Dans l’arrêt rendu le 7 mars 2017 par la première chambre de la Cour d’appel de Paris, les juges opèrent une analyse minutieuse des demandes d’indemnisation relatives au plagiat d’un site internet d’une entreprise par son concurrent.
En l’espèce, la Sarl Sound Strategy, spécialiste dans la communication sonore de l’entreprise, propose depuis 2009 des messages vocaux destinés à l’accueil téléphonique des PME via son site internet www.studio-lowcost.com. Ce site permet au client d’accéder à des enregistrements standards ou personnalisés. Son dirigeant et actionnaire majoritaire M.X a découvert que l’entreprise du second associé M.Y, qui se trouve être dirigeant et actionnaire majoritaire de Sas Concepson, dispose d’un site internet concurrent www.myphonestudio.com analogue au sien.
La société Sound Strategy (demanderesse) a assigné le 25 avril 2014 la société Concepson (défenderesse) devant le tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale et parasitisme.
Elle avait par ailleurs demandé une indemnisation à hauteur de 73.742 euros à titre de préjudice économique ainsi que d’ordonner à la défenderesse de publier sur la page de son site pendant une durée d’un mois à compter de la signification de la décision un encadré avec les mentions « Condamnation de la société Concepson pour concurrence déloyale parasitaire … »
Nous allons procéder à l’analyse de décision de la cour d’appel (II) après avoir étudié les préjudices retenus en première instance (I).
- I. Préjudice économique et concurrence déloyale parasitaire
- A) Les éléments constitutifs d’une action en concurrence déloyale et parasitisme
En l’absence de droit privatif, la règle est de recourir au droit commun afin de se faire indemniser le préjudice subi. L’action issue de ce droit commun et relative au règlement des litiges commerciaux entre deux concurrents est l’action en concurrence déloyale ou encore le parasitisme.
Ces deux actions nécessitent en vertu des articles 1240 et 1241 du Code civil (ancien article 1382 et 1383), la réunion de trois éléments à savoir une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.
- B) Les rappels des juges du fond
Les juges du fond ont relevé le fait que les sites internet des deux concurrents présentaient des similitudes et que contrairement à la demanderesse, la Sas Concepcon ne rapportait pas la preuve des investissements nécessaires à la conception d’un tel site web. De ce fait, elle s’est rendue coupable de concurrence déloyale parasitaire.
Le jugement de première instance rendu par le tribunal de Paris, le 28 septembre 2015 avait donc retenu la responsabilité civile délictuelle de la Sas Concepcon et l’a condamné au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts. Cette somme, relative au préjudice économique, a été évaluée par les juges du fond après la prise en compte des éléments communiqués par la Sarl Sound Strategy alors que cette dernière en avait réclamé 73.742 euros en réparation du préjudice économique. De ce fait, elle fait appel devant la Cour d’appel de Paris.
- II. Une solution insuffisante
- A) La reconnaissance d’un préjudice distinct des investissements de conception
Tout d’abord, la cour d’appel de Paris dans son arrêt 7 mars 2017 confirme le jugement de la première instance sur les actes de concurrence déloyale parasitaire.
Ensuite, concernant la somme demandée au titre de réparation de préjudice, elle reproche à la demanderesse de ne pas avoir rapporté la preuve d’une éventuelle baisse du chiffre d’affaires.
L’allocation de dommage et intérêt est proportionnelle au préjudice subi et ne tient pas compte des coûts de développement du site internet même si cela constitue une économie réalisée par la défenderesse.
Concernant la demande de réparation du préjudice morale, la cour d’appel accueille la demande de la demanderesse même si cette demande n’était pas formulée devant les juges du fonds. La Cour d’appel considère « qu’il infère d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral,… ». De ce fait, le préjudice moral existe depuis le début et le fait d’en demander la réparation revient à la même demande initiale à savoir la réparation du préjudice issu de l’action en concurrence déloyale parasitaire de son concurrent. Elle a condamné la défenderesse au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de préjudice morale.
B) Solution non-protectrice
Les montants alloués au titre de d’indemnisation pour préjudice morale et pour préjudice économique ne sont pas dissuasifs. La Sarl avait engagée des frais pour la conception du site web qui s’élève à 23.920 euros, somme que son concurrent n’avait pas engagé.
C’est décevant de ne pas avoir retenu la condamnation de la défenderesse à l’affichage du bandeau précisant sa condamnation sur la page d’accueil du site internet, cette mesure aurait était plus dissuasive que une simple réparation d’autant plus minime.
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Sources