Jusqu’à cette date, il peut y renoncer lorsque la valeur du bien, telle que déterminée au jour de cette attribution, a augmenté de plus du quart au jour du partage indépendamment de son fait personnel.
Toutefois, lorsque le jugement, qui a accueilli la demande d’attribution préférentielle, est frappé d’un appel général, il n’a pas force de chose jugée, de sorte qu’une cour d’appel en déduit exactement que le bénéficiaire peut renoncer à cette attribution, même si les conditions édictées par le texte précité ne sont pas remplies.
L’attribution préférentielle constitue une modalité du partage, qu’il s’agisse d’un partage de succession, d’un partage matrimonial ou d’un partage de société. Elle exclut, par sa nature, le tirage au sort des lots entre les cohéritiers.
Cette analyse est déterminante pour préciser comment doit s’effectuer le transfert de l’exploitation attribuée. On suppose que l’attribution préférentielle a été ordonnée par le tribunal en faveur de tel héritier (partage de succession) ou de tel époux (partage de communauté).
Le bénéficiaire n’a pas pour autant le droit de prendre immédiatement possession (ou jouissance divise) du bien qui lui est attribué. L’attribution préférentielle n’est pas une faculté de préciput permettant de prélever le bien avant tout partage. L’attributaire doit donc attendre la réalisation effective du partage. Jusque-là, le bien reste dans l’indivision. La propriété n’est acquise qu’une fois le partage définitif (Code civil, article 834, al. 1er).
Le bien placé dans le lot de l’attributaire est imputé sur ses droits (d’héritier ou d’époux commun en biens) à concurrence de leur valeur. Bien entendu, si la valeur du bien attribué dépasse celle des droits (d’héritier ou d’époux commun en biens) de l’attributaire, celui-ci a l’obligation de payer une soulte.
Jusqu’à quel moment celui qui a obtenu un jugement lui accordant l’attribution préférentielle d’un bien indivis (exploitation, local d’habitation...) est-il en droit de renoncer unilatéralement à cette faculté ?
Jusqu’au jour de la jouissance divise (ou de l’attribution privative), les fruits et revenus du bien ayant fait l’objet de l’attribution préférentielle accroissent à l’indivision et font partie de la masse à partager, sauf partage provisionnel de jouissance (Code civil, article 815-10).
Un copartageant peut renoncer par accord amiable au droit de demander en justice l’attribution préférentielle. Ainsi en est-il, par exemple, si, au début des opérations de partage, les copartageants décident par convention que le partage aurait lieu en nature. En signant une telle convention (postérieurement, par exemple, à l’ouverture d’une succession), les personnes qui auraient pu demander éventuellement l’attribution préférentielle y renoncent. Cette renonciation conventionnelle est valable.
Le copartageant qui a présenté une demande d’attribution préférentielle et qui en a obtenu judiciairement le bénéfice ne peut pas librement s’en dégager. La renonciation ne peut intervenir avant le partage que si la valeur du bien a augmenté de plus du quart entre le jour de l’attribution et celui du partage, indépendamment du fait de l’attributaire (Code civil, article 834, al. 2). Toutefois, si le jugement du tribunal est frappé d’un appel général, il n’a pas force de chose jugée. Le bénéficiaire de l’attribution préférentielle peut alors y renoncer même si les conditions édictées par l’article 834 du Code civil ne sont pas remplies.
I) La possibilité de renoncer à l’attribution préférentielle en cas d’appel du jugement l’ayant accordée
Le jugement, qui fait droit à la demande d’attribution préférentielle, étant frappé d’un appel général, n’a pas force de chose jugée.
La réponse est délicate, dans la mesure où il convient de ménager des intérêts antagonistes. D’un côté, l’attributaire a tout à gagner à conserver jusqu’à la réalisation du partage définitif la liberté de composer son lot ; d’autant que l’attribution est susceptible de se révéler pour lui excessivement onéreuse, voire ruineuse, compte tenu de l’évaluation du bien au jour du partage. De l’autre, les coïndivisaires, sont, au contraire, enclins à limiter au maximum cette possibilité, qui, à leurs yeux, porte atteinte à la prévisibilité du partage.
Dans un premier temps, les tribunaux, soucieux de sécurité juridique, ont entendu restreindre la faculté de renonciation unilatérale du bénéficiaire. Ils ont décidé qu’elle ne pouvait être admise que si la décision accordant l’attribution préférentielle n’était pas encore irrévocable.
Puis, la Cour de cassation s’est montrée plus sensible à la situation de l’attributaire. En effet, entre le jugement d’attribution et la répartition des biens indivis, diverses circonstances sont à même d’alourdir la charge qui pèse sur lui, notamment s’il est redevable d’une soulte envers ses cohéritiers : revers de fortune, maladie, chômage, variation à la hausse de la valeur du bien, etc.
Mais cette solution libérale a été contestée dans son principe. On lui a reproché, tout à la fois, de méconnaître l’autorité de la chose jugée et d’abandonner les modalités du partage à la merci de l’attributaire. Ces critiques, qui ne sont pas dépourvues de pertinence, ont conduit le législateur de 2006 à rompre avec la jurisprudence de 1996 Cour de cassation., 11 juin 1996 et à lui préférer une voie médiane. Dans cet esprit, l’article 834, alinéa 2, du Code civil, prévoit que le bénéficiaire « ne peut renoncer que lorsque la valeur du bien, telle que déterminée au jour de cette attribution, a augmenté de plus du quart au jour du partage indépendamment de son fait personnel ». Autrement dit, la renonciation est désormais cantonnée à l’hypothèse d’une augmentation importante (au-delà de 25 %) et fortuite de la valeur du bien.
La Cour de cassation n’avait pas encore eu l’occasion de se prononcer sur ce nouveau texte. Elle le fait, dans l’arrêt rapporté, en desserrant l’étau qui bride la faculté de renoncer. La première chambre civile admet que le bénéficiaire est à même de se libérer, même en l’absence d’augmentation de plus du quart, pourvu que la décision ayant accordé l’attribution préférentielle ne soit pas passée en force de chose jugée. Ainsi en est-il, comme en l’espèce, lorsque le jugement est frappé d’appel.
Cette solution mérite d’être approuvée. On notera, d’une part, qu’elle est conforme aux principes généraux de la procédure civile et qu’il avait déjà été jugé, par le passé, que l’attributaire pouvait renoncer à l’attribution préférentielle en cause d’appel. D’autre part, qu’elle n’entre nullement en contradiction avec la législation contemporaine, spécialement avec l’article 834, alinéa 2, du Code civil.
II) La portée de cette décision
En premier lieu, il faut se demander si l’héritier pourrait renoncer à sa demande lorsqu’elle est accueillie par un arrêt d’appel frappé d’un pourvoi en cassation. Voie de recours extraordinaire (Code de procédure civile article 604 s.), le pourvoi n’a pas, en principe, d’effet suspensif (Code de procédure civile, article 579). L’arrêt d’appel a donc force de chose jugée immédiatement. La solution de la Cour de cassation s’y oppose en ce qu’elle vise la décision non encore passée en force de chose jugée.
Le demandeur souhaitant bénéficier de l’attribution préférentielle en appel peut se trouver dans une situation aussi défavorable que le demandeur en première instance, que la demande soit soulevée à l’occasion de ce recours et la valeur du bien déterminée à cette occasion ou que la Cour d’appel réévalue à la hausse celle-ci. Plutôt que retenir la décision ayant force de chose jugée, la Cour pourrait préférer se référer à l’avenir à la décision irrévocable comme elle l’a déjà fait pour admettre qu’une demande en attribution préférentielle puisse être formée tant qu’une décision irrévocable contraire n’est pas intervenue.
C’est d’ailleurs à la « décision de justice irrévocable » que le pourvoi, censé reprendre les motifs de l’arrêt d’appel, fait référence tandis que les juges d’appel ont eu recours « aux décisions ayant force de chose jugée » pour en déduire que la demande d’attribution n’était pas « définitive » (Cour d’appel, Bordeaux, 3e chambre civile, 24 avril 2018 - n° 15/00119).
À cet égard, on rappellera qu’est irrévocable une décision insusceptible de recours ordinaire comme extraordinaire. Il est évident qu’une renonciation ne saurait avoir lieu après que la décision soit devenue irrévocable. Il y aurait sinon atteinte à l’autorité de la chose jugée. Il reste qu’il n’est pas certain que l’on puisse reconnaître à la Cour de cassation la possibilité de casser l’arrêt sur la base de la renonciation de l’héritier bénéficiaire de l’attribution en l’absence même de tout moyen de cassation.
En deuxième lieu, à côté de la décision judiciaire passée en force de chose jugée, l’attribution préférentielle peut être également admise dans le cadre de la convention des parties.
Par définition, celle-ci est définitive à la date de sa conclusion en vertu de sa force obligatoire (Code civil, article 1103) dont la règle du mutuus dissensus (Code civil, article 1193) n’est qu’une application. De la même manière que la convention des parties peut faire obstacle à une demande d’attribution préférentielle, il faut admettre qu’à compter de la conclusion d’une convention reconnaissant à l’un des cohéritiers celle-ci, sa renonciation doit répondre aux conditions posées par l’article 834 du Code civil.
En dernier lieu, il ne convient pas de distinguer selon que l’attribution préférentielle est facultative ou de droit (cas du logement familial pour le conjoint survivant [Code civil, article 831-3] et des petites exploitations agricoles pour tout héritier ab intestat [Code civil, article 832]). L’attribution préférentielle doit dans tous les cas être prononcée par le juge ou convenue par les parties (Code civil, article 832-3).
Enfin, l’arrêt de la Cour d’appel pourra également intéresser tout notaire liquidateur. La lecture des moyens annexés à l’arrêt de la Cour de cassation dévoile, en effet, la méthode d’évaluation retenue par les conseillers de Bordeaux pour déterminer le prix de mise aux enchères de la propriété viticole grevée à la fois de l’usufruit du conjoint survivant et d’un bail rural.
Bien que le pourvoi critique le prix retenu, la Cour de cassation estime, pour sa part, que les griefs soulevés ne nécessitaient pas de décision spécialement motivée en ce qu’ils n’étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Ce n’est que l’application de l’article 1014 du code de procédure civile qui permet à la Cour de cassation, depuis 2014, de rendre des arrêts non spécialement motivés.
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