Le JO du 23 janvier 2013 a pourtant définit le « mot-dièse » comme une « suite signifiante de caractères sans espace commençant par le signe # (dièse), qui signale un sujet d’intérêt et est inséré dans son message par son rédacteur afin d’en faciliter son repérage ».
Popularisé par Twitter qui en a fait un lien hypertexte pour regrouper les messages parlant du même sujet, le hashtag devient une marque commerciale en tant que telle. Marqueur de métadonnées, il présente en effet l’avantage de regrouper en un clic les contenus comportant les mêmes mots clés sur les réseaux sociaux. Il est apparu ainsi comme un véritable vecteur de communication pour les entreprises.
En principe, les marques commerciales ne peuvent concerner que les moyens utilisés par une entreprise pour être identifiable par le consommateur. Une entreprise ne peut donc pas prétendre s’approprier un hashtag qui ne ramène pas directement à ses produits ou services, ou à sa propre identité. Mais Twitter brouille les pistes avec des « tendances sponsorisées », qui sont en réalité des hashtags lancés par les entreprises pour fédérer leur communauté le temps d’une opération.
En outre, il faut savoir que l’INPI refuse d’octroyer des marques exclusives lorsqu’il s’agit de hashtags spontanément apparus sur Twitter. L’INPI a par exemple refusé de protéger #JeSuisCharlie ou #PrayForParis, qui appartiennent à tous.
I. La législation en vigueur
A. Le droit de la propriété intellectuelle
Le premier mécanisme qui protège un hashtag est évidemment le droit d’auteur. À condition de satisfaire au critère d’originalité, un mot-dièse peut parfaitement être considéré comme une oeuvre de l’esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle et, partant, être protégé dès sa création. Cette protection va de pair avec les questions juridiques habituelles qu’elle amène, notamment quant à la titularité des droits. Mais en tout état de cause le droit d’auteur permettra à l’auteur d’un hashtag de faire reconnaitre ses droits en présence de contrefaçon.
En outre, au sens du Droit applicable dans l’Union européenne, un hashtag peut objectivement être protégé à titre de marque. La directive 2008/95/EC indique ainsi que « peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ». À condition de satisfaire l’ensemble des critères de validité d’une marque, et notamment la disponibilité du signe et sa licéité, aucun obstacle ne permet de justifier qu’un hashtag ne puisse pas être protégé à titre de marque.
B. Les contenus illicites
Concernant le filtrage de ces contenus, problématique importante puisqu’en réalité le hashtag peut nuire à l’image d’un programme, d’un produit, d’une personne et « ce réseau peut vite devenir un immense défouloir »1. C’est la rançon du succès de Twitter qui dès lors permet de diffamer de 140 caractères ; un risque qui augmente corrélativement au nombre de followers.
L’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 protège la liberté d’expression des citoyens comme « l’un des droits les plus précieux de l’Homme », mais avertit immédiatement qu’il faut répondre des abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.2
Ces limites valent pour tout espace d’expression et ont vocation à concerner tous les réseaux sociaux
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose un nombre limité d’infractions (l’injure et la diffamation (art. 29), la provocation à la commission d’infraction (art. 23, 24 et 24 bis), l’incitation à la haine (art. 24), la diffusion de fausses nouvelles (art. 27), (…) dont l’élément matériel consiste dans le fait de publier. Nul doute que le fait de poster un message sur le réseau Twitter caractérise cet élément.
La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) pose quant à elle le principe de la liberté de la communication au public par voie électronique. En incluant ce terme, la LCEN renforce de fait la base légale de la loi de 1881 en l’étendant aux communications électroniques. En 2009, une décision du Conseil constitutionnel apporte des précisions quant à la LCEN. Les hébergeurs, au même titre que les éditeurs de presse en ligne n’ont pas la charge de préjuger de la licéité des contenus publiés via leurs services. Imposer une telle obligation serait une atteinte à la liberté d’expression.
Enfin, s’agissant de la Loi Informatique et Libertés de 1978, un arrêt a reconnu que celte loi, avec le concours de la LCEN, aurait vocation à s’appliquer dans le repérage par le juge des auteurs de propos illicites. Ce sont les durées de conservation des données identifiantes qui sont ici concernées.
II. La protection d’un hashtag
A. La protection des marques
L’utilisation du hashtag explose ces dernières années. Lancé par Twitter il y a 10 ans, les demandes de dépôts de marques composées d’un hashtag se multiplient.
Bien qu’un parallèle puisse être fait avec le nom de domaine, le hashtag ne fait l’objet d’aucune protection spécifique par la propriété intellectuelle.
Ce dernier entendu dans son ensemble, peut être protégé à titre de marque puisqu’il est effectivement susceptible de représentation graphique (condition posée à l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle). Toutefois, le hashtag ne sera enregistré à titre de marque que s’il est distinctif c’est-à-dire s’il est de nature à distinguer les produits et services de l’entreprise, de ceux des autres entreprises (article L711-1 CPI).
En droit d’auteur, l’article L112-1 du CPI dispose que « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. » Le critère sera ici l’originalité, pas besoin de dépôt le droit d’auteur étant un droit absolu. Malgré la liberté d’appréciation des juges, ce droit pourrait se faire valoir en la présence d’une contrefaçon.
La contrefaçon ne sera constituée que si la reproduction ou l’imitation du hashtag par un tiers a lieu dans la vie des affaires et porte atteinte à l’une des fonctions de la marque. Ainsi, la seule reprise du signe « # » n’est pas de nature à caractériser une contrefaçon, à défaut d’atteinte à la fonction d’identification de la marque. En effet, cet élément pris isolément des mots qui lui sont associés n’est pas distinctif.
B. La concurrence-déloyale
Le dernier terrain légal envisageable serait celui du droit de la concurrence, malgré un cadre légal strict. Cette protection présenterait l’avantage, face au cours délai de prescription de la loi sur la presse de porter celui-ci à 5 ans. La qualification de dénigrement serait la plus adéquate. Un dernier obstacle : la preuve de la faute. Le parasitisme distinct de la notion de contrefaçon, seul cet élément prouverait une entrave au libre-jeu de la concurrence. Cette notion demeure tributaire du danger économique et la faute sera appréciée in concreto.
Comment considérer également le « retweet », qui suggère un acte de publication et pose un nouveau problème de droit ? Face à un vide jurisprudentiel, les auteurs estiment « que le juge se placerait sur le terrain de l’intention et rechercher le but poursuivi par le twitto ».
Devenu un véritable actif immatériel, les entreprises ont pris conscience tardivement de l’intérêt économique que le hashtag représente. En effet, en 2010, soit six années après la création de Twitter, seules sept entreprises s’étaient tournées vers les offices de propriété industrielle en vue d’obtenir le dépôt de hashtags à titre de marque.
Sources :
http://www.linkipi
http://www.itchannel.info/index.php/articles/162171/hashtag-nouveaute-droit-marques-inspiree-reseaux-sociaux.htmlt.com/la-protection-du-hashtag/