Qu’est ce qu’une donation indirecte

Publié le 04/03/2020 Vu 5 615 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Une libéralité est un acte de disposition à titre gratuit, les libéralités en droit des successions comprennent les donations et les legs.

Une libéralité est un acte de disposition à titre gratuit, les libéralités en droit des successions compr

Qu’est ce qu’une donation indirecte

La donation est un acte de dévolution opéré par contrat pouvant avoir lieu entre vifs, il s’agit alors d’une donation, mais elle peut également être un acte à cause de mort dans le cadre d’une succession.

L’article 894 du Code civil définit la donation comme un acte unilatéral par lequel le donateur se dépouille volontairement, actuellement et irrévocablement, sans contrepartie et dans une intention libérale, d’un bien présent lui appartenant en faveur d’une autre personne désignée comme le donataire qui l’accepte.

Dans le cadre d’une
donation, deux actes sont donc à prendre en compte le premier étant une intention libérale et le second étant un appauvrissement sans contrepartie pour le donataire.

Le législateur voit d’un mauvais œil la donation en effet elle peut être vu comme un acte grave d’appauvrissement aussi le législateur afin de palier à des abus à décider d’entourer les donations d’un formalisme contraignant particulier.

L’article 931 du Code civil prévoit que toute donation entre vif doit être passé devant un notaire, la forme de l’acte est donc authentique à peine de nullité absolue.
L’action en nullité concernant les donations peut être engagée par toutes personnes intéressées, la prescription de l’action en nullité est de cinq ans depuis la loi du 17 juin 2018.

Il existe néanmoins plusieurs exceptions au formalisme imposé dans le Code civil notamment concernant les dons manuels, les donations déguisées et les donations indirectes.

Une donation indirecte est une donation réalisée par un acte qui n’est pas une donation, elle n’est donc pas soumise au formalisme prévu à l’article 931 du Code civil.

La donation dite indirecte est une forme donation utilisée bien souvent dans le but d’avantager un proche, famille ou un tiers, cette donation indirecte pourra prendre plusieurs formes en fonction de l’acte choisit par le  donateur.

Bien que ne paraissant pas complexe la donation indirecte revêt une complexité qu’il convient d’analyser attentivement la donation indirecte au travers de ces spécificités (I) et les conséquences que peut entraîner une donation indirecte (II)

                                          

I) Caractéristique de la donation indirecte

La donation indirecte comme définie précédemment constitue un acte juridique particulier distinct de la donation déguisée (A) ayant des caractéristiques spécifiques (B)

 

A) La distinction entre donation indirecte et donation déguisée

La donation indirecte se distingue de la donation déguisée sur bien aspects, le premier aspect qu’il convient d’observer ici sera l’acte en lui-même.

À la différence de la donation déguisée dans laquelle on distingue clairement un mensonge, déguisement, une intention de se soustraire à la fiscalité, dans la donation indirecte l’acte est dit « taisant » c’est-à-dire qu’il est non ostensible, sans aucune simulation. Pour ainsi dire l’acte ne révèle aucune intention libérale, mais il ne la dissimule pas pour autant. Il est possible de constater dans la donation indirecte qu’il n’existe pas à proprement parler d’un acte dissimulé et un acte apparent, il n’y a qu’un seul acte autre que l’acte de donation et qui sera le plus souvent un acte « neutre ».

Cet acte au sens de « negotium » est le vecteur qui implique le dessaisissement irrévocable est nécessaire.
Ces donations ne sont pas établies au moyen d’un acte notarié, mais restent néanmoins valables, elles emportent des conséquences similaires à une donation effectuée devant un notaire.

On constate que contrairement à la donation déguisée pour laquelle l’enjeu le plus grand sera d’ordre fiscal, dans la donation indirecte il y a le problème de protéger les héritiers en effet lorsque le donateur a eu des enfants ou à défaut s’il meurt en laissant un conjoint survivant les donations indirectes faites de son vivant pourront normalement être déduite voire totalement déduite après son décès conformément à la règle dite de la réduction des donations.

 

B) Caractéristiques de la donation indirecte

La donation indirecte se caractérise par sa transparence dans l’acte, les différentes formes revêtues par la donation indirecte sont au nombre de quatre :

Il convient d’observer dans un premier temps la donation indirecte sous la forme d’une remise de dette :

En l’espèce il s’agit pour le créancier de garder le silence c’est-à-dire de ne pas réclamer la totalité de sa créance au débiteur et ainsi de le libérer de son obligation de remboursement de la dette, ici il y a bien acte avantageux pour une personne, la dette n’est pas récupérée par le créancier, ce n’est pas un don direct, mais bien une donation indirecte.
Un exemple illustre parfaitement ce type de donation indirecte, le prêt sans intérêt au sein des familles peut à juste titre être considéré comme une donation indirecte.

L’acte juridique est ambigu, prenons l’exemple de l’assurance vie ou de la stipulation pour autrui, l’acte ici prendra la forme de la souscription par le donateur d’une assurance vie au profit du donataire, il n’y a aucune contrepartie ou avantage pour le donateur si ce n’est le bénéfice pour le donataire en cas de décès. Le cas de la souscription de contrat d’assurance vie est très répandu et souvent observé en jurisprudence (Cour de cassation chambre mixte 21 décembre 2007 requalification en donation d’un contrat d’assurance vie).

Au-delà de l’acte principal la qualification de donation indirecte sera retenue dès lors qu’est établie l’intention libérale de l’acte, 3e Civ., 31 mai 1989, pourvoi n° 88-11.524, Bull. 1989, III, n° 126.

La qualification n’est malgré tout pas facile et même source de divergence et décisions de jurisprudence, on retiendra notamment que l’intention libérale, la preuve de l’intention libérale est libre et peut se faire par tout moyens même par présomption (1re Civ., 5 janvier 1983, pourvoi n° 81-16.655, Bull. 1983, I, n° 10  ; 1re Civ., 24 novembre 1987, pourvoi n° 86-10.635, Bull. 1987, I, n° 309.

 Mais l’intention libérale peut aussi s’induire de la forme de l’acte (donation résultant d’un acte notarié) ou, dans le don manuel, de la tradition par remise de la chose, la présomption de titre étant attachée à la possession et elle peut s’induire aussi des circonstances, par exemple
la vente à vil prix dans le but de faire plaisir à l’acquéreur est une donation (1re Civ., 6 janvier 1969, pourvoi n° 67-10.401, Bull. 1969, I, n° 8).

 

La donation indirecte peut aussi prendre la forme de la renonciation à un droit tel que la renonciation à une succession ou le fait de renoncer à exercer un recours subrogatoire contre le débiteur dans le cadre du cautionnement sous réserve de prouver l’intention libérale ( casse 1er Civ 16 mars 1999).

En général cela peut se caractériser comme tout contrat synallagmatique dès lors que celui-ci dispose d’une situation manifeste de déséquilibre et à la condition de prouver l’intention libérale.

 

II) Les conséquences attachées à la donation indirecte

La donation indirecte peut entraîner une assimilation avec l’avance d’héritage (A), mais il existe aussi des conséquences quant à la dissimulation de la donation directe (B)

 

A) La donation indirecte assimilée à l’avance d’hoirie dans le cadre du legs

En principe, une fois déterminé l’actif net de la succession à laquelle il faut additionner les donations rapportables consenties aux héritiers avant de procéder au partage. Chaque héritier recueille ensuite sa part déduite des donations reçues. Ce principe se nomme le « rapport » des donations à la succession afin de maintenir l’égalité entre les héritiers.

Seuls les héritiers sont tenus de rapporter les donations antérieures à la succession, en effet il paraît logique qu’une personne ne participant pas à la succession puisse conserver la ou les donations reçues par le défunt. Au même titre qu’un héritier renonçant à la succession n’est pas tenu rapporté, les donations reçues du défunt lorsque ces donations ont effectué à titre « préciput » ou « hors part » c’est-à-dire que l’on ne considère pas dans cette donation que le montant de la libéralité fait partie de la succession.

Il existe la possibilité déléguer par testament un bien donné ou une partie de ces biens un «  légataire » s’il n’est pas en même temps héritier, dans ce cas précis il n’est pas dans l’obligation de rapporter les donations perçues avant le décès du donateur.

La loi pose néanmoins afin d’éviter les conflits entre les héritiers, une présomption de non-rupture de l’égalité si l’un d’eux avait reçu du défunt une donation antérieure, il sera donc à la charge de celui qui prétend à la rupture d’égalité entre les héritiers de rapporter la preuve de celle-ci.

 

B) La dissimulation de la donation indirecte

En théorie l’on tient compte comme énoncé précédemment de toutes les donations dans l’actif de la succession pour le calcul de la part revenant aux héritiers réservataires, mais qu’en est-il lorsqu’un héritier dissimule ces donations ?

Lorsqu’un héritier dissimule sciemment la donation qui lui a été accordée, il se rend coupable de recel successoral et par conséquent peut être privé de sa part d’héritage sur le bien donné.

Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 mars 2011 concernant une donation indirecte dans le cadre d’une succession vient traiter la question en précisant que «  les donations indirectes et les dons manuels sont présumés rapportables sauf dispense expresse […] la qualification de présent d’usage ne saura être retenu au regard de l’importance des sommes données et de la fortune du disposant ».

Ce qu’il faut déduire de cette décision dans le cadre d’une donation, si celle-ci a été consentie dans le but unique de rompre l’égalité entre les héritiers elle sera qualifiée de recel successoral.

La jurisprudence a défini le recel successoral du fait de l’absence de définition prévue par le Code civil. La définition donnée parla jurisprudence est la suivante « tout acte ou comportement ou procédé volontaires par lequel un héritier tente de s’approprier une part supérieure  sur la succession que celle à laquelle il a droit dans la succession du défunt et ainsi rompre l’égalité dans le partage successoral (Cass. Civ. 2er 15 avril 1890, 21 novembre 1999,20 septembre 2006).

Un élément matériel ici à retenir qui peut se caractériser d’une multiple façon telle que  la soustraction ou dissimulation de bien dépendant de la succession ou la non-révélation lors de l’inventaire de l’existence de biens successoraux que détenu par l’héritier receleur, ainsi que par la confection de faux testament.

L’article 778 du Code civil, bien que ne donnant pas une définition précise du recel successoral, s’empare de la problématique en précisant : « Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont où auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »

 

 

SOURCES :

(1)     https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006433497&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20070101

(2)     https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006433777&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20070101

(3)     https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/25537-donation-indirecte-definition

(4)     https://www.lesechos.fr/2008/02/assurance-vie-et-donation-indirecte-480500

(5)     https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2012_4571/livre_3_etude_preuve_4578/partie_2_charge_preuve_4582/titre_2_risque_preuve_4584/chapitre_1_attribution_risque_26214.html

(6)     https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007397037

(7)     https://www.avocats-picovschi.com/la-donation-indirecte-quelles-consequences-dans-la-succession_article-hs_129.html

https://www.village-justice.com/articles/recel-successoral-definition, 8615.html

Vous avez une question ?
Blog de Murielle Cahen

Murielle CAHEN

150 € TTC

7 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.