maux , aussi il sera judicieux d’observer l’appréciation de la donation déguisée (I) ainsi que les dangers relatifs à la donation déguisée (II)
I) L’appréciation de la donation déguisée
Dans un premier temps il sera intéressant d’observer la caractérisation de la donation déguisée dans le droit commun (A) ainsi que les modes de preuves associées (B)
A) La donation déguisée dans le droit commun
La donation est en principe valable selon l’article 983 du Code civil à la condition de respecter les formes exigées par la loi dans les articles 931 à 933 et l’article 948 du Code civil. La donation est en principe un contrat formaliste.
Au plan civil la donation déguisée est valable (Cass 1er civ 6 novembre 2013 n°12-23.363), elle est néanmoins réprimée sur le plan fiscal. (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028175011&fastReqld=298645521&fastPos=1)
La donation déguisée se fonde sur la simulation ou dissimulation aussi il est important que cette libéralité atypique se doit de respecter les conditions de validité de l’acte dont elle prend la forme.
Lorsque les parties décident de dissimuler sciemment la donation à l’administration fiscale, elles le font en lui donnant l’apparence trompeuse d’un acte à titre onéreux concernant la vente, concernant une reconnaissance de dette celle-ci sera opérée sans établissement de contre lettre.
Dans la majeure partie des cas, la donation déguisée se compose de deux actes : le premier étant un acte culte ou secret qui correspond à la donation, mais peut aussi être une contre-lettre et le second est un acte à titre onéreux en apparence.
L’acte dissimulé c’est-à-dire la donation déguisée correspond à une volonté réelle et intentionnelle des parties, mais emprunte la forme d’un acte à titre onéreux.
De telles donations ont été considérées très rapidement par la jurisprudence comme valable (Cass. Cass. 1er civ 27 octobre 1993) bien que ne respectait pas le formalisme prévu à l’article 931 du Code civil, en effet officiellement, il n’est pas possible de les considérés comme des donations, car elles n’en disposent que non, en réalité les actes ne peuvent pas respecter l’article précité. (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXTE000007031345)
Ces donations doivent satisfaire des conditions de fond similaire à chaque donation c’est-à-dire le dépouillement actuel et irrévocable et intention libérale) et aux conditions de forme requise pour la constitution des actes dont elles empruntent l’apparence comme la rappeler la Cour de cassation en sa première chambre civile le 29 mai 1980. (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idText=JURITEXT000007006048)
L’opération que l’on vient de décrire est en principe valable sauf exception celle intervenue entre époux avant le 1er janvier 2005 qui seront considérés comme nuls. Mais concernant les risques encourus si la donation parvient à la connaissance de l’administration fiscale ou des autres héritiers.
B) Prohibition et preuve de la donation déguisée
La preuve de la donation déguisée peut être rapportée par tout moyen c’est-à-dire que les tiers, héritiers qui souhaitez le rapport ou la réduction ou même par l’administration fiscale visant le paiement des droits de donations, c’est le droit commun qui encadre la preuve. Le Code civil a prévu des présomptions de gratuité prévue à l’article 918 du Code civil.
L’administration fiscale invoque généralement un ensemble d’éléments de nature à emporter la conviction des juges.
Prenons comme exemple : la qualité du vendeur, son âge, son état de santé, ces relations avec la partie achetée esse, si l’argent a été retrouvé ou non dans la succession.
En fonction de la qualité de l’acheteur observé si c’est un héritier ou légataire du vendeur, voir s’il avait le moyen de payer. (CA Nîmes 12-9-2013 n° 12/02882).
La conversion du prix de vente, si ce prix de vente a été converti en rente viagère ou en obligation de soins (Cass.Com, 6-1-2015 n° 13-25-049 : RJ15 n° 370) (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idText=JURITEXT000030080719)
On observe aussi la situation financière des intéressés voire si celle-ci était dégradée concernant les acquéreurs en viager au jour de la vente compromettait le paiement du prix et le vendeur est décédé moins d’un an plus tard (CA Paris 15-11-2016 n° 2015/09369) (https://www.legifiscal.fr/jurisprudences-fiscales/084-reqalification-en-donation-deguisee.html)
Le prêt d’une somme de six millions d’euros ne prévoit aucun terme et ne stipule pas d’intérêts, l’emprunteur en l’espèce était le fils du prêteur, ce dernier était âgé de 80 ans les prêts se sont succédé sans qu’il n’y ait aucun remboursement en contrepartie de ceux-ci (Cass Com 8-2-2017 n° 15-21.366F-D : BDP 2/17inf 66) (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idText=JURITEXT000034044417&fastReqld=23766678&fastPos=1)
II) Les enjeux relatifs à la donation déguisée
La donation déguisée dispose d’un double enjeu le premier au sens de l’administration fiscale (A) et le second au sens des héritiers (B)
A) Les enjeux fiscaux et ses sanctions fiscales
L’administration fiscale porte une attention particulière sur les donations déguisées en effet elles sont bien souvent réalisées sous cette forme dans l’unique objectif de contourner les règles prévues par l’administration fiscale notamment en matière de droit de mutation à titre onéreux. La donation déguisée relève de la notion d’abus de droit non pas au sens du droit commun, mais au sens du droit fiscal, les droits de mutation à titre gratuit ainsi que des pénalités dû au titre de l’article 1729 du Code général des impôts. (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577&idArticle=LEGIARTI000006312893)
Les sanctions fiscales sont très lourdes : la donation déguisée relève de la procédure de répression des abus de droits, ce qui signifie que si l’administration parvient à prouver qu’il y a eu donation déguisée , elle sera en mesure d’exiger les droits qui auraient normalement dû être acquittés , elle pourra en plus prévoir une pénalité de 80 % sur le montant de ces droits et un intérêt de retard de 4,80 % par an.
L’administration fiscale si elle n’a pas immédiatement taxé la vente au titre d’une donation déguisée, elle pourra néanmoins se rattraper au moment du règlement de la succession, sauf preuve contraire, une maison vendue avec réserve d’usufruit à un futur héritier est censé rester la propriété du vendeur, donc l’enfant devra payer ces droits de succession sur la valeur de la pleine propriété de la maison, et ça comme ci il n’en avait pas déjà acheté la nue-propriété (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000017923873&cidTexte=LEGITEXT000006069577).
B) Une source de conflits entre les héritiers
La donation déguisée peut aussi entraîner des conflits entre les héritiers lors du règlement de la succession. Supposons que la donation déguisée est une donation au même titre que les autres, cela emporte comme conséquence :
Si la donation déguisée a eu pour bénéficiaire l’un des héritiers du donateur, le montant donné devra être en principe être ajouté à la succession (avance d’hoirie) pour déterminer la part de chacun.
Si le donateur laisse des enfants (ou un conjoint survivant) au jour du décès, la donation déguisée pourra être réduite si elle empiète sur la part que la loi réserve aux héritiers.
Si le donataire dissimule sciemment la donation aux autres héritiers dans le but de rompre l’égalité de partage entre hériter, il encourt alors une peine liée au recel successoral (Cass 1er civ 1-2-2017, donation déguisée au profit de la veuve du donateur dissimulée par cette dernière aux héritiers).
« Les juges peuvent se fonder sur les circonstances et les caractéristiques des actes en cause pour les requalifier en donations déguisées. Tel est le cas, par exemple, de prêts successifs sans intérêt d’un montant de 6 millions d’euros d’une mère à son fils sans remboursement. La Cour de Cassation dans un arrêt du 8 février 2017 (https://droit-finances.commentcamarche.com/contents/1005-donation-deguisee-les-risques) a ainsi estimé que l’intention libérale était démontrée, l’âge de 99 ans de la mère, lors du terme du premier prêt, rendant aléatoire l’obligation de remboursement. »