. On remarquera que l'hypothèse de dévolution ici postulée est expressément dérogatoire aux dispositions de l'article 757-2 du code civil, selon lequel, « en l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ». Ainsi, c'est « par dérogation à l'article 757-2 » que l'article 757-3 prescrit la mise en œuvre d'un droit de retour légal au profit des frères et sœurs du défunt ou leurs descendants.
Le droit de retour légal posé par l'article 757-3 du code civil ne joue ainsi qu'en présence d'un conjoint survivant. Si ce dernier renonce à la succession ou est indigne, ce droit de retour légal ne joue pas. Les collatéraux privilégiés, en l'absence de descendant, de parent et de conjoint survivant, deviennent alors les seuls héritiers ab intestat.
Selon l'article 757-3, ce droit de retour légal joue « en cas de prédécès des père et mère ». Si les parents sont renonçants ou indignes, il faut semble-t-il admettre que le droit de retour légal des collatéraux privilégiés joue. Précisons qu'il faut que les deux parents soient prédécédés, indignes ou renonçants pour que l'article 757-3 s'applique. Ainsi, si seul le parent à l'origine de la donation est prédécédé, indigne ou renonçant, ni le retour légal des frères et sœurs ni le retour légal des parents ne joueront, car le parent survivant n'est pas à l'origine de la donation.
La loi prend soin de réserver le jeu du droit de retour aux seuls collatéraux « eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission » (C. civ., art. 757-3). Il en résulte que les frères et sœurs germains du de cujus peuvent toujours exercer le droit de retour dès lors que celui-ci a reçu ou recueilli des biens de ses père et mère. Mais les frères et sœurs utérins ne pourront exercer le droit de retour que si le de cujus laisse des biens donnés par sa mère ou recueillis dans sa succession. De même, les frères et sœurs consanguins ne pourront l'exercer que si le de cujus laisse des biens donnés par son père ou recueillis dans sa succession.
Le droit de retour de l'article 757-3 du code civil est limité à la moitié des biens visés par le texte, ce qui aboutit à une indivision entre les collatéraux privilégiés et le conjoint survivant. Le conjoint survivant pourra demander le maintien dans l'indivision « de l'entreprise ou des locaux d'habitation ou à usage professionnel » (C. civ., art. 822, al. 2), ou l'attribution préférentielle « de droit » de ce bien de famille s'il s'agissait de sa résidence principale à l'époque du décès, à charge de verser une soulte aux collatéraux privilégiés (C. civ., art. 831-3).
Le défunt laisse des ascendants privilégiés
Si le de cujus n’a ni descendant, ni frère et sœur ou descendant de ceux-ci, sa succession est dévolue de manière variable en fonction du nombre d’ascendants privilégiés encore en vie.
I. Le de cujus laisse à la fois son père et sa mère
Lorsque le de cujus laisse à la fois son père et sa mère, ceux-ci peuvent se trouver ou non en concurrence avec d’autres successibles, notamment des collatéraux privilégiés. Les successibles autres que les collatéraux privilégiés sont exclus de la succession en présence à la fois du père et de la mère du défunt.
A. Les ascendants privilégiés en l’absence d’autres successibles
« Lorsque le défunt ne laisse ni postérité, ni frère, ni sœur, ni descendants de ces derniers, ses père et mère lui succèdent, chacun pour moitié » (Code civil, art. 736). On applique le système de la fente successorale prévu aux articles 746 et suivants du Code civil qui consiste à attribuer la moitié de la succession à la ligne paternelle et la moitié à la ligne maternelle.
Père |
1/2 |
Mère |
1/2 |
B. Les ascendants privilégiés en présence de collatéraux privilégiés
« Lorsque les père et mère survivent au défunt et que celui-ci n’a pas de postérité, mais des frères et sœurs ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et, pour la moitié restante, aux frères et sœurs ou à leurs descendants » (Code civil, art. 738, al. 1er) : chacun des père et mère a vocation à un quart de la succession, quel que soit le mode d’établissement de la filiation. Les collatéraux privilégiés se partagent l’autre moitié de la succession.
Père |
1/4 |
Mère |
1/4 |
Collatéraux privilégiés |
1/2 |
II. Le de cujus laisse son père ou sa mère
Lorsque le de cujus laisse un seul de ses ascendants privilégiés, père ou père, une place est faite dans la succession non seulement aux collatéraux privilégiés mais également, en l’absence de ces derniers, aux collatéraux ordinaires.
A. L’ascendant privilégié en l’absence d’autres successibles
Lorsque le de cujus laisse seulement son père ou sa mère, en l’absence de collatéraux privilégiés, d’ascendants ordinaires et de collatéraux ordinaires, la succession lui est entièrement dévolue (Code civil, art. 748, al. 3).
B. L’ascendant privilégié en présence de collatéraux privilégiés
« Lorsqu’un seul des père et mère survit, la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts aux frères et sœurs ou à leurs descendants » (Code civil, art. 738, al. 2) : si le défunt ne laisse que son père ou sa mère, le survivant recueille un quart ; le quart revenant en principe à l’autre ascendant privilégié prédécédé est dévolu aux collatéraux privilégiés qui profitent dans cette mesure du prédécès de l’un des père et mère. En cas de prédécès d’un frère ou d’une sœur, la représentation peut profiter à leurs descendants à l’infini.
Père ou mère |
1/4 |
Collatéraux privilégiés |
3/4 |
C. L’ascendant privilégié en présence d’ascendants ordinaires
1) Dans l’autre ligne
En cas de concours entre d’une part le père ou la mère du défunt et d’autre part un ou plusieurs ascendants ordinaires de l’autre ligne que celle de son père ou de sa mère survivant, la succession est dévolue pour moitié au père ou à la mère et pour moitié aux ascendants de l’autre ligne (Code civil, art. 738-1).
Ascendant privilégié dans une ligne (père ou mère) |
1/2 |
Ascendant ordinaire dans l’autre ligne |
1/2 |
2) Dans la même ligne
Lorsque le défunt laisse des ascendants ordinaires et des ascendants privilégiés dans une seule ligne, la règle du degré s’applique : le plus proche en degré du de cujus reçoit la totalité de la succession (Code civil, art. 748, al. 1er).
Ascendant privilégié dans la même ligne (père ou mère) |
1 |
Ascendant ordinaire dans une ligne |
0 |
Dans tous les cas, l’article 738-2 du Code civil prévoit un droit de retour légal au profit des père et mère.
3) L’ascendant privilégié en présence de collatéraux ordinaires
Lorsqu’un seul ascendant privilégié, c’est-à-dire le père ou la mère du de cujus, est vivant, et où il existe un collatéral ordinaire dans l’autre ligne ou dans la même ligne, l’ascendant privilégié reçoit la totalité de la succession en application de l’article 748, alinéa 3 du Code civil : « À défaut d’ascendant dans une branche, les ascendants de l’autre branche recueillent toute la succession ».
Ascendant privilégié dans une ligne (père ou mère) |
1 |
Collatéral ou collatéraux ordinaires |
0 |
III. Le défunt laisse des collatéraux privilégiés (droit de retour légal)
Lorsque le défunt laisse des collatéraux privilégiés, ceux-ci peuvent se trouver en présence d’ascendants privilégiés.
Si le défunt ne laisse ni père, ni mère, la succession est dévolue en totalité à ses frères et sœurs ou à leurs descendants (Code civil, art. 737). Les ascendants ordinaires (grands-parents, arrière-grands-parents, etc.) et les collatéraux ordinaires (collatéraux autres que les frères et sœurs et leurs descendants = cousins) sont exclus. En conséquence, le partage s’opère par égales portions. Le partage par souche se substitue au partage par tête en cas de recours à la représentation en raison du prédécès de l’un ou de plusieurs collatéraux privilégiés pourvus d’une descendance.
Depuis la loi de 2001, les frères et sœurs issus de père ou de mère différents viennent tous à la succession de leur (demi-) frère ou sœur de façon égalitaire, la fente particulière ayant été supprimée.
Collatéral privilégié |
1 |
Ascendant ordinaire |
0 |
Collatéral ou collatéraux ordinaires |
0 |
Sources :
Article 734 du Code civil
Code civil, art. 736
Articles 746 et suivants du Code civil
Code civil, art. 738, al. 1er
Code civil, art. 748, al. 3
Code civil, art. 738, al. 2