L’adoption de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique opère un véritable tournant. En créant un dispositif spécifique en son article 6, IV, le législateur admet d’une part l’autonomie du droit de réponse en ligne, mais rapproche également ce droit de réponse de celui applicable au droit de la presse écrite qui en constitue un véritable modèle.
Le droit de réponse sur internet permet à toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne d’obtenir la publication d’une réponse audit contenu (L. n° 2004-575 du 21 juin 2004, art. 6-IV). Pour qu’il puisse y être fait droit, cette demande doit se conformer à plusieurs critères concernant tant ses conditions d’exercice que sa forme ou encore son contenu. Se rapprochant à plusieurs égards du droit de réponse applicable à la presse écrite, le droit de réponse en ligne doit toutefois en être distingué.
D’abord, les entreprises peuvent exercer le droit de réponse institué par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Ce droit n’est pas nécessairement la réplique à une critique. Il est ouvert à toute personne physique ou morale nommée dans un article et désireuse de s’expliquer sur les circonstances ou les conditions qui ont provoqué sa désignation.
Ensuite, toute personne physique ou morale dispose d’un droit de réponse à la radio ou à la télévision et, d’une manière générale, sur tous les moyens de communication audiovisuelle lorsqu’il a été porté atteinte à son honneur ou à sa réputation (Loi 82-652 du 29-7-1982 art. 6).
Aussi, toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, parallèlement aux demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service ; cette réponse est toujours gratuite (Loi 2004-575 du 21-6-2004 art. 6, IV).
Enfin, par un arrêt du 27 juin 2018 la Cour de cassation estimait que ce droit était « général et absolu » et que « celui qui en use est seul juge de la teneur de l’étendue, de l’utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l’insertion ». Il convient maintenant d’aborder les modalités et les formalités d’exécution de ce droit de réponse.
I. Les acteurs du droit de réponse
A. Le bénéficiaire du droit de réponse
Le droit de réponse est attribué tant aux personnes morales qu’aux personnes physiques. Pour les entreprises notamment ce droit peut être indispensable pour protéger leur E-réputation commerciale et peut permettre de répondre en une seule fois à tout ce qui est dit sur elle. L’entreprise a certainement envie d’être concentrée uniquement sur son activité et ce droit de réponse lui évite une action en justice qui serait longue et coûteuse.
Pour bénéficier de ce droit, il n’est pas nécessaire de justifier son exercice. Il n’y a pas non plus besoin de démontrer que les propos tenus qui sont l’objet de la réponse ont causé un quelconque préjudice. Il est donc possible d’exercer ce droit même si le contenu initial est positif, voire élogieux. Si la personne physique veut que son avocat réponde à sa place alors elle doit lui remettre un mandat spécial. Une personne morale exercera ce droit par l’intermédiaire de son représentant légal.
La nomination ou la désignation d’une personne permet à cette dernière de bénéficier de ce droit de réponse. Dans la presse ce droit est activé dès que la personne est nominée ou désignée. Il n’y pas réellement besoin que la personne soit nommée dans la publication pour avoir droit à cette réponse. Il suffit simplement qu’elle soit facilement identifiable. Mais il est important de préciser que seule cette personne peut exercer ce droit de réponse.
B. Le destinataire du droit de réponse
Des conditions très strictes quant à la personne à qui ce droit de réponse est destiné ont été élaborées. La réponse doit être adressée au directeur de la publication à l’adresse du siège social du journal. Il faut savoir que c’est ce directeur de publication qui est pénalement responsable de ce qui est dit dans un journal. Si la réponse ne lui est pas adressée, elle sera alors irrecevable (Cass, Civ, 2eme, 29 avril 1998).
Sur une page web, le code de la consommation impose que des mentions légales y soient mentionnées. Le législateur a rendu ces précisions obligatoires pour la création d’un site. Toutefois certaines particularités doivent être mises en lumière. Ainsi pour le cas des blogs il faut avoir à l’esprit qu’il s’agit de sites simplifiés. A ce titre ils sont soumis au droit applicable à tout service de communication en ligne tel qu’il est défini dans la Loi pour la Confiance dans l’Économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004. Ainsi, l’article 6 alinéas 3-2 de la Loi dispose que tout blogueur, quel que soit son âge, est considéré comme un éditeur et un directeur de publication de contenu sur internet. Dans ce cas le blogueur est le directeur de publication se confondent.
Ces informations doivent permettre à la personne de savoir à qui adresser son droit de réponse. Si ces informations font défaut, c’est notamment le cas des sites anonymes alors il faut adresser une demande à l’hébergeur du site qui la retransmettra à l’éditeur.
En matière de publication écrite, ce droit de réponse ne peut être adressé qu’à certains médias, mais pas à d’autres. De ce fait il est possible de demander un droit de réponse lorsqu’un article paraît dans la presse écrite. Mais les publications écrites non périodiques telles que les livres, les desseins, les photographies comme les selfies ou les affiches par exemple sont donc exclues.
Il est aussi possible de bénéficier d’un droit de réponse en matière de presse audiovisuelle ou sur internet. Toutefois sur ces autres supports ce droit est beaucoup moins large que dans la presse écrite. En effet, sur internet, c’est le deuxième alinéa de l’article 1er du décret du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse applicable aux services de communication au public en ligne et pris pour l’application de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 qui s’applique. Il dispose que le droit de réponse ne peut pas être engagé « lorsque les utilisateurs sont en mesure, du fait de la nature du service de communication au public en ligne, de formuler directement les observations qu’appelle de leur part un message qui les met en cause ». Autrement dit ce droit est exclu pour les sites où il est considéré que la personne concernée peut répondre directement par les services de messagerie disponibles sur la plateforme.
Si la personne veut contester les propos qui sont tenus sur ces pages web elle aura trois mois pour le faire à partir de la publication des messages litigieux. Elle devra porter plainte devant la justice qui utilisera différents moyens pour essayer de récupérer des preuves utiles au litige.
La possibilité de contester ou de commenter des propos qui ne seraient ni dénigrants, ni insultants ou diffamants n’est pas ouverte en matière de communication audiovisuelle c’est-à-dire la télévision ou la radio. Les propos qui sont donc tenus à la radio ou à la télévision n’ouvrent un droit de réponse qu’à la condition d’une atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne.
II. Les formalités liées au droit de réponse
A. Le respect d’un formalisme dans la rédaction de la réponse
Dans son contenu la réponse doit respecter un certain formalisme. De ce fait elle ne doit pas comporter de propos qui seraient contraires à la loi, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Pour se défendre la personne ne peut donc absolument pas tenir des propos injuriants, diffamants ou dénigrants et ce peu importe l’ampleur du préjudice qu’elle a subi. Ce formalisme va encore plus loin puisque la réponse ne doit pas porter atteinte à des tiers ou à l’honneur de la personne ayant tenu les propos à l’origine du droit de réponse.
L’encadrement de cette réponse est très strict puisqu’il impose à la personne de ne pas aborder des sujets qui ne figurent pas dans le texte initial. D’ailleurs avant même de pouvoir répondre la personne doit faire une demande dans laquelle il est précisé les points sur lesquels elle aimerait revenir et la teneur de son message. Des règles sur la taille de la réponse sont également prévues et autorise à ce qu’elle atteigne 50 lignes même si le texte critiqué est d’une longueur moindre. En revanche elle ne peut pas excéder 200 lignes même si le texte commenté est d’une longueur supérieure.
En conséquence, si le calcul du nombre de lignes de l’article et de la réponse relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, en revanche, la comparaison de la longueur de l’article et de la réponse est contrôlée par la Cour de cassation.
Ce droit est réglementé dans son contenu. Mais des règles concernant la procédure d’envoi de la réponse sont aussi à prévoir. Il est ainsi limité dans le temps. La personne concernée doit donc exercer son droit dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’écrit original. Il n’y a aucune possibilité de prolonger ce délai. Pour des raisons de preuves, il faut envoyer cette réponse par lettre recommandée avec accusé de réception. Si ces exigences ne sont pas satisfaites alors celui qui reçoit cette réponse pourra refuser de publier ce message. Il faudra alors régler le litige devant les tribunaux si l’auteur de la réponse veut vraiment répondre aux allégations portées à son encontre. S’il s’agit d’un site internet étranger, il faudra étudier la compétence des juridictions françaises.
B. La publication du droit de réponse
Lorsqu’il reçoit la réponse, le directeur de publication doit obligatoirement l’insérer dans son journal si elle respecte les formalités dans le fond et la forme. L’article 13 de la loi de 1881 dispose que l’insertion de la réponse doit être « faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée et sans aucune intercalation ». Le but est donc d’assurer à l’auteur de la réponse que sa réponse sera lue dans les mêmes conditions que le texte initial. Ainsi les lecteurs auront les deux versions de l’affaire côte à côte et pourront se faire leur propre avis. Aucun des deux textes ne bénéficiera d’une promotion supérieure à l’autre et les deux auteurs ne seront donc pas lésés. Ces conditions identiques à l’article et à la réponse servent pour une certaine neutralité de l’information.
Le directeur de publication n’a aucun pouvoir sur la réponse qu’il reçoit. Ce qui signifie que si elle est conforme aux règles d’usage dans ce domaine alors il doit la publier telle quelle. Il ne peut apporter aucune modification, il doit la publier intégralement. Il n’a pas à donner son avis sur cette réponse et ne peut donc pas juger ou apprécier son bien-fondé.
Sur internet et en matière de presse écrite le délai pour publier la réponse est de trois jours suivants sa réception. C’est pourquoi il est important d’envoyer la réponse en lettre recommandée avec accusé de réception pour établir de façon certaine la date de l’envoi. Si le journal ne paraît pas quotidiennement alors elle doit être publiée dans l’édition qui suivra le surlendemain de la réception. Le délai est de huit jours en matière audiovisuelle.
Si le droit de réponse est refusé alors que toutes les formalités ont bien été respectées la loi prévoit quelques solutions pour y remédier. L’auteur de la réponse peut déposer une plainte pénale en refus d’insertion. Cette plainte devra être déposée dans les trois mois à compter de la date à laquelle la réponse aurait dû paraître. Il est aussi possible d’opter pour une procédure en référé qui permettra de forcer le directeur de publication à insérer ce droit de réponse.
Les fake news peuvent par exemple faire l’objet d’une procédure en référé depuis la loi du 22 décembre 2018. Cette loi a pour but d’empêcher la prolifération de fausses informations en période de campagne électorale. Mais le Conseil constitutionnel a estimé que le juge pouvait interdire la diffusion d’une information uniquement si le caractère inexact ou trompeur de l’information était manifeste. Pour les scrutins électoraux, il faut que le risque d’altération de la sincérité du scrutin soit également manifeste.
Pour lutter efficacement contre des propos délictueux en ligne il peut être intéressant de se pencher sur la question de l’identité numérique. A ce sujet se pose notamment la question de savoir si l’adresse IP peut être considérée comme une donnée personnelle ?
Une réparation du préjudice subi peut être demandée à cause de non-publication. Il faut aussi savoir que le refus d’insertion et le refus de faire droit à ce droit de réponse est un délit passible d’amende de 3750 euros.
Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037196505/