La directive a pour but affiché de créer une nouvelle réglementation européenne relative à l’octroi de licences. La gestion collective des droits sur les œuvres musicales représente des enjeux économiques importants, raison pour laquelle la Commission invite aujourd’hui à légiférer en la matière. La licence européenne permettra, sous certaines conditions, l’octroi de licences aux prestataires de services qui seront valables pour tout le territoire de l’Union.
Pourtant, les sociétés de gestion collective ont développé, depuis l’ouverture à la concurrence de 2005, des alternatives pour étendre autant que possible les licences qu’elles proposent. La Commission semble inciter les sociétés de gestion collective, par cette nouvelle directive, à s’adapter aux exigences des nouvelles technologies et des prestataires de services.
En résumé, la Commission tente, dans sa proposition, un équilibre entre trois parties différentes, les ayants droits, les prestataires de services et entre les deux, les sociétés de gestion qui servent, selon elle, « d’intermédiaire entre les titulaires de droits et les prestataires de services qui souhaitent utiliser leurs œuvres ». Pour la même raison que les prestataires de services, c'est-à-dire la qualité d’opérateur économique, la Commission cherche à étendre la libre concurrence aux sociétés de gestion collective depuis 2005.
Le problème qui se pose porte sur l’adaptabilité de la licence européenne face à l’articulation des relations entretenues par les sociétés de gestion avec les prestataires et les ayants droit.
I - La libre concurrence dans la proposition de directive relative à la licence européenne
A - L'adaptabilité aux nouvelles technologies
La licence européenne telle qu’elle est prévue par la proposition de directive permettra l’obtention des licences via un guichet unique, mais qui sera valable sur tout le territoire de l’Union européenne. Bien qu’il existe déjà des partenariats entre les sociétés de gestion collective et aussi avec certaines maisons de disques et les prestataires de services, la Commission semble vouloir accentuer le mouvement. La licence européenne de droits sur les œuvres musicales sera donc octroyée sans considération des frontières au sein de l’Union.
En effet, les prestataires de services doivent aujourd’hui faire des demandes de licence dans tous les pays où ils développent leurs activités et, en plus, doivent faire autant de demandes qu’il y a de répertoires, chaque société de gestion ayant son répertoire. Les sociétés de gestion collective d’envergure peuvent généralement négocier des accords globaux pour proposer un répertoire le plus large possible qu’elles pourront ensuite exporter sur tout le territoire de l’Union. Il n’en reste pas moins que les prestataires de services négocient toujours dans chaque pays l’octroi des licences.
B - Une modification du système actuel estimée nécessaire par la Commission
Pour rappel, le concept de licence de droits aujourd’hui recouvre en réalité plusieurs types de licences. Il existe différents niveaux de protection intermédiaires garantissant plus ou moins la protection des droits des artistes allant de l’œuvre libre de droit à la licence proposée par les sociétés de gestion collectives des droits. Il existe également des œuvres dites indisponibles qui, alors, échappent au processus. Quel que soit le modèle choisi, la Commission souligne tout de même que « la gestion collective des droits est également importante pour l'attribution de licences aux prestataires de services de musique en ligne ». Les sociétés de gestion collective attribuent des licences aux prestataires de services d’une part et reversent, d’autre part, les droits ainsi perçus aux titulaires de droits, c'est-à-dire les artistes : les auteurs, les compositeurs, les interprètes ou encore les producteurs.
La Commission ne remet d’ailleurs pas en cause ce point de fonctionnement. La directive s’en inspire même et ses objectifs affichés, pour les sociétés de gestion collective, portent finalement sur des principes généraux du droit de l’Union européenne, c'est-à-dire la transparence et de gestion. De plus, la question se pose dans la doctrine de savoir si la licence européenne effacera la possibilité de recourir à la licence libre ou la licence de libre diffusion. Il serait logique que la directive soit à interpréter de façon libérale : puisqu’elle vise à améliorer l’adaptation aux nouvelles technologies et que ce type de licences a pris de l’importance précisément avec les nouvelles technologies, il est difficile de déduire que la directive en sonne le glas.
II - Une réponse aux enjeux actuels
A - Les défis économiques en jeu
Il serait faux de dire que les sociétés de gestion collective des droits n’ont pas déjà pris conscience des implications économiques qui découlent de l’évolution de l’accès aux œuvres, notamment musicales. En effet, les accès en ligne à ces œuvres, comme il a été exposé précédemment, a bousculé les choses et son évolution n’est pas terminée. Parmi les solutions alternatives, déjà mentionnées, figure, par exemple, la licence globale proposée avant même l’ouverture à la concurrence.
L’impact économique de la gestion collective des droits est également important d’un tout autre point de vue. L’actualité récente a montré que les forces en jeu ne sont pas des moindres et pas seulement du côté des prestataires de services. L’arrêt du 25 septembre 2012 de la Cour de cassation trahit bien l’enjeu : la Cour avait condamné la société propriétaire de l’ancien site Radioblog à près de 1 million d’Euros de dommages et intérêts. Il s’agissait de réparer l’utilisation massive de musique sans avoir payé de licence. Malgré son existence fugace, le site avait généré de nombreuses visites.
B - Une directive en équilibre
C’est seulement au vingt-quatrième considérant que la proposition de directive comporte mention du téléchargement illégal sans y revenir ensuite une seule fois. La bonne gouvernance prônée par la Commission ne pourra semble-t-il se faire pleinement sans une lutte efficace contre le piratage des œuvres en ligne. Il semble qu’il faille en déduire d’ailleurs que la Commission continue à s’en remettre aux autorités nationales en la matière, tel que la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet (la HADOPI) après que le Parlement européen ait rejeté en juillet 2012 le traité ACTA.
Quoi qu’il en soit, la Commission annonce dans son communiqué poursuivre deux objectifs principaux qui lui servent également d’arguments au soutien de sa proposition de directive : la transparence et une meilleure gouvernance pour les sociétés de gestion collective. La transparence n’est pas fondamentalement une innovation ni pour le droit de l’Union européenne, ni pour le droit interne. Finalement, en ce qui concerne la gouvernance, la proposition de directive lui consacre tout un titre II intitulé « Sociétés de gestion collective ». Ce dernier porte sur leurs règles d’organisation et de transparence, la Commission liant finalement les deux. De fait, le titre aura l’avantage de lisser les régimes des sociétés au sein de l’Union européenne en portant sur des sujets divers comme les règles de gestion financière ou sur des principes plus généraux de non-discrimination ou de négociation de bonne foi.